Nullité d’un licenciement durant un arrêt de travail consécutif à un accident du travail : les rappels de la Cour de cassation

Jurisprudence
Paie Indemnité de licenciement

Durant la suspension d’un contrat de travail consécutive à un accident du travail, le licenciement n’est admis qu’en cas de faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié, sous peine de risquer la nullité de la rupture.

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Un salarié est engagé, en qualité de manœuvre BTP, dans le cadre de contrats de mission du 15 septembre 2008 au 31 octobre 2012.

A cette dernière date, il a été victime d'un accident du travail, à la suite duquel il a été en arrêt de travail puis en invalidité et placé sous curatelle.

Le salarié assisté de son curateur saisit la juridiction prud'homale de demandes de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et au titre de la rupture.

Il demande notamment que soit prononcé la nullité de son licenciement. 

Par arrêt du 2 mars 2018, la cour d'appel de Caen déboute le salarié de sa demande, considérant que :

  1. La rupture constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non un licenciement nul comme le soutenait le salarié ;
  2. Retenant en effet que l'accident du travail survenu le 31 octobre 2012 n'avait pas fait obstacle à la survenance du terme du contrat à durée déterminée dans le cadre duquel le salarié était embauché,
  3. Et que la cause de la rupture n'avait pas été l'accident du travail mais la survenance de ce terme. 

Mais la Cour de cassation ne partage pas cet avis. Elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel indiquant à cette occasion que :

  1. Après avoir requalifié les contrats de mission de travail temporaire en contrat à durée indéterminée à compter du mois de septembre 2008 ;
  2. Ayant constaté que le salarié avait été placé en arrêt de travail dès la survenance de son accident de travail jusqu'au 2 septembre 2015 ;
  3. En sorte qu'à la date de la rupture, le contrat de travail était suspendu, ce dont la cour d’appel aurait dû déduire que la cessation de la relation contractuelle au cours de la période de suspension s'analysait en un licenciement nul. 

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail :

  1. Selon ces textes, au cours des périodes de suspension du contrat de travail du salarié consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle.
  2. Pour dire que la rupture constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non un licenciement nul comme le soutenait le salarié, l'arrêt retient que l'accident du travail survenu le 31 octobre 2012 n'a pas fait obstacle à la survenance du terme du contrat à durée déterminée dans le cadre duquel le salarié était embauché et que la cause de la rupture n'a pas été l'accident du travail mais la survenance de ce terme.
  3. En statuant ainsi, après avoir requalifié les contrats de mission de travail temporaire en contrat à durée indéterminée à compter du mois de septembre 2008, la cour d'appel, qui a constaté que le salarié avait été placé en arrêt de travail dès la survenance de son accident de travail jusqu'au 2 septembre 2015, en sorte qu'à la date de la rupture, le contrat de travail était suspendu, ce dont elle aurait dû déduire que la cessation de la relation contractuelle au cours de la période de suspension s'analysait en un licenciement nul, a violé les textes susvisés.

Cour de cassation du , pourvoi n°18-15972

Nous profitons du présent arrêt pour rappeler quelques notions fondamentales et importantes concernant la reconnaissance d’un accident du travail ou de trajet.

La définition de l’accident du travail

L’accident du travail est l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail, et ce quelle qu’en soit la cause, à toute personne salariée à quelque titre ou quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Article L411-1

Créé par Décret 85-1353 1985-12-17 art. 1 JORF 21 décembre 1985

Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Extrait du site Ameli.fr, consultation du 31 janvier 2019 :

Définir l'accident du travail

Le Code de la sécurité sociale définit l'accident du travail ainsi : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail de toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

À l'origine de l'accident du travail, on doit donc retrouver deux éléments :

un fait accidentel pouvant être daté avec précision et qui est à l'origine d'une lésion corporelle ou psychique ;

l'existence d'un lien de subordination entre la victime et son employeur au moment de l'accident.

La présomption d'imputabilité

Si votre lésion corporelle est survenue sur votre lieu de travail et au moment où vous deviez vous y trouver, vous bénéficiez de la présomption d'imputabilité.

Le caractère professionnel de votre accident est en principe reconnu, sauf si votre employeur ou la caisse d'assurance maladie prouvent que votre lésion a une origine autre ou que vous n'étiez pas sous l'autorité de votre employeur au moment de l'accident.

Si l'accident est survenu en dehors du temps de travail par exemple, vous ne bénéficiez plus de la présomption d'imputabilité. C'est alors à vous d'apporter tous les éléments de preuve faisant le lien entre votre accident et votre activité professionnelle. 

Lieu de travail 

L’accident qui se produit sur le lieu de travail est considéré comme accident du travail. 

Article L411-1

Créé par Décret 85-1353 1985-12-17 art. 1 JORF 21 décembre 1985

Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Article L411-2

Modifié par Loi n°2001-624 du 17 juillet 2001 - art. 27 JORF 18 juillet 2001

Est également considéré comme accident du travail, lorsque la victime ou ses ayants droit apportent la preuve que l'ensemble des conditions ci-après sont remplies ou lorsque l'enquête permet à la caisse de disposer sur ce point de présomptions suffisantes, l'accident survenu à un travailleur mentionné par le présent livre, pendant le trajet d'aller et de retour, entre :

1°) la résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d'ordre familial et le lieu du travail. Ce trajet peut ne pas être le plus direct lorsque le détour effectué est rendu nécessaire dans le cadre d'un covoiturage régulier ;

2°) le lieu du travail et le restaurant, la cantine ou, d'une manière plus générale, le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas, et dans la mesure où le parcours n'a pas été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l'intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l'emploi.

On remarquera que le Code de la Sécurité sociale utilise la terminologie « accident du travail » pour les deux évènements. 

C’est au niveau de l’employeur que le traitement sera différent en cas d’arrêt de travail consécutif à un accident de travail ou un accident de trajet. 

Accident du salarié pendant le travail et en état d’ébriété = accident du travail  

Un salarié est engagé en qualité de conducteur au sein d’une entreprise de transports.

Alors qu’il circule au volant de son camion, pendant son travail, il est victime d’un accident de la circulation.

Au moment des faits, il présente un taux d’alcoolémie de 1.21g/1000 (une bouteille de porto sera retrouvée dans le camion).

La CPAM reconnaît ici le caractère accident du travail ce que l’employeur réfute totalement.

Pour ce dernier, le salarié ne se trouvait pas en activité, compte tenu du fait qu’il commettait des actes qui ne relevaient pas de son activité, à savoir boire au volant.

Ce n’est pas l’avis des juges de la Cour de cassation qui déboutent l’employeur de sa demande.

Ils considèrent qu’il y avait bien en l’espèce un accident du travail, nonobstant le fait que le salarié se trouvait en état d’ébriété avancé !

Retrouver notre actualité à ce sujet

Cour de cassation du 17/02/2011 Pourvoi V 09-70.802 

La définition de l’accident de trajet 

L’accident de trajet est l’accident survenu en dehors du temps de travail pendant le trajet d’aller et de retour entre le domicile et le lieu de travail, mais aussi entre le lieu de travail et l’endroit où il prend habituellement ses repas.

Le salarié doit bien entendu utiliser le « trajet normal » séparant les lieux concernés, sans avoir fait d’éventuels détours (sauf nécessité de la vie quotidienne). 

 

Extrait du site Ameli.fr, consultation du 31 janvier 2019 :

Définir l'accident de trajet

Il se définit comme l'accident qui se produit pendant le trajet aller et retour :

entre votre lieu de travail et votre résidence principale ou une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité, ainsi que tout autre lieu de résidence où vous vous rendez de façon habituelle pour des raisons d'ordre familial ;

entre votre lieu de travail et le restaurant, la cantine ou tout autre lieu où vous prenez habituellement vos repas.

Ce trajet peut ne pas être direct s'il répond à une logique de covoiturage régulier et qu'un détour est dans ce cas nécessaire. En revanche, le trajet doit être le plus habituel possible et ne pas avoir été interrompu ou détourné pour un motif d'ordre personnel, indépendant de l'emploi ou étranger aux nécessités essentielles de la vie courante.

Les tribunaux ont retenu la notion d'itinéraire protégé qui correspond aux critères de parcours sur lesquels tout accident survenu peut être reconnu comme un accident de trajet. Une très abondante jurisprudence prend en compte l'extrême diversité des situations réelles et précise les limites de cet itinéraire protégé (points de départ et d'arrivée, interruptions et détours autorisés, horaires).

Définition du domicile 

La notion de domicile (ou résidence) prise en compte pour les accidents de trajets s'entend comme :

  • Résidence principale, c'est à dire du lieu où le travailleur a son principal établissement ;
  • Résidence secondaire, si elle présente un caractère de stabilité, autrement dit, si elle fait l'objet de séjours fréquents et réguliers ;
  • Tout autre lieu où le travailleur doit se rendre pour des motifs familiaux. 

Lieu des repas

La notion de "lieu habituel des repas" n'impose pas une fréquentation strictement quotidienne et peut protéger d'autre parcours que ceux menant à la cantine ou au restaurant d'entreprise.

Dans le cas d'un café-restaurant, d'un lieu de restauration rapide etc., le rythme de fréquentation est cependant déterminant, de même que les conditions de s'être alimenté (le repas doit être « réel », une consommation style café ou thé ne suffit pas) et de s'y être rendu au cours de la période de travail, c'est-à-dire pendant la pause du déjeuner, et non pas avant ou après la journée de travail.

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