Laisser un salarié au même coefficient durant 22 ans peut faire supposer une discrimination

Jurisprudence
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Le salarié ayant stagné au même coefficient sur la période comprise entre le 1er octobre 1979 et le 1er mars 2001, constitue un élément laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de son origine étrangère.

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Un salarié est engagé le 3 novembre 1970, en qualité d'ouvrier spécialisé, occupant en dernier lieu les fonctions d'employé service technique depuis le 1er mars 2001.

Le 31 décembre 2008, il fait valoir ses droits à la retraite.

Le 16 mars 2011, il saisit la juridiction prud'homale aux fins de constater l'existence d'une discrimination à son encontre. 

La cour d'appel de Versailles, à l’occasion de son arrêt du 15 novembre 2018, déboute le salarié de sa demande, estimant que « l'attestation produite par le salarié était vague et non circonstanciée et ne permettait pas de déterminer à quel moment, à quelle occasion et par quelle personne les origines marocaines du salarié ont été évoquées pour refuser de le faire évoluer dans sa carrière ou de quelle manière les origines du salarié auraient été prises en compte par la société ». 

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, cassant et annulant l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant au passage les deux parties devant la cour d’appel de Paris. 

Elle indique à cette occasion que :

  • Ne saurait être débouté par la cour d’appel de sa demande de dommages et intérêts au titre d’une discrimination;
  • Le salarié ayant stagné au même coefficient sur la période comprise entre le 1er octobre 1979 et le 1er mars 2001 ;
  • Élément laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de son origine

Extrait de l’arrêt :


Enoncé du moyen

  1. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes formées au titre de la discrimination syndicale et raciale, alors « que le salarié qui s'estime victime de discrimination raciale doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué retient que le salarié n'établit pas de fait laissant présumer l'existence d'une discrimination fondée sur ses origines marocaines ; qu'en statuant ainsi, quand le salarié démontrait une stagnation totale de classification entre 1979 et 2001 et l'absence d'entretien individuel pendant 30 ans laissant présumer, outre l'existence d'une discrimination en raison de ses activités syndicales, également une discrimination fondée sur son origine ethnique, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable, et l'article L. 1134-1 du même code :

  1. Pour rejeter la demande du salarié au titre de la discrimination en raison de son origine, la cour d'appel a retenu que l'attestation produite par le salarié était vague et non circonstanciée et ne permettait pas de déterminer à quel moment, à quelle occasion et par quelle personne les origines marocaines du salarié ont été évoquées pour refuser de le faire évoluer dans sa carrière ou de quelle manière les origines du salarié auraient été prises en compte par la société, que le courrier adressé par un syndicat à l'inspection du travail relatant l'existence de mesures discriminatoires à l'encontre de salariés de la société à raison de leurs origines ne précisait pas quels salariés en seraient victimes, ni la nature exacte de ces mesures discriminatoires et ne mentionnait pas le salarié, et que ni un courrier, rédigé par le salarié lui-même, ni un article de presse datant de 1989 mentionnant l'existence dans la société d'une discrimination en raison de l'origine dont faisait l'objet un salarié qui avait demandé à changer d'affectation, n'étaient probants quant à une éventuelle discrimination en raison de l'origine dont le salarié aurait pu faire l'objet.
  2. En se déterminant ainsi, alors que la cour d'appel avait constaté par ailleurs que le salarié avait stagné au coefficient 195 sur la période comprise entre le 1er octobre 1979 et le 1er mars 2001, élément laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de son origine, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. C... de sa demande de constat d'une discrimination à raison de l'origine et des demandes subséquentes, l'arrêt rendu le 15 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Cour de cassation du , pourvoi n°19-15099

En matière de discrimination, notamment concernant l’évolution de carrière objet du présent arrêt, il convient de se référer à l’article L 1132-1 du code du travail… 

Le code du travail à ce sujet indique dans son article L 1132-1, que nul ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, en raison de :

  • Son origine ;
  • Son sexe ;
  • Son âge ;
  • Ses mœurs ;
  • Son orientation sexuelle ;
  • Son identité de genre (au genre auquel une personne a le ressenti profond d'appartenir) ;
  • Sa situation de famille ;
  • Sa grossesse ;
  • Ses caractéristiques génétiques ;
  • Son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race ;
  • Ses opinions politiques ;
  • Ses activités syndicales ou mutualistes ;
  • Ses convictions religieuses ;
  • Son apparence physique ;
  • Son nom de famille ;
  • Son état de santé ;
  • Sa perte d'autonomie ;
  • Son handicap,
  • Son lieu de résidence (nouveau motif de discrimination introduit par la loi du 21/02/2014) ou de sa domiciliation bancaire (nouveau critère ajouté par la loi n°2017-256 du 28/02/2017) *;
  • De la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur (nouveau motif ajouté par la loi du 24 juin 2016) ;
  • De la capacité du salarié « à s'exprimer dans une langue autre que le français » ;

* Nous rappelons que l’objectif visé par le présent ajout est de mettre fin aux difficultés que rencontrent les ultramarins présents en « métropole » du fait de leur domiciliation bancaire en « outre-mer ».

LOI n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, JO du 1er mars 2017

La loi PACTE ajoute au terme « recrutement » les mots « ou de nomination ».

Article L1132-1

Modifié par LOI n°2020-760 du 22 juin 2020 - art. 15

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

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