La Cour de cassation formule 2 préconisations afin de modifier le régime actuel des congés payés

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Paie Congés payés

Au sein de son rapport annuel 2018, la Cour de cassation suggère plusieurs évolutions législatives sur le régime actuel des congés payés.

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Droit aux congés payés et maladie

Rappel du régime actuel 

Périodes assimilées 

Actuellement, en application de l’article L 3141-5 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis la loi travail, les périodes assimilées à des périodes de travail effectif permettant l’acquisition de congés payés, sont :

  1. Les périodes de congé payé ;
  2. Les périodes de congé de maternité, de paternité et d'accueil de l'enfant et d'adoption ;
  3. Les contreparties obligatoires en repos ;
  4. Les jours de repos accordés au titre de l'accord collectif (type RTT) ;
  5. Les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;
  6. Les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à un titre quelconque.

Article L3141-5

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :

1° Les périodes de congé payé ;

2° Les périodes de congé de maternité, de paternité et d'accueil de l'enfant et d'adoption ;

3° Les contreparties obligatoires sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-30, L. 3121-33 et L. 3121-38 ;

4° Les jours de repos accordés au titre de l'accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44 ;

5° Les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;

6° Les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à un titre quelconque. 

Sans que cela ne soit explicitement indiqué sur le code du travail, un arrêt de travail consécutif à un accident de trajet permet l’acquisition de jours de congés payés, selon la jurisprudence. 

Arrêt de la Cour de cassation du 3/07/2012, pourvoi 08-44834

Arrêt de la CJUE du 24 janvier 2012, affaire C 282/10

Périodes non assimilées

Sauf dispositions conventionnelles ou usages plus favorables, ne peuvent permettre l’acquisition de jours de congés payés, les périodes suivantes notamment :

  • Arrêts de travail consécutifs à un accident du travail ou une maladie professionnelle (pour la période qui excède 1 an) ;
  • Arrêts de maladie ordinaire

Préconisations de la Cour de cassation 

La Cour de cassation, rappelant à cette occasion l’arrêt de la CJUE qui n’autorise aucune distinction entre les salariés en situation de maladie et les autres travailleurs en matière de congés payés, propose une modification de l’article L 3141-5 du code du travail (afin d’éviter une action en manquement contre la France et des actions en responsabilité contre l’État du fait d’une non-transposition ou d’une transposition incorrecte, en droit interne, des dispositions de la directive). 

En d’autres termes, cette modification souhaitée :

  1. Permettrait l’ajout des accidents de trajet aux périodes assimilées ;
  2. Et une modification concernant les arrêts de maladie ordinaire, qui ne pourraient être privatifs comme cela est actuellement le cas d’un droit aux congés payés. 

L’opinion du ministère du travail 

Le ministère du travail, sollicité par la direction des affaires civiles et du sceau, a indiqué poursuivre son analyse des congés payés issus purement du droit interne (particulièrement des questions de la distinction entre les sources interne et européenne des droits à congé) dans un souci permanent d’assurer le respect du droit de l’Union européenne et d’éviter toute action en manquement contre la France. 

Extrait rapport annuel 2018 Cour de cassation : 

Congés payés – acquisition des droits à congés : congé maladie

L’article L. 3141-5 du code du travail prévoit que sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé « les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ».

La CJUE n’autorise aucune distinction entre les salariés en situation de maladie et les autres travailleurs en matière de congés payés (CJCE, arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e. a., C-350/06, points 37 à 41) et, saisie d’une question préjudicielle par la Cour de cassation, elle ajoute qu’aucune distinction ne doit être faite en fonction de l’origine de l’absence du travailleur en congé maladie (CJUE, arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10).

La Cour de cassation a alors mobilisé, après un renvoi préjudiciel (CJUE, arrêt du 24 janvier 2012, C-282/10, préc.), le principe de l’interprétation conforme pour assimiler certaines périodes, apparemment exclues, afin d’assurer le droit aux congés payés, par exemple aux salariés ayant subi un accident de trajet (Soc., 3 juillet 2012, pourvoi no 08-44.834, Bull. 2012, V, no 204).

Or, la limite de l’interprétation conforme est atteinte en matière d’arrêts maladie non professionnels (Soc., 13 mars 2013, pourvoi no 11-22.285, Bull. 2013, V, no 73).

La Cour de cassation, depuis 2013, a donc proposé de modifier l’article L. 3141-5 du code du travail afin d’éviter une action en manquement contre la France et des actions en responsabilité contre l’État du fait d’une non-transposition ou d’une transposition incorrecte, en droit interne, des dispositions de la directive. Ainsi, l’État a été condamné à verser à un salarié une somme correspondant à la différence entre les quatre semaines de congés payés garanties par la directive et le nombre de jours de congés payés accordés par l’employeur en application du droit interne (tribunal administratif de Clermont-Ferrand, M. C., 6 avril 2016, no 1500608, RJS 6/2016, no 426).

Il est à nouveau suggéré au législateur de fixer de façon claire la ou les règles applicables.

Le ministère du travail, sollicité par la direction des affaires civiles et du sceau, a indiqué poursuivre son analyse des congés payés issus purement du droit interne – particulièrement des questions de la distinction entre les sources interne et européenne des droits à congé – dans un souci permanent d’assurer le respect du droit de l’Union européenne et d’éviter toute action en manquement contre la France. 

Report congés payés au-delà de la période de référence

Rappel du régime actuel 

Le sort des congés payés acquis en cas de maladie du salarié concerné a été l’objet de nombreux contentieux. Appliquant la jurisprudence de la CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne) la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que :

  • Lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l’année prévue par le code du travail ou par une convention collective, en raison d’absences liées à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail.

Cour de cassation du 27/09/2007, pourvoi no 05-42.293 

  • Cette solution a été étendue au congé maladie ;

Cour de cassation du 24/02/2009, pourvoi no 07-44.488

  • Cette solution a également été étendue à l’hypothèse où le salarié ne peut exercer ses droits en raison d’une rechute d’accident de travail.

Cour de cassation du 16/02/2012, pourvoi no 10-21.300 

En d’autres termes, un salarié qui par suite d’un arrêt de travail (pour maladie ordinaire ou accident du travail) n’est pas en mesure de prendre ses congés doit pouvoir :

  • Utiliser ses congés payés à son retour ;
  • Ou obtenir le paiement d’une indemnité compensatrice si son contrat de travail est rompu ou si l’employeur refuse le report. 

Rappelons qu’un arrêt de la CJUE marque une atténuation importante en matière de report de congés payés et de leur utilisation a posteriori (ou de leur indemnisation).

Elle estime en effet dans son arrêt que le droit à un cumul illimité des droits aux congés payés dénature l’esprit même du droit au congé annuel payé.

Les juges de la CJUE estiment dans leur arrêt que la limite conventionnelle de 15 mois pouvait être raisonnablement retenue, et qu’au-delà de cette limite le congé annuel payé est dépourvu de son effet positif en sa qualité de temps de repos. 

CJUE, 22 novembre 2011, KHS, affaire. C-214/10 

Préconisations de la Cour de cassation 

La Cour de cassation suggère qu’une disposition légale soit adoptée :

  • Afin de permettre le report de congés payés non utilisés au-delà de la période de référence ;
  • En veillant toutefois, comme l’entend la CJUE, à la condition que le délai de report soit substantiellement supérieur à la période de référence.

L’opinion du ministère du travail

Sollicité par la direction des affaires civiles et du sceau, le ministère du travail a indiqué que, dans un objectif constant de respect du droit de l’Union européenne, il étudiera l’opportunité d’une intervention du législateur pour déterminer si les congés issus du droit national doivent suivre le sort des congés issus du droit communautaire concernant notamment le report des droits au terme de la période de référence.

Extrait rapport annuel 2018 Cour de cassation :

Congés payés – La perte ou le report des droits au terme de la période de référence

Le sort des congés payés acquis en cas de maladie du salarié concerné a été l’objet de nombreux contentieux. Appliquant la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que, lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l’année prévue par le code du travail ou par une convention collective, en raison d’absences liées à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail (Soc., 27 septembre 2007, pourvoi no 05-42.293, Bull. 2007, V, no 147). Cette solution a été étendue au congé maladie (Soc., 24 février 2009, pourvoi no 07-44.488, Bull. 2009, V, no 49) et à l’hypothèse où le salarié ne peut exercer ses droits en raison d’une rechute d’accident de travail (Soc., 16 février 2012, pourvoi no 10-21.300, Bull. 2012, V, no 75).

Par un arrêt du 21 septembre 2017 (Soc., 21 septembre 2017, pourvoi no 16-18.898, Bull. 2017, V, no 159), la chambre sociale de la Cour de cassation a décidé d’appliquer aux congés payés d’origine légale ou conventionnelle venant s’ajouter aux quatre semaines garanties par le droit de l’Union européenne le même régime probatoire en décidant « qu’eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement ; que, sauf dispositions contraires, la même règle de preuve s’applique aux congés d’origine légale ou conventionnelle, s’ajoutant aux quatre semaines garanties par le droit de l’Union ». Cette solution a été réitérée en 2018 (Soc., 21 mars 2018, pourvoi no 16-25.427).

Demeure la question de la perte ou du report des droits à congés payés au terme de la période de référence.

Il est acquis que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, n’opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé de maladie, de courte ou de longue durée, pendant la période de référence et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. En conséquence, les salariés malades acquièrent des droits à congés payés dans les mêmes conditions que ceux qui ne le sont pas (CJUE, arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e. a., C-350/06). Dès lors, le code du travail, qui lie l’acquisition des congés payés à l’exécution d’un travail effectif, exclut de ce fait les salariés malades ou n’en accorde aux salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle que sous certaines conditions, n’est pas conforme au droit de l’Union européenne (CJUE, arrêt du 24 janvier 2012, C-282/10, Dominguez).

Si un salarié ne peut pas invoquer la directive dans un litige entre particuliers (Soc., 13 mars 2013, pourvoi no 11-22.285, Bull. 2013, V, no 73), il peut le faire lorsque l’employeur est une entreprise publique (Soc., 17 février 2010, pourvoi no 08-43.212, Bull. 2010, V, no 47) ou lorsqu’il peut être regardé comme un organisme chargé en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et disposant à cet effet de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers (CJCE, arrêt du 12 juillet 1990, Foster e. a./British Gas plc, C-188/89 ; Soc., 22 juin 2016, pourvoi no 15-20.111, Bull. 2016, V, no 138).

Dans une espèce tranchée par la chambre sociale le 21 septembre 2017 (Soc., 21 septembre 2017, pourvoi no 16-24.022, Bull. 2017, V, no 144), l’application des dispositions précises et inconditionnelles de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 précitée, garantissant un congé payé de quatre semaines aux salariés malades, ne posait guère de problème, l’employeur étant une entreprise publique.

La question portait donc sur le point de savoir si les congés payés acquis et non exercés pouvaient être perdus au terme d’un certain délai.

En effet, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait admis qu’au regard de la finalité même du droit au congé annuel payé, directement conféré par le droit de l’Union européenne à chaque travailleur, un salarié en incapacité de travail durant plusieurs années consécutives, empêché par le droit national de prendre son congé annuel payé durant ladite période, ne saurait cumuler de manière illimitée des droits au congé annuel payé acquis durant cette période. Elle en avait déduit qu’il était possible de prévoir une période de report des congés au terme de laquelle ceux-ci pourraient être perdus, à la condition que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence pour laquelle elle est accordée. Ainsi, une période de report de quinze mois était jugée conforme au droit de l’Union (CJUE, arrêt du 22 novembre 2011, KHS, C-214/10), alors qu’une période de neuf mois est jugée insuffisante (CJUE, arrêt du 3 mai 2012, Neidel, C-337/10).

La question posée à la Cour était de savoir si, en l’absence de disposition de droit interne prévoyant la perte des congés payés au terme d’une période de report, le juge devait fixer celle-ci.

Dans un avis du 26 avril 2017 (CE, 26 avril 2017, no 406009, publié au Recueil Lebon), le Conseil d’État a considéré qu’en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires fixant ainsi une période de report des congés payés qu’un agent s’est trouvé, du fait d’un congé maladie, dans l’impossibilité de prendre au cours d’une année civile donnée, le juge peut en principe considérer, afin d’assurer le respect des dispositions de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 précitée, que ces congés peuvent être pris au cours d’une période de quinze mois après le terme de cette année.

Dans l’arrêt du 21 septembre 2017, la chambre sociale de la Cour de cassation n’a pas adopté la même position puisqu’elle a dit que le juge n’avait pas méconnu son office en ne fixant pas un délai qu’aucune disposition de droit interne n’avait défini. Le seul délai éventuellement applicable en la matière est donc le délai de prescription qui court à compter de l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés auraient dû être pris (Soc., 4 décembre 1996, pourvoi no 93-46.418, Bull. 2016, V, no 416).

La CJUE admet la perte des congés payés à la condition que le délai de report soit substantiellement supérieur à la période de référence. Mais, sous réserve de respecter cette condition, il incombe au droit national de fixer cette durée.

Il est donc suggéré à nouveau qu’une disposition légale soit adoptée en ce sens.

Sollicité par la direction des affaires civiles et du sceau, le ministère du travail a indiqué que, dans un objectif constant de respect du droit de l’Union européenne, il étudiera l’opportunité d’une intervention du législateur pour déterminer si les congés issus du droit national doivent suivre le sort des congés issus du droit communautaire concernant notamment le report des droits au terme de la période de référence.

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