Habillage et déshabillage sur le lieu de travail : la Cour de cassation rappelle les règles de la contrepartie

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Paie Temps habillage, déshabillage

La Cour de cassation vient de rendre dans lequel elle rappelle que le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties lorsque 2 conditions cumulatives existent. Notre actualité vous explique.

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Présentation de l’affaire 

La présente affaire concerne plusieurs salariés, engagés en en qualités de maçons, d'aides-maçons, de conducteurs de tracto-pelle, de conducteur d'engin ou de chauffeur.

Les 10 octobre 2016 et 1er mars 2017, ils ont respectivement saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la condamnation de l'employeur à leur payer un rappel au titre de la contrepartie au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, outre congés payés afférents. 

Arrêt de la cour d’appel

La cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 28 mai 2021, déboute les salariés de leur demande, argumentant de la manière suivante : 

Pour débouter les salariés de leurs demandes de rappels au titre de la contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage :

  • Les arrêts retiennent que le salarié se réfère au contrat de travail qui préconise d'utiliser des vêtements et équipements de sécurité et protection nécessaires à l'exécution de certaines tâches dans les meilleures conditions de sécurité, l'employeur invoquant lui-même les dispositions de l'article 11 du règlement intérieur, lequel impose l'utilisation de dispositifs de protection individuels ou collectifs pour l'exécution des tâches confiées au salarié.

Les arrêts ajoutent :

D’une part, que les salariés ne démontrent pas : 

  1. Que le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail ;
  2. Et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ;

D’autre part :

  • Que les travaux d'enrobés de bitume et de goudron dans le domaine de la construction ou de l'entretien des routes ne font pas partie de la liste des travaux salissants prévus par l'arrêté du 23 juillet 1947, de sorte que les éléments produits par les demandeurs n'apportent pas de preuve suffisante de ce qu'ils sont amenés à exécuter des tâches salissantes justifiant l'obligation de revêtir des tenues de travail adaptées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

La cour d’appel en conclue présentement :

  • Que les salariés occupent des postes qui ne les mettent pas en contact direct et permanent avec des produits salissants et insalubres qui les obligeraient à se changer dans l'entreprise ou sur le lieu de travail. 

Arrêt de la Cour de cassation

Toute cette argumentation détaillée n’a pas pour effet de convaincre la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée. 

La Cour de cassation commence par rappeler les dispositions contenues au sein de l’article L. 3121-3 du code du travail :

Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. 

Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, sous réserve de répondre favorablement aux 2 conditions cumulatives suivantes :

  1. Lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail ;
  2. Et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

Dans la présente affaire, il avait été relevé que :

  • Le port des accessoires ou dispositifs de protection individuels ou collectifs fournis par l'entreprise nécessaires à l'exécution des tâches confiées aux salariés s'imposait à ces derniers, tant en application du règlement intérieur que des dispositions de leurs contrats de travail ;
  • Et que l'employeur soutenait lui-même que la seule obligation pesant sur les salariés était de revêtir ces équipements. 

En outre, il n’était pas par ailleurs contesté que ces équipements :

  1. Étaient mis à la disposition des salariés par leur employeur pour des raisons d'hygiène et de sécurité ;
  2. Et devaient être revêtus et ôtés dans l'entreprise. 

C’est donc à bon droit que les salariés réclamaient la contrepartie prévue par le code du travail à l’article L 3121-3.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3121-3 du code du travail :

  1. Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.
  2. Il en résulte que les contreparties au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage sont subordonnées à la réalisation cumulative des deux conditions qu'il édicte.
  3. Pour débouter les salariés de leurs demandes de rappels au titre de la contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage, les arrêts retiennent que le salarié se réfère au contrat de travail qui préconise d'utiliser des vêtements et équipements de sécurité et protection nécessaires à l'exécution de certaines tâches dans les meilleures conditions de sécurité, l'employeur invoquant lui-même les dispositions de l'article 11 du règlement intérieur, lequel impose l'utilisation de dispositifs de protection individuels ou collectifs pour l'exécution des tâches confiées au salarié.
  1. Les arrêts ajoutent, d'une part, que les salariés ne démontrent pas que le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, d'autre part, que les travaux d'enrobés de bitume et de goudron dans le domaine de la construction ou de l'entretien des routes ne font pas partie de la liste des travaux salissants prévus par l'arrêté du 23 juillet 1947, de sorte que les éléments produits par les demandeurs n'apportent pas de preuve suffisante de ce qu'ils sont amenés à exécuter des tâches salissantes justifiant l'obligation de revêtir des tenues de travail adaptées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.
  2. Les arrêts concluent que les salariés occupent des postes qui ne les mettent pas en contact direct et permanent avec des produits salissants et insalubres qui les obligeraient à se changer dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.
  3. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le port des accessoires ou dispositifs de protection individuels ou collectifs fournis par l'entreprise nécessaires à l'exécution des tâches confiées aux salariés s'imposait à ces derniers, tant en application du règlement intérieur que des dispositions de leurs contrats de travail, et que l'employeur soutenait lui-même que la seule obligation pesant sur les salariés était de revêtir ces équipements, la cour d'appel qui, en l'état de ce qu'il n'était pas contesté devant elle que ces équipements étaient mis à la disposition des salariés par leur employeur pour des raisons d'hygiène et de sécurité et devaient être revêtus et ôtés dans l'entreprise, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déboutent MM. [Z],

[S], [T], [R], [Y], [L] et [X] de leurs demandes de rappel de prime d'habillage et de déshabillage, outre congés payés afférents, rejettent leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les condamnent au paiement d'une indemnité de ce chef ainsi qu'aux dépens, les arrêts rendus le 28 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; 

Références

Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 21-20.349, 21-20.350, 21-20.351, 21-20.352, 21-20.353, 21-20.354, 21-20.355

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00518 Non publié au bulletin Solution : Cassation partielle

Audience publique du mercredi 10 mai 2023 Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 28 mai 2021

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