Contexte de l'affaire
Une assurée en arrêt de travail a contesté la décision de sa CPAM de lui réclamer un indu de près de 2 000 €, correspondant aux IJSS versées durant un séjour en Tunisie. Elle faisait valoir que son médecin traitant l’avait autorisée à s’y rendre pour rendre visite à sa mère gravement malade. Le tribunal judiciaire lui a donné raison, mais la CPAM a formé un pourvoi.
Extrait de l'arrêt :
3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles L. 111-1, L. 160-7, L. 323-6 et R. 323-12 du code de la sécurité sociale, le premier et le deuxième dans leur rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 et le troisième dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2018-474 du 12 juin 2018, applicables au litige :
4. Selon le premier de ces textes, la sécurité sociale assure, pour toute personne travaillant ou résidant en France de façon stable et régulière, la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille.
5. Selon le deuxième, les prestations en cas de maladie ne sont pas servies, sous réserve de l'application des conventions internationales et des règlements de l'Union européenne, lorsque les soins sont dispensés hors de France aux assurés et aux personnes mentionnées à l'article L. 160-2.
6. Selon le dernier, la caisse est fondée à refuser le bénéfice des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle aura été rendu impossible.
7. Le troisième de ces textes subordonne enfin le service de l'indemnité journalière de l'assurance maladie à l'obligation pour le bénéficiaire d'observer les prescriptions du praticien, de se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical prévus à l'article L. 315-2 et de s'abstenir de toute activité non autorisée.
8. Or, saisi par la deuxième chambre civile d'une question préjudicielle portant sur la légalité du neuvième alinéa de l'article 37 du règlement intérieur modèle provisoire des caisses primaires d'assurance maladie pour le service des prestations, annexé à l'arrêté du 19 juin 1947 (2e Civ, 6 juin 2024, pourvoi n° 21-22.162), le Conseil d'Etat a déclaré ce texte entaché d'illégalité. Il a jugé que les dispositions susvisées de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale imposent cependant qu'un déplacement du malade, autre qu'une sortie de son domicile, le conduisant à résider momentanément à une autre adresse, soit opéré dans des conditions lui permettant de continuer à satisfaire à l'ensemble de ces obligations (CE, 28 novembre 2024, n° 495040).
9. Ainsi, dès lors que, sous réserve de l'application des conventions internationales et des règlements de l'Union européenne, le déplacement de l'assuré le conduisant à séjourner temporairement hors de France rend impossible tout contrôle et ne permet pas à l'organisme de sécurité sociale de vérifier que l'assuré continue de respecter ses obligations, il en résulte que les prestations en espèces de l'assurance maladie ne lui sont pas servies durant ce séjour.
10. Pour accueillir le recours de l'assurée et annuler la contrainte, le jugement relève que le médecin traitant de l'assurée a donné son accord sans réserves, selon un certificat du 19 juin 2019. Il estime que rien ne s'opposait à l'accord du médecin conseil de la caisse, dès lors que le traitement de l'assurée ne nécessitait aucun contrôle.
11. En statuant ainsi, le tribunal a violé les textes susvisés.
Décision de la Cour de cassation
Dans son arrêt du 5 juin 2025, la Cour de cassation casse la décision du tribunal. Elle juge que, même si le médecin traitant a autorisé le voyage, cela ne suffit pas à garantir le respect des obligations prévues à l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale. Dès lors que le séjour à l’étranger empêche les services de contrôle médical de vérifier la situation de l’assurée, la CPAM est fondée à suspendre les IJSS, sauf si des conventions internationales ou des règlements européens s’appliquent.
Impact en paie
Pour les gestionnaires de paie, cette décision rappelle l’importance de bien vérifier l’éligibilité au versement des IJSS lorsque le salarié se trouve hors de France. Pour rappel, le versement de l'indemnité complémentaire employeur en vertu de dispositions légales ou conventionnelles est subordonnée au versement des IJSS. Il est donc essentiel d’informer les salariés que même un voyage autorisé par leur médecin peut entraîner une suspension des prestations s’il empêche les contrôles de la CPAM.