Convention forfait annuel en jours : une « fourchette de jours de travail » n’est pas licite

Jurisprudence
Convention forfait

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Un salarié est engagé le 20 décembre 2006 en qualité de chef d'application statut cadre.

Son contrat de travail contient une convention de forfait en jours.

A la suite de son licenciement pour faute grave le 18 juin 2010, le salarié saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes invoquant la nullité de sa convention de forfait. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande. 

Le fait que la lettre d’embauche mentionnait une « fourchette de 215 à 218 jours de travail » ne pouvait avoir pour effet de prononcer la nullité de la convention de forfait en jours.

Cette fourchette ne faisait en l’occurrence que traduite l’impossibilité de déterminer de façon intangible le nombre de jours maximum de jours travaillés chaque année, du fait des variables liées au calendrier.  

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de nullité de la convention de forfait en jours, l'arrêt retient que la fourchette de 215 à 218 jours de travail indiquée dans la lettre d'embauchage et sur les bulletins de salaire ne fait que traduire l'impossibilité de déterminer de façon intangible le nombre maximum de jours travaillés chaque année du fait des variables liées au calendrier ; que cette marge d'incertitude infime et commune à tous les forfaits annuels ne remet pas en cause leur validité ;

  

Ce n’est pas du tout l’avis de la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sur la demande en nullité de la convention de forfait annuel en jours.

Les juges rappellent en effet qu’une convention de forfait doit être précise dans la définition du nombre de jours travaillés, sous peine de voir prononcer la nullité de ce décompte du temps de travail.  

Extrait de l’arrêt : 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du sixième moyen du pourvoi principal du salarié :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes en nullité de la convention de forfait en jours, en paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, de repos compensateurs, de prime 2010 et en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 31 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Cour de cassation du , pourvoi n°12-29141

Commentaire de LégiSocial

Les conventions de forfait annuel en jours sont au devant de l’actualité depuis quelques temps (faisant craindre que cette organisation du temps de travail soit en danger…).

Nous avons rédigé plusieurs actualités à ce sujet, notamment celle consacrée aux cabinets d’expertise comptable, que vous pouvez retrouver en cliquant ici.

Rappelons quelques principes majeurs de la convention forfait annuel en jours. 

Le principe général du « forfait-jours »

Il s’agit d’une manière de décompter le temps de travail du salarié, selon un certain nombre de jours travaillés, et plus selon le nombre d’heures réalisées.

Les dispositions non applicables

Cette façon de décompter le temps de travail entraine le fait que les salariés sous convention forfait-jours ne sont pas concernés par :

  • La durée légale hebdomadaire du travail ;
  • La durée maximale quotidienne de 10 heures ;
  • La durée maximale hebdomadaire absolue de 48h ;
  • La durée maximale relative hebdomadaire de 44h pendant une période quelconque de 12 semaines consécutives.

Article L3121-48

Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)

Les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives :

1° A la durée légale hebdomadaire prévue à l'article L. 3121-10 ;
2° A la durée quotidienne maximale de travail prévue à l'article L. 3121-34 ;
3° Aux durées hebdomadaires maximales de travail prévues au premier alinéa de l'article L. 3121-35 et aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 3121-36.

NOTA : Loi n° 2008-789 du 20 août 2008 JORF du 21 août 2008 art. 19 III : Les accords conclus en application des articles L. 3121-40 à L. 3121-51 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi restent en vigueur.

  

Pour les salariés cadres et non-cadres

Il est fréquent qu’employeurs et salariés imaginent que seuls les salariés cadres puissent être concernés par les forfaits-jours.

Il n’en est rien, et l’article L 3121-43 du code du travail précise que peuvent conclure une convention en jours sur l’année :

  • Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ; 
  • Les salariés non-cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

Article L3121-43

Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)

Peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39 : 
1° Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ; 
2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

NOTA : Loi n° 2008-789 du 20 août 2008 JORF du 21 août 2008 art. 19 III : Les accords conclus en application des articles L. 3121-40 à L. 3121-51 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi restent en vigueur.

  

Accord du salarié nécessaire

La conclusion d’un forfait annuel en jours nécessite l’accord du salarié.  

Article L3121-40

Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)

La conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié. La convention est établie par écrit.

NOTA : Loi n° 2008-789 du 20 août 2008 JORF du 21 août 2008 art. 19 III : Les accords conclus en application des articles L. 3121-40 à L. 3121-51 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi restent en vigueur.

Un accord collectif

Qu’elle qu’en soit la forme (heures ou jours), la conclusion de conventions individuelles de forfait nécessite qu’elle soit prévue par

  • Accord collectif d'entreprise ou d'établissement ;
  • Ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Contenu obligatoire 

L’accord collectif préalable détermine ainsi :

  • Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait (uniquement pour les cadres ou pour les cadres et non-cadres) ;
  • La durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi (nombre de jours) ;
  • Les caractéristiques principales de ces conventions. 

Article L3121-39

Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)

La conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

 

 Convention de forfait-annuel en jours : maximum 218 jours

Un forfait-annuel en jours que propose l’employeur ne peut en aucun cas excéder le total de 218 jours par an.

Article L3121-44

Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)

Le nombre de jours travaillés dans l'année fixé par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39 ne peut excéder deux cent dix-huit jours.

Comment décompter les jours travaillés ?

Un décompte chaque année 

Légalement, tout employeur doit décompter chaque année le nombre de journées ou demi-journées travaillées par chaque salarié en forfait jours.

Article D3171-10

Modifié par Décret n°2008-1132 du 4 novembre 2008 - art. 3
La durée du travail des salariés mentionnés à l'article L. 3121-43 est décomptée chaque année par récapitulation du nombre de journées ou demi-journées travaillées par chaque salarié.

Un décompte à disposition de l’inspection du travail 

L'employeur tient à la disposition de l'inspection du travail, pendant une durée de 3 ans, les documents existant dans l'entreprise ou l'établissement permettant de comptabiliser le nombre de jours de travail accomplis par les salariés intéressés par des conventions de forfait.

Si ce n’est pas le cas, l’employeur encourt une amende de 3ème classe (soit 450 €).  

Article D3171-16

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
L'employeur tient à la disposition de l'inspection du travail :
1° Pendant une durée d'un an, y compris dans le cas d'horaires individualisés, les documents existant dans l'entreprise ou l'établissement permettant de comptabiliser les heures de travail accomplies par chaque salarié ;
2° Pendant une durée d'un an, le document récapitulant le nombre d'heures d'astreinte accompli chaque mois par le salarié ainsi que la compensation correspondante ;
3° Pendant une durée de trois ans, les documents existant dans l'entreprise ou l'établissement permettant de comptabiliser le nombre de jours de travail accomplis par les salariés intéressés par des conventions de forfait.

  

Exemple de décompte des jours travaillés et des jours de repos sur l’année 2014

Nous supposerons que la convention de forfait est établie sur la base d’une année civile, du 1er janvier au 31 décembre inclus.

Nous supposerons que tous les jours fériés légaux sont chômés dans l’entreprise.

L’année 2014 comporte

365 jours

Le salarié se repose le samedi et le dimanche, soit 52 semaines * 2 jours

-       104 jours

Les jours fériés chômés qui ne sont pas fixés un samedi ou un dimanche sont pour l’année 2014 au nombre de

-       10 jours

Les congés payés représentent 5 semaines soit

-       25 jours

Le nombre de jours travaillés par le salarié est de :

226 jours

Le nombre de jours que l’employeur peut au maximum proposer est de

218 jours

Le salarié doit bénéficier de repos, à hauteur de

8 jours

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