Les candidats de l’île de la tentation sont... des salariés !

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Cet article a été publié il y a 10 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

La Cour de cassation vient de rendre récemment un arrêt concernant les candidats du jeu de téléréalité « L’île de la tentation ».

Confirmant l’arrêt de la Cour d'appel de Versailles, du 5 avril 2011, les participants sont considérés comme des salariés.

Le présent article vous en dit plus… 

L’affaire concernée 

53 personnes (les participants) participent au tournage de l'émission intitulée « L'Île de la tentation », saison 2003, 2004, 2005, 2006 ou 2007.

Le concept de l’émission se définit comme suit :

Extrait de l’arrêt : 

 «  quatre couples non mariés et non pacsés, sans enfant, testent leurs sentiments réciproques lors d'un séjour d'une durée de douze jours sur une île exotique, séjour pendant lequel ils sont filmés dans leur quotidien, notamment pendant les activités (plongée, équitation, ski nautique, voile, etc.) qu'ils partagent avec des célibataires de sexe opposé. A l'issue de ce séjour, les participants font le point de leurs sentiments envers leur partenaire. Il n'y a ni gagnant, ni prix. ».

Saisine du Conseil de Prud’hommes 

Ces participants saisissent la juridiction prud'homale pour voir requalifier le « règlement participants » qu'ils avaient signé en contrat de travail à durée indéterminée, se voir reconnaître la qualité d'artiste-interprète et obtenir le paiement de rappels de salaire et de diverses indemnités. 

Argumentation de la société de production

Pour la société de production, la personne qui accepte librement de se laisser filmer et d'exprimer ses sentiments lors de la participation à des activités de divertissement au cours desquelles il ne lui est demandé d'accomplir aucune performance particulière ne fournit aucun travail.

Qu’il n’y a donc pas lieu de requalifier le document « règlement participants » en un contrat de travail avec toutes les conséquences qui en découlent. 

Extrait de l’arrêt : 

que ne fournit aucun travail la personne qui accepte librement de se laisser filmer et d'exprimer ses sentiments lors de la participation à des activités de divertissement au cours desquelles il ne lui est demandé d'accomplir aucune performance particulière ;

L’arrêt de la cour d’appel 

La Cour d’appel de Versailles, dans son arrêt du 5 avril 2011, considèrent que les participants étaient liées par un contrat de travail à la société de production.

Les juges reconnaissent en effet :

  • Un lien de subordination entre l’équipe de production et les participants ;
  • Des horaires imposés pouvant aller jusqu’à 20 heures par jour (nota : nous sommes bien au-delà des durées légales quotidiennes !) ;
  • L’impossibilité de se livrer à des occupations personnelles (rappel de la notion de travail effectif) ;
  • Que la prestation des participants avait pour finalité la production d’un bien ayant une valeur économique ;
  • Que le versement d’une somme de 1.525 € avait pour cause le travail exécuté. 

Nous remarquerons que les 3 éléments constitutifs d’un contrat de travail sont présents, à savoir :

  • Subordination ;
  • Prestation ;
  • Rémunération. 

Extrait de l’arrêt : 

Et attendu qu'ayant constaté qu'il existait entre les membres de l'équipe de production et les participants un lien de subordination caractérisé par l'existence d'une « bible » prévoyant le déroulement des journées et la succession d'activités filmées imposées, de mises en scènes dûment répétées, d'interviews dirigées de telle sorte que l'interviewé était conduit à dire ce qui était attendu par la production, que ce lien de subordination se manifestait encore par le choix des vêtements par la production, des horaires imposés allant jusqu'à vingt heures par jour, l'obligation de vivre sur le site et l'impossibilité de se livrer à des occupations personnelles, l'instauration de sanctions, notamment pécuniaires en cas de départ en cours de tournage, soit, en définitive, l'obligation de suivre les activités prévues et organisées par la société de production, que les participants se trouvaient dans un lien de dépendance à l'égard de la société, dès lors, séjournant à l'étranger, que leurs passeports et leurs téléphones leur avaient été retirés, que la prestation des participants à l'émission avait pour finalité la production d'un bien ayant une valeur économique, la cour d'appel, qui a caractérisé l'existence d'une prestation de travail exécutée sous la subordination de la société … production, et ayant pour objet la production d'une « série télévisée », prestation consistant pour les participants, pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle, à prendre part à des activités imposées et à exprimer des réactions attendues, ce qui la distingue du seul enregistrement de leur vie quotidienne, et qui a souverainement retenu que le versement de la somme de 1 525 euros avait pour cause le travail exécuté, a pu en déduire que les participants étaient liés par un contrat de travail à la société de production

L’arrêt de la Cour de cassation 

L’arrêt de la cour d’appel est confirmé.

Nous noterons au passage que la demande des participants de se voir reconnaître la qualité d’artiste-interprète, rejetée par la cour d’appel, l’est également par la Cour de cassation.

En d’autres termes, les participants sont reconnus être de véritables salariés, mais pas des artistes-interprètes !

Extrait de l’arrêt : 

Mais attendu que c'est sans se contredire que la cour d'appel a relevé que les participants à l'émission en cause n'avaient aucun rôle à jouer ni aucun texte à dire, qu'il ne leur était demandé que d'être eux-mêmes et d'exprimer leurs réactions face aux situations auxquelles ils étaient confrontés et que le caractère artificiel de ces situations et de leur enchaînement ne suffisait pas à leur donner la qualité d'acteurs ; qu'ayant ainsi fait ressortir que leur prestation n'impliquait aucune interprétation, elle a décidé à bon droit que la qualité d'artiste-interprète ne pouvait leur être reconnue ; 

Ce n’est pas la 1ère fois… 

Il est bon en effet de nous rappeler un arrêt de la Cour de cassation de 2009, concernant toujours les participants à ce jeu de télé réalité intitulé « L’île de la tentation ». 

Extrait du libre « Abécédaire social et paye 2010 » aux Éditions INDICATOR 

Ile de la tentation

 (Les candidats sont des salariés ?)

Pour les personnes qui ne connaitraient pas cette émission diffusée sur TF1, rappelons brièvement ses principes fondamentaux.

L’émission consiste pour certains couples à tester leur fidélité et résister à la tentation (d’où le nom !)

C’est ainsi que 4 couples sont envoyés sur une île (généralement assez paradisiaque pour la tentation et le décor) pendant un séjour de 12 jours.

Les couples sont ainsi filmés y compris pendant les activités avec les célèbres « tentatrices » et les fameux « tentateurs »

Il n’y pas de gagnant (seul l’amour on peut l’espérer du moins) et aucun gain d’argent.

Et les dispositions que nous venons de décrire sont clairement définies et communiquées aux participants dans un document nommé « règlement participants ».

Précision importante, les participants recevaient une somme d’argent (pour la saison 2003, les participants ont perçu 1 525€ pour leur séjour en Thaïlande)

Nous quittons l’île (désolé) pour aller dans les locaux de la Cour de cassation à qui la question suivante a été posée (inédite en matière de jeu télévisé)

Les participants sont ils des salariés ?

Pour la Cour de cassation, la réponse est oui !

Elle confirme qu’il existait bien un lien de subordination et une réelle prestation.

Elle rappelle que « les participants avaient l'obligation de prendre part aux différentes activités et réunions, qu'ils devaient suivre les règles du programme définies unilatéralement par le producteur, qu'ils étaient orientés dans l'analyse de leur conduite, que certaines scènes étaient répétées pour valoriser des moments essentiels, que les heures de réveil et de sommeil étaient fixées par la production, que le règlement leur imposait une disponibilité permanente, avec interdiction de sortir du site et de communiquer avec l'extérieur, et stipulait que toute infraction aux obligations contractuelles pourrait être sanctionnée par le renvoi »

Pour la société GLEM (organisateur du jeu), le jeu se déroule pendant un temps que l’on doit considérer comme un moment de la vie personnelle où chacun peut donc faire ce qu’il a envie.

Pas d’accord, la Cour de cassation considère qu’il n’est en rien et  ajoute que la prestation se déroulait « pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle »

Pour terminer, la Cour de cassation considère que la somme de 1525€ (somme citée plus haut) correspond à un travail réalisé. 

Cour de Cass. 03/06/09 n° 08-40.981 FP-PBRI

Références  

Cour de cassation du 24/04/2013

N° de pourvoi: 11-19091 11-19092 11-19096 11-19097 11-19099 11-19100 11-19101 11-19109 11-19110 11-19111 11-19112 11-19113 11-19114 11-19115 11-19123 11-19124 11-19128 11-19129 11-19130 11-19131 11-19132 11-19133 11-19134 11-19135 11-19136 11-19137 11-19138 11-19140 11-19141 11-19142 11-19143 11-19144 11-19145 11-19146 11-19147 11-19148 11-19149 11-19151 11-19152 11-19153 11-19154 11-19155 11-19156 11-19157 11-19158 11-19159 11-19160 11-19161 11-19162 11-19163 11-19165 11-19167 11-19168

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