Rappel d’heures supplémentaires : la charge de la preuve ne doit pas reposer sur le seul salarié

Jurisprudence
Paie Heures supplémentaires

Une cour d’appel ne saurait faire reposer sur le seul salarié la charge de la preuve permettant le bénéfice du paiement d’un rappel d’heures supplémentaires.

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Un salarié est engagé en qualité de technico-commercial le 8 août 2007.

Il saisit la juridiction prud'homale le 1er septembre 2015 de demandes en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes.

Il réclame notamment le paiement d’un rappel d’heures supplémentaires, produisant à cette occasion un tableau récapitulatif de ses feuilles de route. 

Il est finalement licencié le 7 décembre 2015.

La cour d'appel de Montpellier, par un arrêt du 2 juin 2021, déboute le salarié de sa demande, retenant pour cela le fait que :

  • Le salarié produisait un tableau récapitulatif de ses feuilles de route établissant selon lui les heures supplémentaires qu'il aurait effectuées ;
  • Mais qu'il résultait de courriers échangés entre l'employeur et le salarié qu'il existait un désaccord sur les heures réalisées, le salarié travaillant souvent à son domicile, en toute liberté, sans aucun contrôle de l'employeur.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, indiquant à cette occasion que : 

Fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, une cour d’appel qui déboute le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, au titre que :

  • Le salarié qui produit un tableau récapitulatif de ses feuilles de route établissant selon lui les heures supplémentaires qu'il aurait effectuées ;
  • Mais qu'il résulte de courriers échangés entre l'employeur et le salarié qu'il existait un désaccord sur les heures réalisées, le salarié travaillant souvent à son domicile, en toute liberté, sans aucun contrôle de l'employeur.

Elle ajoute que la cour d’appel, en déboutant le salarié dans la présente affaire faisait peser la charge de la preuve sur le seul salarié ayant été constaté que :

  • D’une part, le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre ;
  • Et d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
13. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
14. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

15. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
16. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et de ses demandes subséquentes, l'arrêt retient que le salarié a produit un tableau récapitulatif de ses feuilles de route établissant selon lui les heures supplémentaires qu'il aurait effectuées mais qu'il résulte de courriers échangés entre l'employeur et le salarié qu'il existait un désaccord sur les heures réalisées, le salarié travaillant souvent à son domicile, en toute liberté, sans aucun contrôle de l'employeur.
17. Il relève en outre que les attestations versées aux débats par le salarié montrent que ce dernier, profitant de certains de ses déplacements professionnels, passait les fins de semaine sur place, notamment pour rendre visite à son fils, estime dès lors que les heures correspondantes ne sauraient être comptabilisées comme des heures supplémentaires.
18. Enfin, l'arrêt constate que l'attestation de l'assistante de direction produite par l'employeur, affirmant que les technico-commerciaux effectuaient des horaires normaux lorsqu'ils n'étaient pas en intervention et qu'en cas d'intervention en urgence, les heures supplémentaires ont toutes été payées, se trouve corroborée par les déclarations annuelles des données sociales versées également à la procédure.
19. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Cour de cassation du , pourvoi n°21-20509

Il est de jurisprudence constante que la Cour de cassation casse et annule des arrêts de la cour d’appel, considérant qu’elle faisait peser sur le seul salarié la charge de la preuve à l’occasion d’une demande de rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires.

Voici un rappel de quelques arrêts abordés sur notre site : 

Thématiques

Références

Rappel d’heures supplémentaires : la charge de la preuve ne repose pas sur le seul salarié

Cour de cassation du 25 mars 2015, pourvoi n° 13-26469

Rappel d’heures supplémentaires : la charge de la preuve ne pèse pas que sur le salarié

Cour de cassation du 21/09/2022, pourvoi n° 21-14777

Rappel d’heures supplémentaires : le salarié ne peut pas être débouté de sa demande sans que ses documents ne soient examinés

Cour de cassation du 14/12/2022, pourvoi n° 21-21411

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