Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat et licenciement abusif

Jurisprudence
Paie Prime PEPA

Quel est l'impact d'un licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse sur l'acquisition des droits des salariés aux primes collectives et plus spécifiquement à la Prime Exceptionnelle de Pouvoir d'Achat ?

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Contexte de l'affaire

Mme K. est embauchée par la société Cauffridis en contrat à durée déterminée en mai 2017, transformé en CDI en octobre 2017. En mai 2020, elle est licenciée, puis saisit le conseil de prud’hommes pour contester la rupture.

La cour d’appel d’Amiens, dans un arrêt du 5 juillet 2023, juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Toutefois, elle rejette la demande de Mme K. relative à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) versée par l’entreprise à ses salariés en 2020, considérant qu’elle ne faisait plus partie des effectifs ni au moment de la signature de la décision unilatérale de l’employeur, ni au 30 juin 2020, date du versement de la prime.

La salariée forme alors un pourvoi en cassation, estimant que son licenciement injustifié ne pouvait lui faire perdre le bénéfice de cette prime.

Extrait du Pourvoi n° 23-22.844

"Réponse de la Cour

Vu l'article 1304-3 du code civil :

6. Aux termes de ce texte, la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement. La condition résolutoire est réputée défaillie si son accomplissement a été provoqué par la partie qui y avait intérêt.

7. Pour rejeter la demande de la salariée en paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, la cour d'appel, ayant retenu que le versement de la prime résultait d'une décision unilatérale de l'employeur qui prévoyait que les bénéficiaires de cette prime seraient les salariés justifiant d'un contrat de travail à la date de son versement, soit au 30 juin 2020, et constaté que la salariée ne faisait plus partie des effectifs de la société à la date de versement, ni même à la date de signature de la décision unilatérale de l'employeur, en a déduit qu'elle ne pouvait pas prétendre au paiement de cette prime.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle jugeait que la salariée, éligible à cette prime, avait été licenciée sans cause réelle et sérieuse le 22 mai 2020, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé."

Cour de cassation du , pourvoi n°23-22.844

Décision de la Cour

Dans son arrêt du 24 septembre 2025 (n° 23-22.844), la chambre sociale casse partiellement la décision de la cour d’appel.

La Cour se fonde sur l’article 1304-3 du Code civil, qui prévoit que :

« La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement. »

En l’espèce, la condition de présence dans l’entreprise à la date de versement de la prime constituait une condition suspensive. Or, cette condition n’a pas pu être remplie du fait du licenciement abusif de la salariée, lequel a précisément empêché l’accomplissement de cette condition.

La Cour de cassation estime que la cour d’appel n’a pas tiré toutes les conséquences de ses propres constatations :

  • Mme K. était éligible à la prime exceptionnelle (ayant travaillé pendant la période concernée par le dispositif),
  • son éviction injustifiée l’a privée du bénéfice de la condition de présence.

La condition doit dès lors être réputée accomplie.

L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Douai pour statuer à nouveau sur le montant de la prime due à la salariée.

Impact en paie

Cet arrêt confirme une règle essentielle : la condition de présence à une date donnée ne peut être opposée à un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, dès lors que la rupture illicite du contrat a empêché la réalisation de cette condition.

Conséquences pratiques

Rétablissement des droits du salarié

Le salarié injustement licencié doit être replacé dans la situation qui aurait été la sienne si le licenciement n’avait pas eu lieu. Il peut donc prétendre :

    • aux primes collectives conditionnées à la présence (PEPA, intéressement, prime annuelle, etc.),
    • aux augmentations générales ou mesures de revalorisation salariale intervenues après son départ.

Ainsi, pour la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat 2020, exonérée dans la limite légale prévue par la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 et ses textes d’application, la régularisation devra suivre le même traitement que celle des autres bénéficiaires.