Les heures supplémentaires sont dues pour un forfait jours qui ne respecte pas l’accord de branche

Jurisprudence
Heures supplémentaires

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L’affaire (tant attendue par les médias et les responsables de ressources humaines) concerne un salarié engagé le 19/01/2001 en qualité de cadre autonome.

Il occupe les fonctions de responsable commercial sur une zone internationale, notamment sur la Chine. 

Son contrat de travail stipule une convention de forfait en jours, convention prévue par l’accord sur l’organisation du travail du 28/07/1998 de la branche métallurgie.

Sa rémunération comprend une partie fixe ainsi qu’une partie variable liée à la réalisation d’objectifs.

Le salarié démission le 30/01/2006 et saisit le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir le paiement d’heures supplémentaires. 

A l’appui de sa demande, le salarié souligne les insuffisances de son employeur quant au contrôle du nombre de jours travaillés et du suivi de son organisation et de sa charge de travail. 

La cour d’appel déboute le salarié de sa demande. 

Mais la Cour de cassation n’est pas d’accord et casse la chambre sociale. 

Les juges considèrent qu’en l’espèce l’employeur n’avait pas respecté les dispositions de l’accord de branche, au regard notamment des dispositions visant à contrôler la durée du travail.

Dans un commentaire publié, la Cour de cassation explique les raisons de son jugement, rappelant au passage que cette décision ne remet pas en cause les conventions de forfait jours qu’elle considère conforme aux différents textes publiés à ce sujet. 

Communiqué "forfait-jours" relatif à l’arrêt n° 1656 du 29 juin 2011 de la chambre sociale 

Examinant l’accord de branche applicable au litige, elle constate qu’il contient des mesures concrètes d’application des conventions de forfait en jours de nature à assurer le respect des règles impératives relatives à la durée du travail et aux temps de repos, de sorte que le régime de forfait assorti de telles garanties est conforme aux exigences tant de l’alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 que des normes sociales européennes visées par l’article 151 du Traité FUE et les directives de l’Union européenne en matière de temps de travail.

Revenant sur sa jurisprudence résultant de son arrêt du 10 janvier 2010 (n ° 08-43.201), où elle avait jugé que le défaut d’exécution par l’employeur des stipulations conventionnelles relatives aux modalités de suivi de l’organisation du travail des salariés soumis au régime du forfait en jours ne remettait pas en cause la validité de la convention organisant ce régime mais ouvrait seulement droit à dommages-intérêts pour le salarié concerné, elle décide ici, au visa des textes précités et du code du travail, que ces défaillances de l’employeur, dès lors qu’elles privent le salarié de toute protection de sa santé, privent également d’effet la convention de forfait en jours conclue avec le salarié.

Cette décision ne remet pas en cause la validité du système du forfait-jours et donne toute sa place aux accords collectifs.

L’avocat général avait conclu dans le même sens à la cassation de l’arrêt attaqué

Cour de cassation du , pourvoi n°09-71107 arrêt n°1656

Sans revenir sur le fait que la Cour de cassation approuve dans ce jugement la légalité des conventions de forfait jours (une actualité a été publiée à ce sujet sur notre site), les juges soulignent que la convention de forfait jours se doit de respecter l’accord de branche régissant ce type d’organisation du temps de travail. 

Ils ajoutent au passage que ces accords doivent stipuler que la conclusion d’une convention de forfait jours doit nécessairement s’accompagner : 

  • D’un contrôle du nombre de jours travaillés ;
  • D’un décompte des journées de repos prises. 

Attendu, encore, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; 

Dans cette affaire, l’accord de branche prévoyait les contrôles suivants : 

Attendu, enfin, que, selon l’article 14 de l’accord du 28 juillet 1998 sur l’organisation du travail dans la métallurgie, le forfait en jours s’accompagne d’un contrôle du nombre de jours travaillés, afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises ; que l’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail ; que ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur ; que le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé et de sa charge de travail ; qu’en outre, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé et l’amplitude de ses journées d’activité ; que cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé. 

C’est le non-respect de ces dispositions qui a permis au salarié d’obtenir le paiement d’heures supplémentaires au salarié. 

Sans révolutionner le monde des ressources humaines, en ne remettant pas en question la conclusion des forfaits jours, ce jugement fait jurisprudence dans le sens où les salariés qui assumeraient leur fonction dans le cadre d’une convention pour laquelle l’employeur ne remplirait pas ses obligations de suivi du temps de travail pourraient à terme obtenir le paiement d’heures supplémentaires comme c’est le cas dans cette affaire.

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