Même s’il est le seul salarié gréviste au sein d’une entreprise de transport public : son licenciement n’est pas autorisé

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Paie Indemnité de licenciement

Nous abordons aujourd’hui un arrêt assez particulier de la Cour de cassation, où est abordé le cas (tout aussi particulier) d’un salarié qui se retrouve être le seul gréviste de l’entreprise….

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Présentation de l’affaire

Un salarié est engagé par une société de transport public depuis 2009.

Le 16 avril 2015, un syndicat de l’entreprise dépose un préavis de grève courant du 22 avril 2015 au 31 décembre 2015 pour l'ensemble du personnel de la société.


Le salarié s'est déclaré gréviste le 5 mai 2015.

Le 17 juin 2015, l'employeur lui enjoint de reprendre son poste au motif que, seul de l'entreprise se déclarant encore gréviste, il ne pouvait prétendre poursuivre un mouvement de grève. 

Il est finalement licencié le 16 juillet 2015 pour abandon de poste.

Le salarié saisit la juridiction prud’homale, demande à cette occasion que soit prononcée :

  • La nullité du licenciement pour exercice normal du droit de grève ;
  • Ainsi que sa réintégration et son indemnisation.

Arrêt de la cour d’appel

La cour d'appel de Versailles, par arrêt du 09 juillet 2020, déboute le salarié de sa demande. 

Elle estime en effet que dans l’affaire présente :

  • Le salarié était seul en cessation de travail dans l'entreprise depuis le 8 juin 2015 ;
  • Et qu'informé par l'employeur de cette situation et mis en demeure de reprendre son poste, ;
  • Il est demeuré absent de l'entreprise ;
  • Si bien qu'il ne pouvait prétendre au statut de gréviste.

Arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation ne partage pas du tout l’avis de la cour d’appel, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée. 

Dans la présente affaire, la Cour de cassation rappelle que :

  1. Dans les services publics, la grève doit être précédée d'un préavis donné par un syndicat représentatif et si ce préavis, pour être régulier, doit mentionner l'heure du début et de la fin de l'arrêt de travail ;
  2. Les salariés qui sont seuls titulaires du droit de grève ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis.

Il en résulte que l'employeur ne peut, dans la période ainsi définie :

  • Déduire de la constatation de l'absence de salariés grévistes ;
  • Que la grève est terminée ;
  • Cette décision ne pouvant être prise que par le ou les syndicats représentatifs ayant déposé le préavis de grève.

C’est ainsi que la Cour de cassation en conclue que :

  • Dès lors, la cessation de travail d'un salarié pour appuyer des revendications professionnelles formulées dans le cadre d'un préavis de grève déposé par une organisation syndicale représentative dans une entreprise gérant un service public constitue une grève ;
  • Peu important le fait qu'un seul salarié se soit déclaré gréviste.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2511-1, L. 2512-1, L. 2512-2 du code du travail et l'alinéa 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 :

4. Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 4 juillet 2012, pourvoi n° 11-18.404, Bull. 2012, V, n° 207 ; Soc., 11 février 2015, pourvoi n° 13-14.607, Bull. 2015, V, n° 25 ; Soc., 8 décembre 2016, pourvoi n° 15-16.078, Bull. 2016, V, n° 237), dans les services publics, la grève doit être précédée d'un préavis donné par un syndicat représentatif et si ce préavis, pour être régulier, doit mentionner l'heure du début et de la fin de l'arrêt de travail, les salariés qui sont seuls titulaires du droit de grève ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis. Il en résulte que l'employeur ne peut, dans la période ainsi définie, déduire de la constatation de l'absence de salariés grévistes que la grève est terminée, cette décision ne pouvant être prise que par le ou les syndicats représentatifs ayant déposé le préavis de grève.

5. Dès lors, la cessation de travail d'un salarié pour appuyer des revendications professionnelles formulées dans le cadre d'un préavis de grève déposé par une organisation syndicale représentative dans une entreprise gérant un service public constitue une grève, peu important le fait qu'un seul salarié se soit déclaré gréviste.

6. Pour dire le licenciement du salarié fondé sur une faute grave, l'arrêt retient qu'alors que le préavis de grève déposé par le syndicat (…) à compter du 22 avril 2015 courait jusqu'au 31 décembre 2015, le salarié était seul en cessation de travail dans l'entreprise depuis le 8 juin 2015, et qu'informé par l'employeur de cette situation et mis en demeure de reprendre son poste, il est demeuré absent de l'entreprise, si bien qu'il ne pouvait prétendre au statut de gréviste.
7. En statuant ainsi, alors que le salarié était en cessation de travail dans le cadre du préavis de grève déposé par un syndicat représentatif et pendant la période couverte par celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Rappel concernant l’éventuel licenciement d’un salarié gréviste

Profitons de l’affaire présente pour rappeler que le code du travail indique, à l’article L 2511-1 que :

  • Le licenciement d’un salarié gréviste ;
  • N’est envisageable que dans le cas d’une faute lourde ;
  • Et que tout licenciement prononcé en l’absence de faute lourde, est nul de plein droit.

Article L2511-1

Version en vigueur depuis le 01 mai 2008 

L'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié.

Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l'article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d'avantages sociaux.

Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit. 

Références 

Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 20-18.402 ECLI:FR:CCASS:2022:SO00542 Publié au bulletin Solution : Cassation

Audience publique du jeudi 21 avril 2022 Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 09 juillet 2020 

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