Congés payés, maladie et délai de report

Jurisprudence
Droit du travail Congés payés

Lorsque le délai de report des congés payés coïncide avec une période de travail, l’employeur ne peut invoquer l’extinction des droits à congés qu’à condition de prouver qu’il a, en temps utile, permis concrètement au salarié de les prendre.

Publié le
Temps de lecture 2 min.
Télécharger en PDF

Contexte de l'affaire

Un salarié, victime d’un accident du travail, est en arrêt e travail pendant presque 2 ans. Pendant cette période, ses droits à congés se constituent, notamment mais il ne peut pas matériellement les prendre en raison de son incapacité. A sa reprise du travail, le salarié bénéficie d’un report dans la limite de 15 mois après la fin de la période de référence, pour les congés non pris pour raisons de santé. Or, pour l’année de l’accident du travail,  le salarié dispose encore de 13 jours de congés à prendre.
L’employeur fixe la prise de ces congés en toute fin de la période de report.  

Quelques jours avant le début des congés programmés, le salarié est de nouveau en arrêt de travail pour maladie.  L’employeur considère alors  que les 13 jours de congés non pris à l’issue du délai de report de 15 mois sont prescrits.  

Le salarié saisit le conseil de prud’hommes pour obtenir la restitution des 13 jours de congés payés perdus, divers rappels et indemnités.

La Cour d’appel juge que les 13 jours de congés ne peuvent être réputés perdus puisque, en raison d’un nouvel arrêt de travail empêchant toute prise effective de ses congés, le salarié n’a pas été en mesure d’exercer effectivement ses droits. De plus, l’employeur ne démontre pas avoir pris, en amont, des mesures concrètes pour lui permettre de les prendre pendant la période suivant sa reprise du travail.

 L’employeur se pourvoit en cassation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme l’arrêt d’appel.

Elle juge que, lorsque le délai de report des congés payés coïncide avec une période de travail, l’employeur ne peut invoquer l’extinction des droits à congé payé au terme de ce délai qu’à la condition de justifier avoir accompli, en temps utile, les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé. »

En l’espèce, le salarié n’a pas pu, en pratique, exercer ses droits en raison du nouvel arrêt maladie et l’employeur n’a pas prouvé avoir accompli ces démarches (information, relances, proposition de dates raisonnables). Les 13 jours de congé non pris ne peuvent donc pas s’éteindre.

Cour de cassation du , pourvoi n°24-14.084

I. La question posée par l'arrêt de la Cour de cassation

L’employeur peut-il  opposer à un salarié, atteint d’une nouvelle maladie, la perte de ses congés payés à l’expiration d’un délai de report de 15 mois, alors que ce délai coïncide en grande partie avec une période de travail, sans avoir démontré qu’il lui a réellement permis de prendre ces congés ?

II. Les points clé apportés par l'arrêt de la Cour de cassation

Non répond la Cour de cassation, les congés payés ne peuvent pas expirer si le salarié n'a pas eu la possibilité de les prendre. 

En effet, le droit aux congés payés est protégé par le Code du travail. Lorsqu’un salarié n’a pas pu prendre ses congés pendant l’année de référence pour cause de maladie ou d’incapacité de travail, il bénéficie d’une période de report de 15 mois (ou plus si un accord collectif le prévoit) pour pouvoir les utiliser. À l’issue de cette période, les congés non pris peuvent normalement être perdus (Articles L. 3141-19-1 et L. 3141-21-1 du Code du travail).

Mais cette perte n’est possible, que si l’employeur a effectivement mis le salarié en mesure de prendre ses congés. Autrement dit, si le salarié n’a pas pu utiliser ses congés pour des raisons indépendantes de sa volonté – comme un arrêt maladie – ces droits sont protégés

Dans le cas des salariés reprenant le travail avant un nouvel arrêt, comme en l'espèce,  la Cour de cassation ajoute que  lorsque le délai de report des congés payés coïncide avec une période de travail, mais qu’un arrêt maladie survient avant qu’il ne puisse prendre ses congés, l’employeur ne peut invoquer l’extinction des droits à congé payé au terme de ce délai qu’à la condition de justifier avoir accompli, en temps utile, les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé. »

Or, dans cette affaire, l'employeur ne démontre pas avoir pris, en amont, des mesures concrètes pour lui permettre de les prendre pendant la période travaillée.

Le droit du salarié à ses congés non pris ne peut donc pas s'éteindre.

III. Impacts pour l'employeur

Cette décision rappelle aux employeurs plusieurs points importants :

  • La protection des droits  aux congés  : un salarié ne peut pas perdre ses congés reportés s’il est dans l’incapacité de les prendre pour cause de maladie.
  • Les obligations de l'employeur : il doit informer le salarié de ses droits, lui permettre de poser ses congés et veiller à ce qu’il puisse effectivement en bénéficier pendant la période de reprise.
  • La nécessaire vigilance dont doivent faire preuve les employeurs  pour éviter les contentieux coûteux :  planifier avec soin les congés reportés et  suivre étroitement  les absences pour maladie.



IV. Références

Code du travail: Articles L. 3141-19-1 et L. 3141-21-1 

Jurisprudence: la Cour de cassation rend, à travers cet arrêt du 13 novembre 2025, une décision importante et nécessaire, pour les employeurs comme pour les salariés, de clarification sur le sort des congés payés reportés lorsqu’un salarié est en arrêt maladie pendant la période de report.