L’employeur n’a pas l’obligation de transmettre ses pièces au salarié avant le déroulement de l’entretien préalable

Jurisprudence
Licenciement

Publié le
Mis à jour le
Télécharger en PDF

Cet article a été publié il y a 9 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Un salarié est engagé le 4 avril 1995 par un organisme bancaire, en qualité de chargé d'affaires contentieuses puis occupe en dernier lieu les fonctions de directeur d'agence.

Par lettre remise le 13 octobre 2009, il est convoqué à un entretien préalable fixé au 20 octobre 2009 avec mise à pied conservatoire et entendu par le conseil de discipline le 9 novembre 2009.

Par lettre du 13 novembre 2009, il est licencié pour faute grave. 

Le salarié saisit la juridiction prud’homale, estimant en l’espèce que l’employeur avait l’obligation de lui transmettre l’avis du conseil ainsi que les pièces recueillies dans le cadre d'une enquête interne destinée à vérifier et à apprécier le comportement de harcèlement sexuel dont il était soupçonné.

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, et confirme que l’employeur n’avait en aucun cas l’obligation de transmettre les pièces au salarié, avant l’entretien préalable.

Le salarié est débouté de sa demande, le licenciement pour faute grave motivé par des actes de harcèlement sexuel est confirmé.

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu, d'abord, que si l'article L. 1232-3 du code du travail fait obligation à l'employeur d'indiquer au cours de l'entretien préalable au salarié dont il doit recueillir les explications le motif de la sanction envisagée, il ne lui impose pas de communiquer à ce dernier les pièces susceptibles de justifier la sanction ;

Attendu ensuite, qu'ayant constaté sur la base de témoignages nominatifs et précis que le salarié avait eu à l'égard de plusieurs salariées, des propos déplacés à connotation sexuelle et exercé sur l'une d'elles des pressions pour tenter d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, la cour d'appel a, quelle qu'ait pu être l'attitude antérieure de l'employeur, lequel est tenu à une obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, caractérisé un harcèlement sexuel constitutif d'une faute grave ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°12-17557

La présente affaire est pour nous l’occasion de rappeler plusieurs notions concernant l’entretien préalable au licenciement. 

La convocation à l’entretien préalable

L’employeur convoque le salarié à un entretien préalable, par lettre recommandée avec avis de réception (LR+AR) ou lettre remise en main propre avec décharge.

Article L1232-2

L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.

L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

Une mention absente sur le courrier entraîne l’irrégularité du licenciement.

La lettre de convocation peut également être transmise par Chronopost. 

Nous avons rédigé un article à ce sujet, que vous pouvez retrouver en cliquant ici.

A même été reconnu comme valable l’envoi de la lettre de convocation par huissier.

Extrait de l’arrêt

« Que la cour d'appel a exactement retenu que la remise par voie d'huissier de justice ne constituait pas une irrégularité de la procédure de licenciement » 

Arrêt de la Cour de cassation du mercredi 30 mars 2011 pourvoi 09-71412

  

Le contenu de la convocation à l’entretien préalable 

Dans cette lettre, il doit y avoir : 

  1. L’objet de l’entretien ;
  2. La date, l’heure et le lieu où se déroulera l’entretien ;
  3. La possibilité pour le salarié de se faire assister ;
  4. L’adresse de la mairie où se trouve la liste des personnes pouvant accompagner le salarié lors de l’entretien ;
  5. L’adresse de l’inspection du travail.

Article R1232-1

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
La lettre de convocation prévue à l'article L. 1232-2 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur.
Elle précise la date, l'heure et le lieu de cet entretien.
Elle rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié.

  

Assistance du salarié lors de l’entretien préalable

L’entreprise dispose d’IRP : 

Le salarié a la possibilité d’être assisté lors de l’entretien préalable par une personne de son choix, salariée de l’entreprise.

L’entreprise ne dispose pas d’IRP : 

Lorsque l’entreprise est dépourvue d’IRP, le salarié peut se faire assister :

  • Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ;
  • Soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.

Article L1232-4

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative.

La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition.

  

Nota : 

La mention de possibilité d'assistance par un conseiller du salarié dans une entreprise pourvue d'IRP (ouvrant « au salarié une option qui n'existe pas ») constitue une irrégularité de procédure. 

Cour de cassation du 19/11/2008 pourvoi 07-43191

  

La liste des conseillers est tenue à disposition des salariés. 

L’employeur doit indiquer :

  • La référence de la mairie du lieu du domicile du salarié s’il réside dans le même département que celui où se situe le siège social.
  • L’adresse de la mairie de son lieu de travail s’il demeure en dehors de ce département.

Article D1232-5

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
La liste des conseillers du salarié est arrêtée dans chaque département par le préfet et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture.
Elle est tenue à la disposition des salariés dans chaque section d'inspection du travail et dans chaque mairie.

  

Le salarié qui souhaite se faire assister par un conseiller du salarié, informe l’employeur de sa démarche.

Article R1232-2

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Le salarié qui souhaite se faire assister, lors de l'entretien préalable à son licenciement, par un conseiller du salarié communique à celui-ci la date, l'heure et le lieu de l'entretien.
Le salarié informe l'employeur de sa démarche

  

Assistance de l’employeur lors de l’entretien préalable 

Lors de l’entretien préalable, l’employeur ne peut se faire assister que d’une personne appartenant à l’entreprise. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que lors de l'entretien préalable, l'employeur ne peut être accompagné que d'une personne appartenant au personnel de l'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Cour de cassation du 30/03/2011, pourvoi 09-71412

Dans une autre affaire, la présence d’un avocat (qui était accessoirement la sœur de l’employeur) a conduit au versement de dommages et intérêts au salarié. 

Extrait de l’arrêt :

Et attendu qu'ayant constaté que l'entretien préalable s'était déroulé dans les locaux et en présence d'une avocate qui était la soeur de l'employeur, la cour d'appel, qui a alloué à Mme X... une indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement, n'a pas méconnu les textes visés aux moyens qui, dès lors, ne peuvent qu'être écartés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du 22/02/2006, pourvoi n° 04-43636

  

L’entretien préalable : le déroulement

  • Un délai de 5 jours ouvrables doit être respecté entre l’entretien et la convocation (présentation LRAR ou date remise en main propre).  

Article L1233-11

(…) L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

  • Si le salarié ne se présente pas, ou s’il est malade, l’employeur peut notifier le licenciement. La Cour de cassation a jugé que l’intéressé doit être convoqué à l’entretien « peu important qu’il puisse ou non s’y présenter » ;
  • Pendant l’entretien l’employeur doit exposer au salarié les motifs du licenciement envisagé et il recueille ses explications.

Article L1233-12

Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié.

  

Entretien préalable et communication des pièces

C’est le sujet de la présente affaire.

Légalement, rien n’oblige l’employeur à communiquer ses pièces au salarié avant l’entretien préalable au licenciement. 

Il est toutefois important de rappeler qu’il est opportun de vérifier que des dispositions conventionnelles ne contraignent pas l’employeur à communiquer ses pièces. 

Si cela était le cas, le licenciement peut être considéré dépourvu de cause réelle et sérieuse.

 

Extrait de l’arrêt :

Attendu, cependant, que la consultation de l'organisme chargé en vertu d'une convention collective de donner son avis sur un licenciement envisagé par l'employeur constitue une garantie de fond et que le licenciement prononcé sans que le conseil ait été consulté et ait rendu son avis selon une procédure conforme à cette convention n'a pas de cause réelle et sérieuse ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait alors qu'elle avait constaté que le procès-verbal de réunion du conseil n'avait pas été établi conformément au texte précité ce dont il résultait que l'avis de chacun des membres du conseil n'avait pas été porté à sa connaissance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu à renvoi du chef faisant l'objet de la cassation, la Cour de Cassation étant en mesure de mettre fin au litige par application de l'article 627 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en ce qu'il a décidé que le licenciement de M. X... procédait d'une cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 12 mai 2003, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 29 juin 2005 N° de pourvoi: 03-44376 

Accès à votre contenu même hors ligne

Recevez ce contenu par email

ou
ou

Réagir à cet article

Avez-vous trouvé cet article utile ?

Aucune note, soyez le premier à noter cet article

Votre note :

Commentaires

Aucun commentaire, soyez le premier à commenter cet article

Votre commentaire sera publié après connexion.

Une question sur cet article ?

Posez votre votre question sur le forum

Les questions liées sur le forum