Le Conseil constitutionnel valide le régime dérogatoire au contrat de travail en prison

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Dans une décision du 25 septembre 2015, rendue public le même jour, les sages du Conseil constitutionnel valide le régime dérogatoire au contrat de travail, issu de la loi du 24 novembre 2009 (loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire). 

Rappel des faits 

Saisine du 6 juillet 2015 

La décision que nous évoquons aujourd’hui résulte d’une saisine du 6 juillet 2015 par le Conseil d'État d'une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire. 

Extrait QPC 2015-485 :

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 juillet 2015 par le Conseil d'État (décision n° 389324 du 6 juillet 2015), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée pour M. (…), relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire

Rappel du contenu de l’article 33 de la loi 

L’article 33 de la loi 2009-1436 du 24/11/2009 indique que la participation des personnes détenues aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l'établissement d'un « acte d'engagement » par l'administration pénitentiaire. 

Cet acte d’engagement unilatéralement établi par l’administration pénitentiaire (qui n’est pas assimilable à un contrat de travail), signé par la suite par la personne détenue, énonce les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération.

Par voie de conséquence, le travail des personnes détenues en prison méconnait certains éléments comme par exemple :

  • Le respect d’une rémunération à hauteur du SMIC ;
  • Le droit aux congés payés ;
  • Le droit de grève. 

Extrait de la loi :

Article 33
La participation des personnes détenues aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l'établissement d'un acte d'engagement par l'administration pénitentiaire. Cet acte, signé par le chef d'établissement et la personne détenue, énonce les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération.
Il précise notamment les modalités selon lesquelles la personne détenue, dans les conditions adaptées à sa situation et nonobstant l'absence de contrat de travail, bénéficie des dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique prévues aux articles L. 5132-1 à L. 5132-17 du code du travail.
Dans le cadre de l'application du présent article, le chef d'établissement s'assure que les mesures appropriées sont prises afin de garantir l'égalité de traitement en matière d'accès et de maintien à l'activité professionnelle en faveur des personnes handicapées détenues.

La décision du Conseil constitutionnel

Travail en prison ≠ relation contractuelle 

Dans sa décision du 25 septembre 2015, le Conseil constitutionnel tient tout d’abord à rappeler que les personnes détenues et qui effectuent un travail en prison, ne sont pas placées dans une relation contractuelle avec l'administration pénitentiaire et que par suite, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté contractuelle est inopérant. 

L’acte d’engagement contient déjà des garanties 

Le Conseil constitutionnel souligne également le fait que l’acte d’engagement conclu par l’administration pénitentiaire et signé par le détenu, contient de nombreuses garanties prévues aux articles 22 et 33 de la loi de 2009 et au sein de l’article 717-3 du code de procédure pénale. 

Ainsi selon l’article 22 de la loi, l'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits.

L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes.

Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue.

Extrait de la loi :

Article 22
L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue.

D’autre part, l’article 33 de cette même loi de 2009, impose déjà à l’acte d’engagement de préciser les modalités selon lesquelles la personne détenue bénéficie des dispositions relatives à l’insertion par l’activité économique (articles L. 5132-1 à L. 5132-17 du Code du travail). 

Enfin, rappelle le Conseil constitutionnel, l’article 717-3 du Code de procédure pénale :

  • Prévoit, dans son 2ème alinéa qu'au «sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale aux personnes incarcérées qui en font la demande » ;
  • Permet dans son 3ème alinéa que « les détenus exercent des activités professionnelles à l'extérieur des établissements pénitentiaires»

Article 717-3

Modifié par LOI n°2009-1436 du 24 novembre 2009 - art. 32

Les activités de travail et de formation professionnelle ou générale sont prises en compte pour l'appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés.

Au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale aux personnes incarcérées qui en font la demande.

Les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail (1). Il peut être dérogé à cette règle pour les activités exercées à l'extérieur des établissements pénitentiaires.

Les règles relatives à la répartition des produits du travail des détenus sont fixées par décret. Le produit du travail des détenus ne peut faire l'objet d'aucun prélèvement pour frais d'entretien en établissement pénitentiaire.

La rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance défini à l'article L. 3231-2 du code du travail. Ce taux peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées.

Conclusion : le régime dérogatoire est conforme à la Constitution 

Dans sa QPC du 25 septembre 2015, le Conseil constitutionnel conclut que « L'article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est conforme à la Constitution. » 

C’est donc un cadre légal dérogatoire mais suffisant que juge ici le Conseil constitutionnel, tout en prenant soin de rappeler que le législateur doit assurer « la conciliation entre, d'une part, l'exercice de ces droits et libertés que la Constitution garantit et, d'autre part, l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public ainsi que les finalités qui sont assignées à l'exécution des peines privatives de liberté ».

Extrait QPC 2015-485 :

5. Considérant qu'il appartient au législateur de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux personnes détenues ; que celles-ci bénéficient des droits et libertés constitutionnellement garantis dans les limites inhérentes à la détention ; qu'il en résulte que le législateur doit assurer la conciliation entre, d'une part, l'exercice de ces droits et libertés que la Constitution garantit et, d'autre part, l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public ainsi que les finalités qui sont assignées à l'exécution des peines privatives de liberté ;  (…) 

10. Considérant, d'autre part, que le deuxième alinéa de l'article 717-3 du code de procédure pénale prévoit qu'« au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale aux personnes incarcérées qui en font la demande » ; que son troisième alinéa permet que les détenus exercent des activités professionnelles à l'extérieur des établissements pénitentiaires ; que les dispositions contestées imposent à l'acte d'engagement de la personne détenue de préciser les modalités selon lesquelles cette personne bénéficie des dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique prévues aux articles L. 5132-1 à L. 5132-17 du code du travail ; qu'elles prévoient également que le chef d'établissement pénitentiaire, dans le cadre de la garantie de l'égalité de traitement en matière d'accès et de maintien à l'activité professionnelle des détenus, prend les mesures appropriées en faveur des personnes handicapées détenues ; 

11. Considérant qu'il est loisible au législateur de modifier les dispositions relatives au travail des personnes incarcérées afin de renforcer la protection de leurs droits ; que, toutefois, en subordonnant à un acte d'engagement signé par le chef d'établissement et la personne détenue la participation de cette dernière aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires et en renvoyant à cet acte d'engagement le soin d'énoncer les droits et obligations professionnels du détenu, dans des conditions qui respectent les dispositions de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009 et sous le contrôle du juge administratif, les dispositions contestées ne privent pas de garanties légales les droits et libertés énoncés par les cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 dont sont susceptibles de bénéficier les détenus dans les limites inhérentes à la détention ; que par suite, le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant par elles-mêmes les droits et libertés qui découlent des cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 doit être écarté ;  

12. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté contractuelle, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ; 
13. Considérant que les personnes détenues ne sont pas placées dans une relation contractuelle avec l'administration pénitentiaire ; que par suite, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté contractuelle est inopérant ; 
14. Considérant que les dispositions de l'article 33 de la loi du 24 novembre 2009, qui ne méconnaissent ni le droit au respect de la dignité de la personne ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution,  

D É C I D E : 

Article 1er.- L'article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est conforme à la Constitution. 

Références

Extrait de la décision n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015 

Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, JO du 25 novembre 2009

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