Liberté religieuse et clause de neutralité

Actualité
RH Licenciement

Publié le
Télécharger en PDF

Cet article a été publié il y a 6 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Le principe de neutralité

Depuis la loi travail du 8 août 2016, le règlement intérieur de l’entreprise peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés (notamment religieuses), à condition que :

  • ces restrictions sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise,
  • et qu’elles soient proportionnées au but recherché.

La restriction ne doit donc pas être excessive au regard du but poursuivi et doit prendre en compte la nature des tâches à accomplir.

Ainsi, il est possible de justifier l’insertion du principe de neutralité dans le règlement intérieur notamment par :

  • La nécessité de respecter des règles sanitaires, d’hygiène ou de sécurité : par exemple un salarié qui refuserait de passer une visite médicale au motif que sa religion lui interdit de se dévêtir devant une personne du sexe opposé ;
  • L’interdiction de faire du prosélytisme.

La clause de neutralité

Sous certaines strictes conditions, il est possible de prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise l’interdiction de porter des tenues ou des symboles religieux, mais il faut que cette interdiction soit justifiée par des motifs suffisants. Exemples : interdiction du port d’un couvre-chef nécessaire à la sécurité des salariés, interdiction du port de signes religieux justifiée par le port d’équipements de protection individuelle.

La Cour de Cassation avait par exemple jugé en 2014, dans la célèbre affaire « Baby Loup », que l’interdiction du port du voile par une clause de neutralité était licite dès lors que la restriction était limitée aux salariées en contact avec les enfants et que l’association employeur était de taille réduite.

Pour autant, il convient d’être vigilant lors de la rédaction de la clause. Il doit apparaître très clairement que ce n’est pas en raison de leur caractère religieux que cette tenue est interdite mais qu’elle est prohibée en raison de sa conséquence en matière de sécurité, d’hygiène ou d’organisation du travail. La restriction et sa raison doivent être décrites le plus précisément possible afin d’éviter une interdiction générale et absolue.

Le ministère du Travail estime que la mise en place de la neutralité peut être justifiée :

  • Par les nécessités de l’activité de l’entreprise tant au regard du personnel que des tiers intéressés : le contact permanent avec de jeunes enfants par exemple ;
  • Ou lorsqu’une pratique religieuse individuelle ou collective porte atteinte au respect des libertés et droits de chacun. Cela peut concerner par exemple les atteintes au droit de croire ou de ne pas croire.

L’employeur doit veiller à ne pas fixer de règles ou d’interdictions qui auraient pour but ou pour effet de constituer une discrimination directe ou indirecte à l’égard d’un salarié ou d’un groupe de salariés en raison de leur appartenance ou non appartenance religieuse. Toute clause visant une religion ou un culte serait discriminatoire.

Il est donc conseillé aux employeurs qui souhaitent insérer une telle clause en raison de la nature du poste et des fonctions exercées, de rédiger celle-ci le plus précisément possible afin d’éviter une interdiction générale et absolue.
Délibération de la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité) du 6 avril 2009.

La Cour de Justice de l’Union Européenne a admis, le 14 mars 2017, que les entreprises privées puissent restreindre, par une règle interne, le port de signes religieux, politiques ou philosophiques par leurs salariés, afin d’afficher une politique de neutralité vis-à-vis de leurs clients. La prise en compte par l’employeur du souhait d’un client de ne plus voir les services assurés par une salariée portant le voile islamique ne constitue cependant pas une exigence professionnelle essentielle et déterminante.  

En France, la Cour de Cassation s’inscrit dans cette lignée et précise les conditions d’une éventuelle restriction de la liberté religieuse dans l’entreprise en rappelant que la prise en compte des exigences d’un client concernant le port du voile islamique ne permet pas de justifier à elle seule l’interdiction du port du voile et qu’une clause de neutralité doit être intégrée au règlement intérieur (ou dans une note de service) de l’entreprise pour pouvoir sanctionner un salarié. A défaut, l’employeur commet une discrimination fondée sur la religion.

Références

Articles L 1132-1, L 1321-2-1, L 1321-3 du code du travail

CJUE, 14/03/17, n° C-157/15 et C-188/15.

Cass. soc., 22/11/17, n° 13-19.855

Accès à votre contenu même hors ligne

Recevez ce contenu par email

ou
ou

Réagir à cet article

Avez-vous trouvé cet article utile ?

Note actuelle
Etoile pleine - note 1 Etoile pleine - note 2 Etoile pleine - note 3 Etoile pleine - note 4 Etoile vide
(2 votes)
Votre note :

Commentaires

CS
Claude SCHEYDECKER Posté il y a 6 ans
Le port d'un voile, d'une croix, d'une kipa est du prosélytisme. Le règlement intérieur doit être très clair sur ce point. Le texte ci-dessus est très ambigu et je vois pas comment de petit patron qui n'a pas de DRH puisse comprendre ce type d'analyse qui est beaucoup trop subtile.

Votre commentaire sera publié après connexion.

Une question sur cet article ?

Posez votre votre question sur le forum

Les questions liées sur le forum