Convention de forfait jours dans les cabinets d’expertise comptable

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Cet article a été publié il y a 9 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Nous vous avons proposé récemment plusieurs articles consacrés aux conventions de forfait annuel en jours.

Il s’avère que ce type de décompte du temps de travail a fait l’objet récemment de 2 arrêts de la Cour de cassation en date du 14 mai 2014.

Dans ces 2 arrêts, c’est la convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables qui est visée, plus précisément l’article régissant les conventions de forfait jours annuels. 

L’arrêt du 14 mai 2014 pourvoi 12-35033

L’affaire concerne une salariée pour laquelle une convention individuelle de forfait portant sur 217 jours de travail annuels est conclue à compter du 11 mai 2002.

Après avoir démissionné le 20 décembre 2006, la salariée saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement. 

La Cour de cassation, dans son arrêt du 14/05/2014, invalide les dispositions de la convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables en ce qui concerne les conventions de forfait annuel en jours.

En effet, selon l’article 8.1.2.5 de la convention collective, les conventions conclues avec les salariés cadres ne peuvent obliger ce dernier à travailler plus de 10h/jour ou plus de 48h/semaine.

Toutefois, ce même article autorise les dépassements exceptionnels, et laisse le soin à l’employeur de prendre les mesures pour assurer le respect des repos quotidien et hebdomadaire.

Enfin, elle pose le principe d’un entretien entre le cadre et l’employeur en cas d’horaires excessifs. 

Les juges de la Cour de cassation considèrent que ces dispositions conventionnelles ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition du travail dans le temps. 

Il en ressort que toutes les conventions conclues sur la base de la CCN des experts-comptables, et plus précisément en référence à l’article 8.1.2.5 (que nous reproduisons ci-après) sont potentiellement nulles tant que les partenaires sociaux n’auront pas renégocié le dispositif au niveau de la profession. 

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation du mercredi 14 mai 2014  N° de pourvoi: 12-35033

Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 8. 1. 2. 5 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974, qui se bornent à prévoir, en premier lieu, que la charge de travail confiée ne peut obliger le cadre à excéder une limite de durée quotidienne de travail effectif fixée à dix heures et une limite de durée hebdomadaire de travail effectif fixée à quarante-huit heures et que le dépassement doit être exceptionnel et justifié par le cadre, en deuxième lieu, laisse à l'employeur le soin de prendre les mesures pour assurer le respect des repos quotidiens et hebdomadaires, et, en troisième lieu, que le cadre disposant d'une grande liberté dans la conduite ou l'organisation des missions correspondant à sa fonction et dans la détermination du moment de son travail, le cadre et l'employeur examinent ensemble, afin d'y remédier, les situations dans lesquelles ces dispositions prises par l'employeur pour assurer le respect des repos journaliers et hebdomadaires n'ont pu être respectées, ne sont de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Extrait de la convention collective nationale

Article 8.1.2.5 Convention individuelle de forfait en jours

Conformément à l'article L. 212-15-3 du code du travail, les cadres dont la durée du travail ne peut être prédéterminée, à l'exclusion des cadres dirigeants, peuvent voir leur durée du travail fixée par convention individuelle de forfait établie sur une base annuelle en jours. Seuls les cadres visés au 8.1.2.3 peuvent être concernés.

La convention individuelle ne peut prévoir plus de 217 jours travaillés. Ce plafond ne remet pas en cause les jours de repos ou de congés déjà accordés au sein du cabinet. Afin de concrétiser cette réduction de la durée annuelle du travail, l'employeur et le cadre définissent les moyens permettant, par un effort permanent d'organisation, de maîtriser et d'adapter la nouvelle charge de travail et sa répartition dans le temps. La charge de travail confiée ne peut obliger le cadre à excéder une limite de durée quotidienne de travail effectif fixée à 10 heures et une limite de durée hebdomadaire de travail effectif fixée à 48 heures. Le dépassement doit être exceptionnel et justifié par le cadre. Au plus tard lors de l'appréciation du volume d'activité prévue par l'article 8.1.2.3, l'employeur et le cadre définissent la contrepartie liée à cette surcharge imprévue.

Le cadre établit mensuellement un relevé indiquant pour chaque jour s'il y a eu une journée ou une demi-journée de travail, de repos ou autres absences à préciser. Ces relevés sont conservés par l'employeur pendant une durée de 3 ans conformément aux dispositions légales.

L'employeur et le cadre définissent en début d'année le calendrier prévisionnel de la prise des jours ou demi-journées de repos sur l'année. A défaut de calendrier prévisionnel, ils déterminent au fur et à mesure la prise de ces repos et prennent les dispositions nécessaires pour que l'absence du cadre ne perturbe pas le fonctionnement du cabinet. En cas de désaccord, chaque partie prend l'initiative de la moitié des jours de repos.

L'employeur prend les dispositions nécessaires pour permettre le respect des articles L. 220-1, L. 221-2 et L. 221-4 du code du travail (un repos minimum de 11 heures entre deux journées de travail, limitation à 6 jours par semaine et respect de l'obligation d'un repos hebdomadaire d'une durée minimale de 35 heures consécutives)

Le cadre disposant d'une grande liberté dans la conduite ou l'organisation des missions correspondant à sa fonction et dans la détermination du moment de son travail, le cadre et l'employeur examinent ensemble, afin d'y remédier, les situations dans lesquelles ces dispositions n'ont pu être respectées.

  

L’arrêt du 14 mai 2014 pourvoi 13-10637 

Un salarié est engagé à compter du 1er juin 2001 par une société d’expertise comptable, en qualité de cadre comptable.

Un avenant du 5 février 2003 met en place une convention de forfait en jours.

Après avoir démissionné par lettre du 2 décembre 2006, le salarié saisit la juridiction prud'homale. 

Tout comme dans l’affaire précédente, la Cour de cassation relève que l’article 8.1.2.5 de la CCN dans son actuelle rédaction n’est pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition du travail dans le temps. 

Par voie de conséquence, la Cour de cassation indique que la convention de forfait en jours doit être considérée comme nulle.

 

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 14 mai 2014  N° de pourvoi: 13-10637

 

Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 8.1.2.5 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974, qui se bornent à prévoir, en premier lieu, que la charge de travail confiée ne peut obliger le cadre à excéder une limite de durée quotidienne de travail effectif fixée à 10 heures et une limite de durée hebdomadaire de travail effectif fixée à 48 heures et que le dépassement doit être exceptionnel et justifié par le cadre, en deuxième lieu, qu'est laissé à l'employeur le soin de prendre les mesures pour assurer le respect des repos quotidiens et hebdomadaires, et, en troisième lieu, que le cadre disposant d'une grande liberté dans la conduite ou l'organisation des missions correspondant à sa fonction et dans la détermination du moment de son travail, le cadre et l'employeur examinent ensemble, afin d'y remédier, les situations dans lesquelles ces dispositions prises par l'employeur pour assurer le respect des repos journaliers et hebdomadaires n'ont pu être respectées, ne sont de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

  

Que faire alors ? 

Tant que les partenaires sociaux de la branche n’auront pas modifié l'article 8.1.2.5 de la CCN, toutes les conventions actuellement en vigueur peuvent être déclarées nulles.

Accord collectif d’entreprise 

Une solution peut alors être envisageable : celle de conclure un accord collectif d’entreprise.

Rappelons que la conclusion d’un accord collectif d’entreprise n’est toutefois envisageable que si l’effectif de l’entreprise est suffisant, à savoir 11 salariés et plus.

Il n’est pas non plus possible de conclure un accord collectif d’entreprise pour les TPE ne disposant pas d’un représentant syndical élu (nous avons rédigé un article à ce sujet, que vous pouvez retrouver en cliquant ici). 

Décompter les heures de travail 

Faute de pouvoir conclure un accord collectif, les employeurs du secteur pourraient aussi envisager de mettre en place un décompte quotidien et hebdomadaire des heures de travail réalisés, permettant de fournir en cas de contentieux, des éléments de nature à prouver quels sont les horaires effectivement réalisés.

Références

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 14 mai 2014  N° de pourvoi: 12-35033

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 14 mai 2014  N° de pourvoi: 13-10637

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