Cet article a été publié il y a 7 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
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La 1ère QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) vient d’être transmise le 14 juin 2017 par le Conseil d’État au Conseil constitutionnel, qui dispose désormais d’un délai de 3 mois pour se prononcer.
Petit rappel concernant la loi travail
La loi travail a procédé à une nouvelle architecture des articles du code du travail (pour les points concernés par la réforme).
Au sein des thèmes modifiés par la loi travail (durée du travail, heures supplémentaires, congés payés, etc.), les différents articles sont proposés selon la hiérarchie suivante :
- Paragraphe 1 : Ordre public ;
- Paragraphe 2 : Champ de la négociation collective ;
- Paragraphe 3 : Dispositions supplétives.
Règles d'ordre public
Il s’agit du 1er paragraphe proposé au sein du code du travail pour les thèmes abordés par la loi travail.
Les règles d’ordre public peuvent être rapidement définies comme :
- Celles qui s’imposent aux parties concernées par une relation contractuelle (le salarié et l’employeur par exemple) ;
Des dispositions juridiques ne pouvant être écartées par un contrat ou une convention, il en ressort que d’éventuelle clauses contractuelles ou conventionnelles contraires à ces règles d'ordre public sont réputées nulles et donc inapplicables.
Nous pourrions également évoquer le terme de « socle », les dispositions d'ordre public fixant des garanties « minimales » accordées aux salariés.
Champ de la négociation collective
2ème paragraphe proposé désormais pour les thèmes abordés par la loi travail, nous y retrouvons ce qui relève :
- D’un accord d'entreprise ou d'établissement ;
- Ou, à défaut, d’une convention ou d’un accord de branche.
Ce qui constitue, selon nous, une importante modification est le fait que de nouvelles dispositions du Code du travail font désormais primer l'accord d'entreprise ou d'établissement sur l'accord de branche étendu.
À titre d’exemple, en ce qui concerne le taux de majoration des heures supplémentaires, ce n’est qu’à défaut d'accord collectif d'entreprise ou d'établissement qu'un accord de branche peut fixer les taux applicables.
Les dispositions supplétives
3ème et dernier paragraphe présent au sein du code du travail.
Sur certains points, il peut arriver que la loi confie au contrat le soin de fixer certaines règles.
La publication que nous évoquons aujourd’hui confirme que la volonté du législateur, au sein de la réforme engagée par la loi travail, est de prévoir ce qui devra s'appliquer en l'absence de clauses figurant dans le contrat ou la convention.
Une autre définition de ce 3ème paragraphe serait de dire qu’en l'absence d'accord, les dispositions législatives « reprennent la main » sous la forme de mesures supplétives.
Autre présentation synthétique
Un autre résumé peut encore mieux éclairer la nouvelle hiérarchie.
Un sujet ou thème peut désormais donner lieu à articles qui :
- Fixent des règles impératives (règles d'ordre public) ;
- Indiquent ce qui relève au contraire d'un accord ou d'une convention (champ de la négociation collective) ;
- Prévoient des dispositions s'appliquant faute d'accord (dispositions supplétives).
QPC sur la loi travail
Ainsi que nous l’indiquions en préambule, c’est le 14 juin 2017 que le Conseil d’État a accepté de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC sur les dispositions supplétives suivantes :
- L’aménagement unilatéral du temps de travail sur une durée supérieure à la semaine ;
- La fixation des contreparties aux temps de restauration, de pause, d’habillage et de déplacement professionnel.
L’aménagement unilatéral du temps de travail sur une durée supérieure à la semaine
C’est donc le premier aspect visé par cette QPC.
L’article L 3121-45 du code du travail indique qu’en l’absence d’accord collectif sur le sujet, l’employeur peut mettre en place une répartition de la durée du travail, sur plusieurs semaines :
- Dans la limite de 9 semaines pour les entreprises employant moins de 50 salariés ;
- Et dans la limite de 4 semaines pour les entreprises de 50 salariés et plus.
Article L3121-45
A défaut d'accord mentionné à l'article L. 3121-44, l'employeur peut, dans des conditions fixées par décret, mettre en place une répartition sur plusieurs semaines de la durée du travail, dans la limite de neuf semaines pour les entreprises employant moins de cinquante salariés et dans la limite de quatre semaines pour les entreprises de cinquante salariés et plus.
La question posée et pour laquelle le Conseil d’État considère qu’elle présente un caractère sérieux, est de savoir si ces dispositions prévoyant des règles supplétives différentes selon l’effectif de l’entreprise ne portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Extrait décision Conseil d’État du 14 juin 2017 :
8. La confédération requérante critique aussi l'article L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 8 de la loi du 8 août 2016, qui dispose qu'à défaut d'un accord d'entreprise ou d'établissement, ou d'un accord de branche, mentionné à l'article L. 3121-44 du même code, et dans le respect tant des règles d'ordre public définies en ce domaine aux articles L. 3121-41 à L. 3121-43 du même code que de conditions fixées par décret, l'employeur peut " mettre en place une répartition sur plusieurs semaines de la durée du travail, dans la limite de neuf semaines pour les entreprises employant moins de cinquante salariés et dans la limite de quatre semaines pour les entreprises de cinquante salariés et plus ". La question de savoir si, en prévoyant des règles supplétives d'aménagement du temps de travail différentes selon le nombre de salariés de l'entreprise, ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présente un caractère sérieux
Précision importante : il a été renvoyé la question de la conformité, non pas d’un article (L. 3121-45) mais de toutes les dispositions concernant l’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine (ordre public+ champ de la négociation collective +dispositions supplétives), à savoir les articles L 3141-41 à L 3121-47.
La fixation des contreparties aux temps de restauration, de pause, d’habillage et de déplacement professionnel.
Autre aspect abordé par la QPC, l’article L 3121-8 du code du travail indique qu’en l’absence d’accord collectif sur le sujet :
- Le contrat de travail peut fixer la rémunération des temps de restauration et de pause ;
- Le contrat de travail prévoit soit d'accorder des contreparties aux temps d'habillage et de déshabillage, soit d'assimiler ces temps à du temps de travail effectif ;
- Les contreparties accordées au temps de déplacement professionnel, dépassant le temps habituel, sont déterminées par l'employeur après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent.
Article L3121-8
A défaut d'accords prévus aux articles L. 3121-6 et L. 3121-7 :
1° Le contrat de travail peut fixer la rémunération des temps de restauration et de pause ;
2° Le contrat de travail prévoit soit d'accorder des contreparties aux temps d'habillage et de déshabillage mentionnés à l'article L. 3121-3, soit d'assimiler ces temps à du temps de travail effectif ;
3° Les contreparties prévues au second alinéa de l'article L. 3121-7 sont déterminées par l'employeur après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent.
La raison pour laquelle le Conseil d’État transmet la QPC au conseil constitutionnel, est qu’en renvoyant ainsi au contrat de travail ou à la décision unilatérale de l’employeur la définition de ces contreparties, ces dispositions ne seraient-elles pas en train de porter atteinte aux droits et libertés garanties par la Constitution ?
Extrait décision Conseil d’État du 14 juin 2017 :
7. Toutefois, la Confédération générale du travail - Force ouvrière critique également les dispositions de l'article L. 3121-8 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'article 8 de la loi du 8 août 2016, qui renvoient, en l'absence des accords prévus aux articles L. 3121-6 et L. 3121-7 du même code, et dans le respect des garanties prévues aux articles L. 3121-1 à L. 3121-5 de ce code, au contrat de travail la fixation de la rémunération des temps de restauration et de pause, ainsi que la détermination des contreparties aux temps d'habillage et de déshabillage, et à la décision de l'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent, la définition des contreparties au temps de déplacement professionnel lorsqu'il excède le temps normal de trajet. La question de savoir si, en renvoyant ainsi au contrat de travail ou à la décision unilatérale de l'employeur la définition de ces contreparties, ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présente un caractère sérieux
Conseil d'État
N° 406987
ECLI:FR:CECHR:2017:406987.20170614(…)Lecture du mercredi 14 juin 2017 (…)
9. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée en tant qu'elle porte sur les articles L. 3121-1 à L. 3121-8 et L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'article 8 de la loi du 8 août 2016. En revanche, pour le surplus, le moyen tiré de ce que cet article porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.
D E C I D E :
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles L. 3121-1 à L. 3121-8 et L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'article 8 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Confédération générale du travail - Force ouvrière en tant qu'elle porte sur le surplus de l'article 8 de la loi du 8 août 2016.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Confédération générale du travail - Force ouvrière et à la ministre du travail.
Copie en sera adressée au Premier ministre.
Références
Conseil d'État N° 406987 ECLI:FR:CECHR:2017:406987.20170614, lecture du mercredi 14 juin 2017