Contexte de l'affaire
Des salariés d’un groupe du secteur informatique n’ont pas pu bénéficier des actions gratuites qui leur avaient été attribuées, leur contrat de travail ayant été transféré à un repreneur avant la fin de la période d’acquisition. Le plan annuel prévoyait expressément l’annulation des actions non acquises en cas de départ, sauf exceptions (retraite, invalidité, décès). Les intéressés estimaient que l’employeur avait délibérément organisé ce transfert dans le but de les exclure du plan et réclamaient des dommages-intérêts pour perte de chance.
Extrait de l'arrêt :
8. D'abord, selon l'article L. 225-197-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 en vigueur du 8 août 2015 au 24 mai 2019, applicable au litige, l'attribution d'actions gratuites aux salariés et mandataires sociaux des sociétés par actions, intervient dans le cadre d'un plan qui doit définir, d'une part, une période d'acquisition des droits, d'une durée d'un an au minimum, au terme de laquelle le bénéficiaire devient propriétaire des actions, d'autre part, une période de conservation, d'une durée minimum de deux ans en principe, pendant laquelle le bénéficiaire ne peut pas vendre les actions, même s'il en est propriétaire.
9. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le bénéficiaire n'acquiert définitivement les actions attribuées qu'à l'issue d'une période d'acquisition et sous réserve de remplir les conditions librement fixées par le plan d'attribution d'actions gratuites, d'autre part, que la distribution d'actions gratuite aux salariés, qui a pour objet de les fidéliser ou de leur permettre de se constituer un portefeuille de valeurs mobilières, ne constitue pas la contrepartie d'un travail et n'a donc pas la nature juridique d'un élément de rémunération.
10. Ensuite, aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
11. Il en résulte que le salarié qui n'a pu, du fait du transfert légal de son contrat de travail intervenu avant le terme de la période d'acquisition, se voir attribuer de manière définitive des actions gratuites, ne peut revendiquer aucune indemnisation pour la perte de chance d'avoir pu les acquérir, sauf à démontrer une fraude de l'employeur dans le recours à l'article L. 1224-1 du code du travail.
12. La cour d'appel a d'abord relevé que, le 1er juillet 2017, la société Newco, devenue Renault Software Labs, avait repris l'activité « recherche et développement des logiciels embarqués » exploitée par les sociétés Intel Mobile Communications France et Intel Corporation, date à compter de laquelle les contrats de travail des salariés affectés à cette activité s'étaient poursuivis avec le repreneur.
13. Elle a ensuite constaté que le plan annuel d'attribution des actions RSU de la société mère aux Etats-Unis, juridiquement distincte de l'employeur, s'agissant non pas d'une partie de la rémunération mais d'un avantage distinct, prévoyait expressément : « si votre emploi auprès de la société s'achève, pour quelque raison que ce soit (y compris en cas de cessation d'activité, volontairement ou involontairement, sauf en cas de décès, de handicap (défini ci-après) ou de retraite (définie ci-après), tous les RSU qui n'ont pas été acquises seront annulées à la date de la fin de contrat ».
14. Elle a encore relevé que les salariés avaient été informés individuellement de ce que les actions gratuites non définitivement acquises étaient annulées en cas de départ de l'entreprise.
15. De ces constatations et énonciations, dont il ressortait que l'emploi des intéressés auprès de la société s'était achevé en raison du transfert de plein droit de leur contrat de travail au nouvel employeur, la cour d'appel a exactement déduit qu'ils ne pouvaient revendiquer aucune indemnisation d'une perte de chance du fait de l'impossibilité d'acquérir les actions RSU attribuées jusqu'en 2016.
16. Le moyen, qui en sa quatrième branche est inopérant comme s'attaquant à des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.
Décision de la Cour de cassation
La Cour d’appel de Toulouse a rejeté leur demande, décision confirmée par la Cour de cassation. Elle rappelle que les salariés avaient été informés de la clause de présence et que le transfert de leur contrat résultait de l’application automatique de l’article L. 1224-1 du Code du travail. Faute de démonstration d’une fraude, les juges estiment que les salariés ne peuvent être indemnisés pour la non-acquisition d’actions gratuites, qui ne constituent pas un élément de rémunération.
L'impact en paie
Cette décision rappelle que les attributions gratuites d’actions (AGA) ne constitue pas un mode de rémunération. Le salarié qui perd le bénéfice d’actions gratuites en raison de la rupture de son contrat avant la date d’acquisition ne peut être indemnisé que s’il prouve une faute de l’employeur. En effet, la condition de présence fixée dans le plan est légale, et les actions gratuites n’ayant pas la nature d’un élément de rémunération, seule une faute avérée peut engager la responsabilité de l’employeur.