Congés payés et heures supplémentaires : Revirement de la Cour de cassation

Jurisprudence
Paie Congés payés

Par un arrêt du 10 septembre 2025 (Cass. soc., n° 23-14.455), la Cour de cassation impose désormais la prise en compte des congés payés dans le calcul des heures supplémentaires.

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Contexte de l'affaire

Un salarié contestait le calcul de ses heures supplémentaires. Selon l’employeur, les congés payés n’avaient pas à être intégrés dans la durée du travail ouvrant droit à majoration. Concrètement, seules les heures effectivement travaillées entraient dans le décompte, les absences pour congés étant neutralisées.

Le salarié soutenait au contraire que les périodes de congés payés, assimilées par la loi à du temps de travail effectif (article L. 3141-5 du Code du travail), devaient déclencher le paiement d’heures supplémentaires dès lors que le seuil hebdomadaire de 35 heures était franchi.

Le litige a été porté devant la juridiction prud’homale puis la Cour d’appel, avant d’aboutir en cassation.

Extrait de l’arrêt du 10 septembre 2025, Cass. soc. n° 23-14.455

« Réponse de la Cour

Vu l'article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article L. 3121-28 du code du travail : […]

9. En application de ce texte, la Cour de cassation a jugé que les jours de congés payés ne peuvent être pris en compte, à défaut de dispositions légales ou conventionnelles ou d'un usage contraires, pour la détermination des heures supplémentaires (Soc., 1er décembre 2004, pourvoi n° 02-21.304, Bull. 2004, V, n° 318 ; Soc., 9 février 2011, pourvoi n° 09-42.939, Bull. 2011, V, n° 46 ; Soc., 4 avril 2012, pourvoi n° 10-10.701, Bull. 2012, V, n° 115).

10. Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne juge que le droit au congé annuel payé constitue un principe essentiel du droit social de l'Union (CJUE, 6 novembre 2018, Stadt Wuppertal c/ Bauer, C-569/16 et Willmeroth c/ Broßonn, C-570/16, point 80).

11. La directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, traite le droit au congé annuel et celui à l'obtention d'un paiement à ce titre comme constituant deux volets d'un droit unique (CJUE, 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C-350/06 et C-520/06, point 60 ; CJUE, 15 septembre 2011, Williams e.a., C-155/10, point 26).

12. La Cour de justice juge que l'obtention de la rémunération ordinaire durant la période de congé annuel payé vise à permettre au travailleur de prendre effectivement les jours de congé auxquels il a droit (CJUE, 16 mars 2006, Robinson-Steele e.a., C-131/04 et C-257/04, point 49 ; CJUE, 13 décembre 2018, Hein, C-385/17, point 44). […]

14. La Cour de justice considère qu'un travailleur pouvait être dissuadé d'exercer son droit au congé annuel compte tenu d'un désavantage financier, même si celui-ci intervient de façon différée, à savoir au cours de la période suivant celle du congé annuel (CJUE, 22 mai 2014, Lock, C-539/12, point 21).

15. Dans un arrêt du 13 janvier 2022, la Cour de justice a dit pour droit : l'article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lu à la lumière de l'article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une disposition d'une convention collective en vertu de laquelle, afin de déterminer si le seuil des heures travaillées donnant droit à majoration pour heures supplémentaires est atteint, les heures correspondant à la période de congé annuel payé pris par le travailleur ne sont pas prises en compte en tant qu'heures de travail accomplies (CJUE, 13 janvier 2022, DS c/ Koch Personaldienstleistungen GmbH, C-514/20).

16. Par arrêt du 6 novembre 2018 (CJUE, 6 novembre Stadt Wuppertal c/ Bauer, C-569/16 et Willmeroth c/ Broßonn, C-570/16), la Cour de justice a jugé qu'en cas d'impossibilité d'interpréter une réglementation nationale de manière à en assurer la conformité avec l'article 7 de la directive 2003/88 et l'article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux, la juridiction nationale doit laisser ladite réglementation nationale inappliquée. La Cour de Justice précise que cette obligation s'impose à la juridiction nationale en vertu de ces deux dispositions lorsque le litige oppose un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité d'autorité publique et en vertu de la seconde de ces dispositions lorsque le litige oppose le bénéficiaire à un employeur ayant la qualité de particulier.

17. Dès lors, le litige opposant un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité de particulier, il incombe au juge national d'assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant de l'article 31, paragraphe 2, de la Charte et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée la réglementation nationale.

18. Il convient en conséquence d'écarter partiellement l'application des dispositions de l'article L. 3121-28 du code du travail en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un temps de travail effectif les heures prises en compte pour la détermination du seuil de déclenchement des heures supplémentaires applicable à un salarié, soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail, lorsque celui-ci, pendant la semaine considérée, a été partiellement en situation de congé payé, et de juger que ce salarié peut prétendre au paiement des majorations pour heures supplémentaires qu'il aurait perçues s'il avait travaillé durant toute la semaine. »

Cour de cassation du , pourvoi n°23-14.455

Décision de la cour

Un salarié contestait le calcul de ses heures supplémentaires. Selon l’employeur, les congés payés n’avaient pas à être intégrés dans la durée du travail ouvrant droit à majoration. Concrètement, seules les heures effectivement travaillées entraient dans le décompte, les absences pour congés étant neutralisées.

Le salarié soutenait au contraire que les périodes de congés payés, assimilées par la loi à du temps de travail effectif (article L. 3141-5 du Code du travail), devaient déclencher le paiement d’heures supplémentaires dès lors que le seuil hebdomadaire de 35 heures était franchi.

Le litige a été porté devant la juridiction prud’homale puis la Cour d’appel, avant d’aboutir en cassation.

Impact en paie

Pour les services RH, cet arrêt implique une adaptation :

  • Décompte des heures supplémentaires : les semaines comprenant des congés payés doivent intégrer ces journées comme du temps travaillé pour apprécier le dépassement du seuil des 35 heures.
  • Impact financier : certaines heures jusque-là comptabilisées en temps normal doivent désormais être rémunérées avec une majoration.
  • Rétroactivité possible : les salariés pourraient réclamer des rappels de salaire sur les trois dernières années (prescription en matière salariale – article L. 3245-1 du Code du travail).