Maladie professionnelle : la rigueur des délais de la CPAM confirmée

Jurisprudence
Paie Maladie professionnelle

Un récent arrêt de la Cour de cassation en matière de maladie professionnelle rappelle aux employeurs l'importance des délais de procédure et que les jours non ouvrés ne sont pas une excuse pour contester la décision de la CPAM.

Publié le
Temps de lecture 4 min.
Télécharger en PDF

Contexte de l'affaire

Dans cette affaire, un salarié avait déclaré une maladie professionnelle au titre du tableau n° 57. La CPAM des Côtes-d’Armor avait engagé la procédure d’instruction prévue par l’article R. 461-9 du Code de la sécurité sociale. L’employeur avait été informé qu’il pouvait consulter le dossier et formuler ses observations sur une période fixée du 25 mai au 5 juin 2020. Passé ce délai, la caisse précisait que le dossier resterait consultable, mais sans possibilité d’observations supplémentaires.

Le 8 juin 2020, soit trois jours après la clôture de la période d’observations, la CPAM a pris sa décision de prise en charge. L’employeur a contesté cette décision en justice, invoquant qu’il n’avait pas eu de réelle possibilité de consulter à nouveau le dossier, les 6 et 7 juin étant un samedi et un dimanche. Selon lui, cette absence de jours ouvrés disponibles rendait la décision inopposable.

La cour d’appel avait accueilli l’argumentation de l’employeur et jugé la décision inopposable. La CPAM a alors formé un pourvoi.

Extrait du Pourvoi n° P 23-18.826

" Réponse de la Cour

Vu l'article R. 461-9, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-356 du 23 avril 2019, applicable au litige :

4. Selon ce texte, à l'issue des investigations qu'il prévoit, la caisse met le dossier à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief. La victime ou ses représentants et l'employeur disposent d'un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l'employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d'observations. La caisse informe la victime ou ses représentants et l'employeur des dates d'ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation.

5. Pour dire la décision de prise en charge inopposable à la société, l'arrêt relève qu'aux termes d'un courrier du 24 février 2020 adressé à cette dernière, la caisse énonce que des investigations sont nécessaires afin de déterminer le caractère professionnel de la maladie déclarée, que la société doit compléter, sous trente jours, un questionnaire, que lorsque l'étude du dossier sera terminée, la société aura la possibilité d'en consulter les pièces et de formuler ses observations du 25 mai au 5 juin 2020, et qu'au-delà de cette date, le dossier restera consultable jusqu'à la décision de l'organisme. L'arrêt relève encore qu'il résulte de ce courrier que la décision sera adressée à la société, au plus tard, le 12 juin 2020, et qu'il est constant que la caisse a pris en charge la maladie professionnelle par décision du 8 juin 2020. Il ajoute que la caisse a informé la société de la possibilité de consulter le dossier au delà du 5 juin 2020 et jusqu'à la date de sa décision. Il retient que cependant, la caisse n'a pas laissé à la société cette possibilité effective, dès lors que le début de la seule période de consultation est le 6 juin 2020 qui correspond à un samedi, que le 7 juin 2020 correspond à un dimanche et que la décision a été prise le 8 juin 2020, la société ne disposant ainsi d'aucun jour effectif de consultation. Il en déduit que la caisse n'a pas respecté les dispositions de l'article R. 461-9, III, du code de la sécurité sociale, s'agissant de la possibilité pour l'employeur de consulter le dossier sans formuler d'observations jusqu'à la décision de prise en charge.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait, d'une part, que la société avait été informée des dates d'ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle elle pouvait consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle elle pouvait formuler des observations, au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation, d'autre part, que la décision de prise en charge était intervenue à l'expiration du délai de dix jours francs ouvert à l'employeur pour consulter le dossier et faire connaître ses observations, de sorte que la caisse avait satisfait aux obligations mises à sa charge par le texte susvisé, la cour d'appel a violé ce dernier."

Cour de cassation du , pourvoi n°P 23-18.826

Décision de la Cour

La Cour de cassation casse et annule l'arrêt de la cour d'appel. Elle rappelle que le code de la sécurité sociale impose à la CPAM de laisser à l'employeur un délai de 10 jours francs pour consulter le dossier et formuler des observations. Au-delà de ce délai, l'employeur peut continuer de consulter le dossier, mais sans pouvoir y formuler d'observations.

La Cour de cassation estime que la CPAM a parfaitement respecté ses obligations en informant la société des dates de consultation et en rendant sa décision après l'expiration du délai de 10 jours francs. Le fait que la période de consultation sans observations tombe un week-end (samedi et dimanche) avant la prise de décision n'est pas une violation des droits de l'employeur. La Cour juge que l'ajout d'une obligation de consultation effective en dehors des jours non ouvrés n'est pas prévue par la loi. La CPAM avait donc bien respecté la procédure.

Impact en paie

Cet arrêt met en lumière le caractère rigide et strict des délais en matière de droit de la sécurité sociale.

La principale conséquence de la reconnaissance d'une maladie professionnelle est l'impact sur le taux de cotisation accident du travail et maladie professionnelle (AT/MP). Chaque sinistre (maladie professionnelle ou accident du travail) reconnu peut entraîner une augmentation du taux de cotisation de l'entreprise, ce qui représente un coût significatif.

En somme, cette décision de la Cour de cassation rappelle aux employeurs l'importance de la réactivité. Ils doivent se saisir du délai de 10 jours francs pour consulter le dossier de la CPAM. Une fois ce délai passé, même si le dossier reste techniquement consultable, l'employeur ne peut plus ajouter d'observations. Cet arrêt valide la procédure de la CPAM et limite les recours des employeurs qui tenteraient de se fonder sur une non-consultation du dossier pour obtenir l'inopposabilité de la décision.