Quand payer des heures supplémentaires sous forme de prime conduit… à les payer 2 fois !

Jurisprudence
Heures supplémentaires

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Un salarié est engagé le 11 avril 2002 en qualité de chef de partie dans un restaurant.

Il est par la suite licencié pour faute grave, le 15 octobre 2007.

Le salarié saisit la juridiction prud’homale, demandant un rappel d’heures supplémentaires sur 5 ans.

A sa demande, l’employeur rétorque que ces heures ont bien été payées, sous forme de primes exceptionnelles.

Le montant qui apparaissait sur les bulletins de salaire correspondant très exactement au montant des heures supplémentaires avec majoration, seul le libellé était incorrect.

Dans son argumentaire, l’employeur indique qu’une condamnation le conduirait alors à payer deux fois les heures supplémentaires, tout au plus consentirait-il à payer des dommages-et-intérêts au titre des repos compensateurs non attribués.

Extrait de l’arrêt : 

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au salarié des sommes au titre de rappel d'heures supplémentaires et des congés payés y afférents, alors, selon le moyen, que lorsqu'il n'est pas contesté par les parties en litige qu'une prime a pour objet exclusif la rémunération, à un taux majoré, de l'intégralité des heures supplémentaires effectuées, le salarié peut seulement percevoir des dommages-et-intérêts pour perte de ses repos compensateurs mais ne peut prétendre à un nouveau paiement de ces heures

La Cour de cassation donne raison au salarié et rejette le pourvoi, confirmant au passage l’arrêt de la cour d’appel.

Les juges rappelant ainsi que le paiement des heures supplémentaires ne peut en aucun cas faire l’objet d’un paiement sous forme de primes exceptionnelles. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit que le versement de primes exceptionnelles ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires, peu important que le montant de ces primes paraissait correspondre à celui des heures supplémentaires effectuées ; que le moyen n'est pas fondé ; (…)

Mais attendu qu'ayant constaté que l'employeur avait sciemment omis de mentionner les heures supplémentaires sur les bulletins de paie du salarié, la cour d'appel a caractérisé l'élément intentionnel ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°12-10092

Le présent arrêt de la Cour de cassation résonne comme un véritable « signal d’alarme » pour les entreprises qui seraient tentées de remplacer le paiement des heures supplémentaires par des primes exceptionnelles… 

Pratique peu attirante depuis 2007 

Depuis l’instauration de la loi TEPA, applicable depuis le 1er octobre 2007, le remplacement des heures supplémentaires par des primes, fussent-elles exceptionnelles, n’avait pas beaucoup d’intérêt.

L’entreprise perdait le bénéfice des déductions forfaitaires patronales, et les heures supplémentaires effectuées (mais non apparentes sur le bulletin de paie) privaient le salarié du bénéfice d’une réduction de cotisations salariales et d’une exonération fiscale. 

Les choses ont changé depuis le 1er janvier 2013 

Courant de l’année 2012, le régime de la loi TEPA a connu de grandes modifications.

Depuis le 1er janvier 2013, nous sommes désormais dans un régime définitif, seule subsiste encore la déduction forfaitaire patronale à raison de 1,50€/ heure supplémentaire pour les entreprises justifiant d’un effectif inférieur à 20 salariés.

La tentation de remplacer le paiement des heures supplémentaires par une « prime exceptionnelle » pourrait être de retour… 

En effet, ce remplacement (interdit comme le confirme la Cour de cassation) peut permettre à l’entreprise :

  • De se dédouaner des éventuels repos compensateurs qu’entraineraient la constatation d’heures supplémentaires ;
  • De ne pas prendre en compte ces heures dans le calcul des congés payés (les primes exceptionnelles sont exclues du calcul au 1/10ème), raison pour laquelle l’entreprise à condamner à payer un rappel de congés payés dans l’affaire présente ;
  • De s’éviter un dépassement des durées maximales quotidiennes ou hebdomadaires ;
  • Etc. 

Triple peine !

L’arrêt de la Cour de cassation invite les entreprises à agir avec prudence et dans le cadre légal.

Pour preuve, cette affaire conduit l’entreprise à :

  • Payer 2 fois les heures supplémentaires (sous forme de primes exceptionnelles et dans la forme légale) ;
  • Verser un rappel de congés payés ;
  • Se voir condamner pour travail dissimulé (confirmation de la jurisprudence constante) au titre du fait que l’employeur qui omet sciemment de mentionner les heures supplémentaires sur un bulletin de paie est coupable de travail dissimulé.

Extrait de l’arrêt : 

(…) condamné la société Y…… à verser à Monsieur X...la somme de 12 660 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé

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