Contexte de l'affaire
À la suite de sa mise à la retraite à l’initiative de l’employeur, un salarié a saisi le conseil de prud’hommes afin d’obtenir le versement de l’indemnité afférente à la rupture de son contrat de travail.
En défense, l’employeur a opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action, soutenant que le délai biennal avait commencé à courir dès la notification de la décision de mise à la retraite, de sorte que la demande présentée par le salarié était, selon lui, tardive.
La cour d’appel a fait droit à cette argumentation, retenant un point de départ de la prescription antérieur à la date de rupture effective du contrat de travail.
Le salarié s’est alors pourvu en cassation, reprochant aux juges du fond d’avoir méconnu les dispositions applicables du Code du travail. Il soutenait que le droit à l’indemnité de rupture ne naît et ne devient exigible qu’à la date à laquelle la rupture produit effectivement ses effets.
La question soumise à la Cour de cassation portait ainsi sur la détermination du point de départ du délai de prescription de l’action en paiement de l’indemnité de mise à la retraite, et sur le point de savoir si la cour d’appel avait procédé à une application erronée de la loi.
Extrait de Cour de Cassation sociale du 10 décembre 2025, n° 24-12.066
"Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1471-1, alinéa 2, du code du travail et l'article 224.2 de la convention collective nationale des pompes funèbres :
14. Aux termes du premier de ces textes, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
15. En cas de mise à la retraite du salarié, la rupture du contrat de travail intervient à la date d'expiration du contrat de travail et non lors de la notification de la décision de l'employeur.
16. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance, objet de la demande, l'action en paiement d'un rappel d'indemnité de mise à la retraite d'un salarié par son employeur, qui a une nature indemnitaire et non salariale, est soumise au délai de prescription de douze mois.
17. Selon le second des textes susvisés, lorsque l'initiative de la mise à la retraite a été prise par l'employeur, le salarié bénéficie, au moment de son départ, d'une indemnité de mise à la retraite égale à la moitié du montant qu'aurait atteint, à la même date, l'indemnité de licenciement conventionnelle, telle que définie à l'article 223.2, sans pouvoir être inférieure à l'indemnité légale de licenciement. L'indemnité est calculée sur la moyenne de la rémunération brute des douze derniers mois complets précédant le départ à la retraite.
18. Il résulte de ce qui précède que le point de départ du délai de prescription applicable à la demande en paiement de l'indemnité conventionnelle de mise à la retraite formée par le salarié est la date de la rupture du contrat de travail.
19. Pour dire la demande en paiement d'un rappel d'indemnité de mise à la retraite irrecevable, l'arrêt retient que l'indemnité de mise à la retraite, qui n'a pas une nature salariale, mais indemnitaire, est soumise à la prescription annale définie par l'article L. 1471-1 du code du travail courant à compter de la notification de la rupture, soit le 20 janvier 2020, et non à compter du 20 mai 2020, de sorte que la prescription était acquise au jour de la saisine par le salarié de la juridiction prud'homale, le 1er février 2021.
20. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher la date de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés."
Décision de la Cour
La Cour de cassation rappelle que, conformément aux règles générales de prescription des actions portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail, le délai de prescription commence à courir à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. En matière de mise à la retraite à l’initiative de l’employeur, la Haute juridiction précise que la rupture du contrat de travail intervient à la date de son expiration effective.
La Cour se fonde sur les dispositions relatives à la prescription des actions en paiement de sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail, ainsi que sur les règles encadrant la mise à la retraite. Elle en déduit que l’indemnité de mise à la retraite, qui est directement liée à la rupture du contrat, devient exigible à la date à laquelle le contrat prend fin. Dès lors, le délai de prescription de l’action en paiement ne peut courir qu’à compter de cette date de rupture et non à une date antérieure telle que celle de la décision de mise à la retraite ou de sa notification au salarié.
En statuant ainsi, la Cour écarte toute interprétation anticipée du point de départ de la prescription et retient un critère objectif et unique : la date effective de fin du contrat de travail.
Impact en paie
Cette décision sécurise le traitement des mises à la retraite en paie en apportant un repère clair pour le calcul des délais de prescription. Le point de vigilance porte sur la date réelle de fin de contrat, qui conditionne à la fois le versement de l’indemnité et le point de départ du délai de contestation. Une erreur d’appréciation sur cette date peut exposer l’employeur à un contentieux tardif ou, à l’inverse, à une prescription mal opposée.