Un salarié ne peut pas être à la fois mis à pied et victime d’un accident du travail

Jurisprudence
Paie Maintien employeur pour maladie, accident du travail, maladie professionnelle

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Cet article a été publié il y a 6 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

La présente affaire concerne une salariée engagée en qualité d'agent de propreté.

La salariée décède, le 24 février 2010, des suites d'un malaise dans les locaux de son employeur.

La CNAM compétente refuse de prendre en charge cet accident au titre de la législation professionnelle, au motif que l’accident s’était produit durant la mise à pied de la salariée et que cette dernière s’était rendue de son propre chef sur son lieu de travail.

M. Y..., en qualité de représentant légal de la fille mineure de la victime, saisit d'un recours une juridiction de sécurité sociale. 

Dans un premier temps, la Cour d’appel d'Aix-en-Provence donne raison au demandeur dans son arrêt du 23 mars 2016.

Elle relève en effet que :

  • L'accident avait eu lieu à 15h45 ;
  • Que la salariée, suite à la décision de son employeur de prononcer sa mise à pied, avait contacté la secrétaire élue du CHSCT de l'entreprise ;
  • Cette dernière lui avait alors proposé de se rendre sur son lieu de travail, afin d’examiner sa situation ;
  • Et que l'accident s'était produit alors qu'elle montait les escaliers de l'agence et que la salariée était décédée sur place malgré l'intervention d'un médecin anesthésiste réanimateur ;
  • De sorte que la salariée était présente au sein de l'entreprise, en raison de la procédure de mise à pied la concernant, accompagné par deux représentants du personnel. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour prendre en charge ce décès au titre de la législation professionnelle, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, relève que l'accident a eu lieu à 15h45 (…) ; que, suite à une décision de son chef d'exploitation de la mettre à pied, Mme X... a contacté la secrétaire élue du CHSCT de l'entreprise, Mme (…) , qui lui a proposé de venir à (…) pour examiner sa situation ; que l'accident s'est produit alors qu'elle montait les escaliers de l'agence ; qu'elle est décédée sur place malgré l'intervention d'un médecin anesthésiste réanimateur ; que Mme X... était présente au sein de l'entreprise, en raison de la procédure de mise à pied la concernant, accompagné par deux représentants du personnel ; 

Mais la Cour de cassation ne partage pas le même avis, considérant que le contrat de travail étant suspendu durant une mise à pied, la salariée ne pouvait être en même temps victime d’un accident du travail.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que la mise à pied suspend le contrat de travail et que l'intéressée s'était rendue de son propre chef au siège de l'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°16-17580

Outre les circonstances particulièrement « douloureuses » de la présente affaire, elle est pour nous l’occasion de rappeler les conséquences d’une mise à pied (qu’elle soit au passage disciplinaire ou conservatoire) sur le contrat de travail.

Mise à pied : conséquences

De façon synthétique, nous pouvons indiquer que la mise à pied :

  • Suspend le contrat de travail ;
  • Mais également le lien de subordination entre salarié et employeur ;
  • De sorte que tout accident qui se produit durant cette période ne peut avoir un caractère professionnel, qui permettrait une prise en charge dans le cadre d’un accident du travail. 

Une situation particulière

Vous devez en avoir l’habitude si vous consultez régulièrement (ce dont nous vous remercions au passage !) nos commentaires de jurisprudences, les « choses ne sont pas toujours simples ».

En d’autres termes, à chaque principe existant, une exception cohabite ! 

Ainsi un arrêt de la Cour de cassation du 11 juillet 1996 est assez remarquable à ce sujet…

Présentation de l’affaire 

Une salariée, alors en arrêt de travail, est victime d'une agression le 6 mars 1990 dans les locaux de l'entreprise.

La CPAM conteste le caractère professionnel de cet accident. 

La cour d’appel puis la Cour de cassation considèrent que cet accident doit être considéré comme « un accident du travail », la salariée se trouvant dans l’entreprise  afin de répondre à une convocation de l'employeur au siège de l'entreprise pour un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'ayant relevé que Mme X... avait été convoquée au siège de l'entreprise pour un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, ce dont il résultait qu'au moment des faits litigieux elle était sous la dépendance et l'autorité de l'employeur, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que l'accident devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 11 juillet 1996 
N° de pourvoi: 94-16485 Publié au bulletin 

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Commentaires

BJ
bruno JACQUET Posté il y a 6 ans
Elle est belle la justice française !

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