L’action en résiliation judiciaire peut être introduite tant que le contrat n’est pas rompu

Jurisprudence
Paie Rupture contrat de travail

L’action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être introduite tant que ce contrat n'a pas été rompu, quelle que soit la date des faits invoqués au soutien de la demande.

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Une salariée est engagée en qualité de conseiller clientèle le 20 août 1990 par une banque.


A compter du 23 juin 2000, le contrat de travail de la salariée a été suspendu.

Le 2 février 2009, la salariée est placée en invalidité deuxième catégorie, puis en invalidité première catégorie à compter du 1er mai 2011, mais par jugement du 5 janvier 2012, le tribunal du contentieux de l'incapacité a reconnu son incapacité à exercer une profession et son classement en invalidité deuxième catégorie rétroactivement à compter du 1er mai 2011.

Le 26 mars 2015, la salariée saisit la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur. 

La cour d'appel de Paris, par arrêt du 7 avril 2021, déboute la salariée de sa demande.

La cour d’appel argument de la façon suivante : 

  • L’employeur est tenu d'organiser la visite de reprise devant le médecin du travail dès lors que le salarié l'informe de son classement en invalidité de deuxième catégorie, sans manifester l'intention de ne pas reprendre le travail ;
  • Il résulte du courrier adressé à la salariée le 23 février 2009 que l'employeur avait connaissance du classement en invalidité de deuxième catégorie, de sorte qu'à compter de cette date il était tenu à l'obligation d'organiser la visite de reprise, qui constitue le point de départ du délai de prescription ;
  • Il s’en déduit que, par application des dispositions transitoires de la loi du 14 juin 2013, la durée totale de la prescription ne peut pas excéder le délai de 5 années en vigueur au moment du point de départ du délai, de sorte que le délai a effectivement expiré le 23 février 2014 et que la prescription était acquise lors de l'introduction de l'instance le 26 mars 2015.

Mais la salariée décide de se pourvoir en cassation.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée. 

Elle confirme à cette occasion que :

  • La cour d’appel devait examiner le bien-fondé de la demande de résiliation judiciaire, peu important la date des griefs invoqués au soutien de cette demande.

Elle ajoute également que : 

  • L’action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être introduite tant que ce contrat n'a pas été rompu ;
  • Quelle que soit la date des faits invoqués au soutien de la demande.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1231-1 du code du travail :

  1. Selon ce texte, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord.
  1. Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison des manquements de son employeur à ses obligations, suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
  1. La Cour de cassation juge que, saisi d'une telle demande, le juge doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté (Soc., 30 juin 2021, pourvoi n° 19-18.533, Bull.).
  1. Il en résulte que l'action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être introduite tant que ce contrat n'a pas été rompu, quelle que soit la date des faits invoqués au soutien de la demande.
  1. Pour déclarer irrecevable comme étant prescrite l'action en résiliation judiciaire du contrat de travail formée par la salariée, l'arrêt retient que l'employeur est tenu d'organiser la visite de reprise devant le médecin du travail dès lors que le salarié l'informe de son classement en invalidité de deuxième catégorie, sans manifester l'intention de ne pas reprendre le travail. Il ajoute qu'il résulte du courrier adressé à la salariée le 23 février 2009 que l'employeur avait connaissance du classement en invalidité de deuxième catégorie, de sorte qu'à compter de cette date il était tenu à l'obligation d'organiser la visite de reprise, qui constitue le point de départ du délai de prescription. Il en déduit que, par application des dispositions transitoires de la loi du 14 juin 2013, la durée totale de la prescription ne peut pas excéder le délai de cinq années en vigueur au moment du point de départ du délai, de sorte que le délai a effectivement expiré le 23 février 2014 et que la prescription était acquise lors de l'introduction de l'instance le 26 mars 2015.
  1. En statuant ainsi, alors qu'elle devait examiner le bien-fondé de la demande de résiliation judiciaire, peu important la date des griefs invoqués au soutien de cette demande, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°21-25973

La Cour de cassation aborde assez régulièrement la résiliation judiciaire du contrat de travail, voici un rappel de quelques arrêts commentés sur notre site : 

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Références

Pas de résiliation judiciaire en cas d’inaptitude et de reprise de paiement des salaires

Cour de cassation du 2 octobre 2019, pourvoi n° 18-12168

Le non-respect du principe « à travail égal, salaire égal » peut justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail

Cour de cassation du 2 juin 2021, pourvoi n° 19-20449

Un contrat rompu par adhésion au CSP ne peut faire l’objet d’une résiliation judiciaire

Cour de cassation du 20 octobre 2021, pourvoi n° 19-24596

Une convention de forfait nulle ne suffit pas à justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail

Cour de cassation du 2 mars 2022, pourvoi n° 20-11092

Une résiliation judiciaire du contrat de travail motivée par un état d’épuisement

Cour de cassation du 12 juillet 2022, pourvoi n° 20-23367

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