Refuser la réintégration d’un salarié après nullité du licenciement en raison de son comportement antérieur n’est pas admis

Jurisprudence
Paie Indemnités rupture

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Un salarié est engagé le 7 janvier 2008 en qualité de conseiller commercial.

A l’issue d'un mouvement de grève qui s'est déroulé du 5 janvier au 20 mars 2009 et auquel le salarié a participé, un protocole de fin de conflit a été signé comprenant un dispositif de rupture amiable des contrats de travail.

Par courrier en date du 2 avril 2009, le salarié est licencié pour faute grave.

Le 14 avril 2009, il régularise une transaction portant sur la rupture du contrat de travail.

Contestant la validité de la transaction et du licenciement, le salarié saisit la juridiction prud'homale, par jugement devenu définitif en cette partie de la décision, la transaction est annulée. 

Le salarié exige sa réintégration au sein de l’entreprise en raison de la nullité du licenciement, l’employeur s’y oppose. 

La Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 1er juin 2016, refuse la réintégration du salarié, estimant celle-ci impossible en raison des comportements adoptés par le salarié.

Elle indique en effet que le salarié, en participant en mouvement de grève au sein de l’entreprise, le salarié s’était engagé dans un « processus de rupture de son contrat de travail » et qu’il avait ainsi « manifesté une volonté non équivoque en ce sens ; que, compte tenu de ce que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, la partie appelante ne peut plus se prévaloir d'une volonté réelle de poursuivre la relation contractuelle qu'il a déniée précédemment ; que la réintégration est manifestement impossible ». 

Extrait de l’arrêt :

Aux motifs que : « D'après les dispositions légales en vigueur, lorsque le juge prononce la nullité du licenciement, il doit ordonner la réintégration du salarié si celui-ci la demande, sauf si la réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible ; que l'impossibilité de réintégrer le salarié peut aussi résulter des comportements que celui-ci a adoptés ; (..) que, dans le cas d'espèce, il est avéré qu'au cours du mouvement de grève, les salariés concernés ont exigé, en réponse aux propositions du médiateur auquel il avait été fait appel, qu'il soit intégré, dans un accord de fin de grève, les conditions de mise en oeuvre d'un dispositif de rupture amiable des contrats de travail ; que, le 20 mars 2009, aux termes de l'accord de fin de grève, il avait été convenu entre les parties que tout processus de rupture amiable interviendrait dans un délai de trois mois pour les salariés impliqués dans le mouvement social de janvier à mars 2009 ; qu'une transaction a été signée le 14 avril 2009 ; qu'elle a été annulée par le jugement déféré, à la demande du salarié ; que, pour autant, le salarié gréviste s'est engagé, aux côtés de ses collègues, dans un processus de rupture de son contrat de travail ; qu'il a ainsi manifesté une volonté non équivoque en ce sens ; que, compte tenu de ce que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, la partie appelante ne peut plus se prévaloir d'une volonté réelle de poursuivre la relation contractuelle qu'il a déniée précédemment ; que la réintégration est manifestement impossible ;» 

Tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation, qui considère en l’espèce que le comportement antérieur du salarié ne constituait pas un motif permettant de s’opposer à sa réintégration suite au prononcé de la nullité de son licenciement. 

Extrait de l’arrêt :

Alors, en deuxième lieu et à tout le moins, qu'en statuant comme elle l'a fait, sans expliquer en quoi la prétendue manifestation par le salarié d'une volonté non équivoque de s'engager dans un processus de rupture amiable ou négociée de son contrat de travail rendait matériellement impossible sa réintégration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.2511-1, L.1132-2 et L.1132-4 et l'alinéa 7 du Préambule de la constitution du 27 octobre 1946 ;

Alors, en troisième lieu et en tout état de cause, que la volonté manifestée par un salarié de négocier avec l'employeur son départ de l'entreprise et de s'engager dans un processus de rupture amiable de son contrat de travail ne peut avoir pour objet ou pour effet, en cas d'échec des négociations, de le priver de ses droits en matière de licenciement ; qu'en refusant au salarié, victime d'un licenciement nul, la possibilité de « se prévaloir d'une volonté réelle de poursuivre la relation contractuelle » et de solliciter sa réintégration, sous le prétexte qu'il aurait manifesté une volonté non équivoque de s'engager dans un processus de rupture amiable ou négociée de son contrat de travail, quand il résulte de l'arrêt que les tentatives menées par les parties pour trouver un accord avaient échoué, de sorte que le salarié, dont le licenciement était nul, était en droit de solliciter sa réintégration, la cour d'appel a violé l'article L.1231-4 du code du travail ;

Cour de cassation du , pourvoi n°16-24834

En cas de nullité de licenciement, plusieurs conséquences sont alors à envisager comme suit : 

Conséquence 1 : droit à la réintégration

Le droit à la réintégration du salarié dans l’entreprise est ouvert sans condition d’ancienneté ou d’effectif de l’entreprise.

Cette réintégration s’impose à l’employeur.

L’arrêt que nous commentons aujourd’hui permet de préciser qu’un « comportement antérieur du salarié » ne saurait permettre à l’employeur de s’opposer à la réintégration du salarié.

Conséquence 2 : paiement indemnités en l’absence de réintégration

Lorsque le salarié ne demande pas sa réintégration, ou si celle-ci n’est pas matériellement possible, doivent alors être versées les indemnités qui suivent. 

Indemnité égale à 6 mois de salaire 

Au regard de l’article L 1134-4 du code du travail, le salarié doit percevoir des dommages et intérêts visant à réparer le préjudice subi.

Le montant des sommes à verser est souverainement apprécié par les juges, sans toutefois que sa valeur ne soit inférieure aux salaires des 6 derniers mois.

Article L1134-4

Modifié par Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 - art. 3

Est nul et de nul effet le licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur, sur le fondement des dispositions du chapitre II, lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de cette action en justice. Dans ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi.

Lorsque le salarié refuse de poursuivre l'exécution du contrat de travail, les dispositions de l'article L. 1235-3-1 sont applicables.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-I de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance. 

Article L1235-3-1 

Modifié par Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 - art. 2

L'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. 
Les nullités mentionnées à l'alinéa précédent sont celles qui sont afférentes à la violation d'une liberté fondamentale, à des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4, à un licenciement discriminatoire dans les conditions prévues aux articles L. 1134-4 et L. 1132-4 ou consécutif à une action en justice, en matière d'égalité professionnelle entre hommes et femmes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3 et en cas de dénonciation de crimes et délits, ou à l'exercice d'un mandat par un salarié protégé mentionné au chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la deuxième partie, ainsi qu'aux protections dont bénéficient certains salariés en application des articles L. 1225-71 et L. 1226-13. 
L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des dispositions de l'article L. 1225-71 et du statut protecteur, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-I de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance. 

Cette somme est due, quelle que soit l’ancienneté du salarié et effectif de l’entreprise. 

Cour de cassation du 14/04/2010, pourvoi 09-40486 

Conséquence 3 : paiement indemnité compensatrice de préavis 

Lorsque le juge prononce la nullité du licenciement, celle-ci entraîne le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis.

Cas particulier 

La Cour de cassation en prononçant la nullité d’une mise à la retraite, confirme que celle-ci n’ouvre pas droit au versement d’une indemnité compensatrice lorsque la rupture du contrat a été précédée d’un délai de préavis au moins égale à celle du préavis de licenciement. 

Cour de cassation du 30/06/2010 pourvoi 09-41349

Conséquence 4 : paiement indemnité de licenciement

Même si cela semble évident, le salarié doit percevoir l’indemnité de licenciement légale ou conventionnelle (en retenant la valeur la plus favorable des deux).

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