La Cour de cassation précise les conditions à remplir pour bénéficier du régime de protection en cas de mandat extérieur à l’entreprise

Jurisprudence
Rupture contrat de travail

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Cet article a été publié il y a 8 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Engagé par contrat de travail en date du 17 décembre 2002, à effet au 1er juillet 2003, un salarié est élu le 3 décembre 2008, en qualité de conseiller prud'homme par une association.

Le 28 avril 2009, l'association employant ce salarié est reprise par une fondation par voie de fusion-absorption. 

Par lettre du 30 juin 2009, il est licencié pour faute grave, sans qu'ait été sollicitée l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail.

Le salarié saisit la juridiction prud’homale afin que son licenciement soit considéré comme nul, compte tenu du statut protecteur dont il bénéficie. 

Dans son arrêt du 12 septembre 2013, la Cour d'appel de Paris donne raison au salarié.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour déclarer nul le licenciement et condamner l'employeur au versement de diverses sommes, l'arrêt énonce qu'il résulte de l'attestation de M. Y..., président de l'… jusqu'en septembre 2008, puis vice-président jusqu'au 30 avril 2009 ainsi que de l'attestation de Mme Z..., administratrice de l'association, que la direction était informée de la candidature puis de l'élection de M. X... ;

La Cour de cassation n’est pas du même avis, et casse et annule l’arrêt de la cour d’appel. 

Les juges estiment que la seule poursuite du contrat de travail par application de l'article L. 1224-1 du code du travail (que nous reproduisons ci-après)  n'a pas pour effet de mettre le nouvel employeur en situation de connaître l'existence d'une protection dont bénéficie un salarié en raison d'un mandat extérieur à l'entreprise.

C’est au salarié qui se prévaut d’un statut protecteur, d’informer son employeur de l’existence de ce mandat au plus tard :

  • Lors de l'entretien préalable au licenciement ;
  • Ou s’il s'agit d'une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l'acte de rupture ;
  • Ou d’être capable de prouver que le nouvel employeur en avait connaissance dans la présente affaire. 

L’affaire est donc renvoyée devant la Cour d’appel de Paris, autrement composée.

Extrait de l’arrêt : 

Attendu que la seule poursuite du contrat de travail par application de l'article L. 1224-1 du code du travail n'a pas pour effet de mettre le nouvel employeur en situation de connaître l'existence d'une protection dont bénéficie un salarié en raison d'un mandat extérieur à l'entreprise ; qu'il appartient dès lors au salarié qui se prévaut d'une telle protection d'établir qu'il a informé le nouvel employeur de l'existence de ce mandat au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, ou, s'il s'agit d'une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l'acte de rupture, ou que le nouvel employeur en avait connaissance ; 

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; 

Article L1224-1

Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Cour de cassation du , pourvoi n°13-25283

Profitons de la présente affaire pour rappeler quelques notions importantes concernant le régime de protection dont bénéficient les représentants du personnel, et plus précisément les bénéficiaires en tenant compte des nouveautés en vigueur depuis le 2 avril 2015.

Les bénéficiaires

Comme le rappelle une publication de Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre), le régime de protection en matière de rupture du contrat de travail est applicable au salarié qui bénéficie d’au moins 1 des statuts suivants :

  • Délégué syndical ;
  • Membre élu ou représentant syndical au comité d'entreprise ;
  • Délégué du personnel ou délégué inter-entreprises ;
  • Représentant du personnel au CHSCT ;
  • Conseiller prud'homal ;
  • Salarié mandaté par une organisation syndicale représentative,
  • Représentant de la Section Syndicale (RSS) ;
  • Candidat aux fonctions de délégués du personnel, de membre élu du comité d’entreprise ou du CHSCT ;
  • Salarié ayant demandé l'organisation d'élections ;
  • Représentant des salariés désigné dans le cadre d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire ;
  • Conseiller du salarié inscrit sur liste préfectorale pour les entretiens préalables aux licenciements ;
  • Salarié prouvant que l'employeur connaissait l'imminence de sa candidature ou de sa désignation. 

Précision importante : le régime de la protection est applicable au salarié titulaire comme au suppléant, que le mandat soit d'origine légale ou conventionnelle.

La liste légalement encadrée est fixée par les articles L 2411-1 et L 2411-2 que nous vous proposons ci-après. 

Extrait de la publication de la Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre), mise à jour du 10/04/2013

Bénéficiaires

La protection est applicable au salarié qui bénéficie d'au moins un des statuts suivants :

délégué syndical,

membre élu ou représentant syndical au comité d'entreprise (CE),

délégué du personnel ou délégué inter-entreprises,

représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT),

conseiller prud'hommes,

salarié mandaté par une organisation syndicale représentative,

représentant de la section syndicale (RSS),

candidat aux fonctions de délégués du personnel ou de membre élu du CE ou du CHSCT,

salarié ayant demandé l'organisation d'élections,

représentant des salariés désigné dans le cadre d'un redressement ou d'une liquidations judiciaire,

conseiller du salarié inscrit sur liste préfectorale pour les entretiens préalables aux licenciements,

salarié prouvant que l'employeur connaissait l'imminence de sa candidature ou de sa désignation.

À savoir : la protection est applicable au salarié titulaire comme au suppléant, que le mandat soit d'origine légale ou conventionnelle.

Article L2411-1 

Modifié par Ordonnance n°2012-1218 du 2 novembre 2012 - art. 3

Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants :

1° Délégué syndical ;

2° Délégué du personnel ;

3° Membre élu du comité d'entreprise ;

4° Représentant syndical au comité d'entreprise ;

5° Membre du groupe spécial de négociation et membre du comité d'entreprise européen ;

6° Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société européenne ;

6° bis Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société coopérative européenne ;

6° ter Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société issue de la fusion transfrontalière ;

7° Représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;

8° Représentant du personnel d'une entreprise extérieure, désigné au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail d'un établissement comprenant au moins une installation classée figurant sur la liste prévue au IV de l'article L. 515-8 du code de l'environnement ou mentionnée à l'article L. 211-2 du code minier ;

9° Membre d'une commission paritaire d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en agriculture prévue à l'article L. 717-7 du code rural et de la pêche maritime ;

10° Salarié mandaté, dans les conditions prévues à l'article L. 2232-24, dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ;

11° Représentant des salariés mentionné à l'article L. 662-4 du code de commerce ;

12° Représentant des salariés au conseil d'administration ou de surveillance des entreprises du secteur public, des sociétés anonymes et des sociétés en commandite par actions ;

13° Membre du conseil ou administrateur d'une caisse de sécurité sociale mentionné à l'article L. 231-11 du code de la sécurité sociale ;

14° Membre du conseil d'administration d'une mutuelle, union ou fédération mentionné à l'article L. 114-24 du code de la mutualité ;

15° Représentant des salariés dans une chambre d'agriculture, mentionné à l'article L. 515-1 du code rural et de la pêche maritime ;

16° Conseiller du salarié inscrit sur une liste dressée par l'autorité administrative et chargé d'assister les salariés convoqués par leur employeur en vue d'un licenciement ;

17° Conseiller prud'homme ;

18° Assesseur maritime, mentionné à l'article 7 de la loi du 17 décembre 1926 relative à la répression en matière maritime.

NOTA : 

Conformément à l'article 21 de l'ordonnance n° 2012-1218 du 2 novembre 2012, les dispositions de l'article L. 2411-1 entreront en vigueur selon des modalités fixées par décret, et au plus tard à compter du 1er janvier 2015.

Article L2411-2 

Bénéficient également de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, le délégué syndical, le délégué du personnel, le membre du comité d'entreprise, le représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, institués par convention ou accord collectif de travail.

Les élus locaux : nouveaux salariés protégés

LOI n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat, JO du 1er avril 2015

3 articles, désormais proposés dans leurs versions actualisées au 2 avril 2015, permettent d’identifier clairement les personnes visées par ce nouveau régime de protection. 

Maires et adjoints au maire 

Au sein du Code général des collectivités territoriales, l’article L 2123-9 est modifié par la loi 2015-366 du 31 mars 2015. 

Doivent être ainsi considérés comme salariés protégés, sous réserve qu’ils continuent qu’ils ne cessent pas d'exercer leur activité professionnelle :

  • Les maires ;
  • Les adjoints au maire des communes de 10.000 habitants au moins.

Article L2123-9

Modifié par LOI n°2015-366 du 31 mars 2015 - art. 8

Les maires, d'une part, ainsi que les adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins, d'autre part, qui, pour l'exercice de leur mandat, ont cessé d'exercer leur activité professionnelle, bénéficient, s'ils sont salariés, des dispositions des articles L. 3142-60 à L. 3142-64 du code du travail relatives aux droits des salariés élus membres de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Le droit à réintégration prévu à l'article L. 3142-61 du même code est maintenu aux élus mentionnés au premier alinéa du présent article jusqu'à l'expiration de deux mandats consécutifs.

L'application de l'article L. 3142-62 du code du travail prend effet à compter du deuxième renouvellement du mandat.

Lorsqu'ils n'ont pas cessé d'exercer leur activité professionnelle, les élus mentionnés au premier alinéa du présent article sont considérés comme des salariés protégés au sens du livre IV de la deuxième partie du code du travail.

Présidents et vice-présidents conseil départemental 

L’article L 3123-7 est modifié par la loi 2015-366 du 31 mars 2015. 

Doivent être ainsi considérés comme salariés protégés, sous réserve qu’ils continuent qu’ils ne cessent pas d'exercer leur activité professionnelle :

  • Le président ou les vice-présidents ayant délégation de l'exécutif du conseil départemental. 

Article L3123-7

Modifié par LOI n°2015-366 du 31 mars 2015 - art. 8

Le président ou les vice-présidents ayant délégation de l'exécutif du conseil départemental qui, pour l'exercice de leur mandat, ont cessé d'exercer leur activité professionnelle bénéficient, s'ils sont salariés, des dispositions des articles L. 3142-60 à L. 3142-64 du code du travail relatives aux droits des salariés élus membres de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Le droit à réintégration prévu à l'article L. 3142-61 du même code est maintenu aux élus mentionnés au premier alinéa du présent article jusqu'à l'expiration de deux mandats consécutifs.

L'application de l'article L. 3142-62 du code du travail prend effet à compter du deuxième renouvellement du mandat.

Lorsqu'ils n'ont pas cessé d'exercer leur activité professionnelle, les élus mentionnés au premier alinéa du présent article sont considérés comme des salariés protégés au sens du livre IV de la deuxième partie du code du travail.

Présidents et vice-présidents conseil régional 

Cette fois, c’est l’article L 4135-7 qui est modifié par la loi 2015-366 du 31 mars 2015. 

Doivent être ainsi considérés comme salariés protégés, sous réserve qu’ils continuent qu’ils ne cessent pas d'exercer leur activité professionnelle :

  • Le président ou les vice-présidents ayant délégation de l'exécutif du conseil régional. 

Article L4135-7

Modifié par LOI n°2015-366 du 31 mars 2015 - art. 8

Le président ou les vice-présidents ayant délégation de l'exécutif du conseil régional qui, pour l'exercice de leur mandat, ont cessé d'exercer leur activité professionnelle bénéficient, s'ils sont salariés, des dispositions des articles L. 3142-60 à L. 3142-64 du code du travail relatives aux droits des salariés élus membres de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Le droit à réintégration prévu à l'article L. 3142-61 du même code est maintenu aux élus mentionnés au premier alinéa du présent article jusqu'à l'expiration de deux mandats consécutifs.

L'application de l'article L. 3142-62 du code du travail prend effet à compter du deuxième renouvellement du mandat.

Lorsqu'ils n'ont pas cessé d'exercer leur activité professionnelle, les élus mentionnés au premier alinéa du présent article sont considérés comme des salariés protégés au sens du livre IV de la deuxième partie du code du travail.

Article L1111-1-1

Créé par LOI n°2015-366 du 31 mars 2015 - art. 2

Les élus locaux sont les membres des conseils élus au suffrage universel pour administrer librement les collectivités territoriales dans les conditions prévues par la loi. Ils exercent leur mandat dans le respect des principes déontologiques consacrés par la présente charte de l'élu local. 
Charte de l'élu local 
1. L'élu local exerce ses fonctions avec impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité. 
2. Dans l'exercice de son mandat, l'élu local poursuit le seul intérêt général, à l'exclusion de tout intérêt qui lui soit personnel, directement ou indirectement, ou de tout autre intérêt particulier. 
3. L'élu local veille à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d'intérêts. Lorsque ses intérêts personnels sont en cause dans les affaires soumises à l'organe délibérant dont il est membre, l'élu local s'engage à les faire connaître avant le débat et le vote. 
4. L'élu local s'engage à ne pas utiliser les ressources et les moyens mis à sa disposition pour l'exercice de son mandat ou de ses fonctions à d'autres fins. 
5. Dans l'exercice de ses fonctions, l'élu local s'abstient de prendre des mesures lui accordant un avantage personnel ou professionnel futur après la cessation de son mandat et de ses fonctions. 
6. L'élu local participe avec assiduité aux réunions de l'organe délibérant et des instances au sein desquelles il a été désigné. 
7. Issu du suffrage universel, l'élu local est et reste responsable de ses actes pour la durée de son mandat devant l'ensemble des citoyens de la collectivité territoriale, à qui il rend compte des actes et décisions pris dans le cadre de ses fonctions.

Conséquences… 

Sous réserve bien entendu qu’ils n’aient pas cessé toute activité salariale, les élus locaux deviennent les nouveaux salariés protégés.

Voilà ce qui devrait, selon nous, constituer la mesure emblématique de la présente loi : intégrer les élus locaux lorsqu’ils sont salariés à la liste des salariés dits « protégés ». 

Cela impliquera alors pour l’employeur le respect de nombreuses procédures comme :

  • L’accord de l’inspection de travail en cas de licenciement ;
  • Accord de l’inspection du travail et respect de procédure particulière en cas de rupture conventionnelle ;
  • Nécessité d’obtenir l’accord de l’inspection du travail en cas de rupture anticipée d’un contrat CDD mais également d’arrivée à son terme ;
  • Etc.

Extrait de la loi :

Article 8
Le même code est ainsi modifié :
1° A l'article L. 2123-9, le nombre : « 20 000 » est remplacé par le nombre : « 10 000 » ;
2° Les articles L. 2123-9, L. 3123-7 et L. 4135-7 sont complétés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le droit à réintégration prévu à l'article L. 3142-61 du même code est maintenu aux élus mentionnés au premier alinéa du présent article jusqu'à l'expiration de deux mandats consécutifs.
« L'application de l'article L. 3142-62 du code du travail prend effet à compter du deuxième renouvellement du mandat.
« Lorsqu'ils n'ont pas cessé d'exercer leur activité professionnelle, les élus mentionnés au premier alinéa du présent article sont considérés comme des salariés protégés au sens du livre IV de la deuxième partie du code du travail. » ;
3° Au premier alinéa de l'article L. 2511-33, après la référence : L. 2123-8, », est insérée la référence : « L. 2123-9, ».

  • Une précision attendue… 

Selon nous, il conviendrait de connaitre la durée de la période de protection : au titre du mandat, ou bien au titre du mandat + xx mois ?

  • Entrée en vigueur : 

Sans disposition de la loi, le régime de protection dont vont bénéficier désormais les élus locaux, au titre de salariés protégés, s’applique à compter du 2 avril 2015 (lendemain de la publication de la loi au JO).

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