L’ancienneté ne peut écarter, à elle seule, le caractère grave d’un licenciement

Jurisprudence
Paie Licenciement

Une cour d’appel ne saurait écarter le caractère grave d’un licenciement, retenant pour cela la seule ancienneté importante du salarié concerné.

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Un salarié est engagé le 6 décembre 2010 en qualité de directeur général par une association.

Il est licencié pour faute grave le 30 juin 2016.

Contestant le bien-fondé de cette mesure disciplinaire, le salarié saisit le 8 décembre 2016 la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Par arrêt du 28 octobre 2020, la cour d’appel de Paris, donne raison partiellement au salarié, indiquant que : 

  • Doit être retenu la « cause réelle et sérieuse » pour qualifier le licenciement du salarié ;
  • Compte tenu du fait que le mode de management trop brutal et méprisant reproché au salarié, matériellement démontré, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif disciplinaire mais écarte la faute grave alléguée par l'employeur, considérant qu'il n'est pas établi que cette situation était de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail pendant le préavis, alors que ce directeur était en fonction depuis plus de cinq ans. 

La Cour de cassation ne partage pas cet avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

La Cour de cassation indique en effet que : 

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. 

Une cour d’appel ne saurait écarter le caractère grave en :

  • Retenant, à lui seul, l’ancienneté du salarié insuffisant à lui seul à écarter la qualification de faute grave ;
  • Alors qu’il avait été constaté une pratique par le salarié d’un mode de management de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés, ce dont il résulte que l’intéressé a commis une faute rendant impossible son maintien dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis.

Extrait de l’arrêt : 

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, le dernier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

  1. Il résulte de ces textes que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
  2. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient que le mode de management trop brutal et méprisant reproché au salarié, matériellement démontré, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif disciplinaire mais écarte la faute grave alléguée par l'employeur, considérant qu'il n'est pas établi que cette situation était de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail pendant le préavis, alors que ce directeur était en fonction depuis plus de cinq ans.
  3. En statuant ainsi par un motif tiré de l'ancienneté insuffisant à lui seul à écarter la qualification de faute grave alors qu'il résultait de ses constatations la pratique par le salarié d'un mode de management de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés, ce dont il résultait que l'intéressé avait commis une faute rendant impossible son maintien dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association (…) à payer à M. [V] les sommes de 42 338,57 euros à titre d'indemnité de licenciement, de 45 608,20 euros à titre d'indemnité de préavis et de 4560,82 euros au titre des congés payés afférents et en ce qu'il statue sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu le 28 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°21-11535

L’affaire présente est pour nous l’occasion de rappeler quelques principes généraux concernant le licenciement pour faute grave. 

Les informations que nous vous communiquons sont extraites d’une de nos fiches pratiques proposées au sein de notre pack consacré au licenciement. 

La faute grave

Lorsque l’on évoque le licenciement disciplinaire, la notion de « faute grave » est régulièrement abordée.

Pas de définition légale à ce sujet, mais la jurisprudence retient à ce niveau quelques notions fondamentales :

  • La faute grave correspond à des faits imputables au salarié qui constitue une violation du contrat de travail ;
  • La faute grave ne permet pas le maintien du salarié sur son lieu de travail (le licenciement est alors prononcé sans préavis).

Quelques exemples d’arrêts de la Cour de cassation :

Situations concernées

Faute grave reconnue par la Cour de cassation ?

Licenciement pour avoir donné des codes informatiques à une personne non habilitée

OUI 

Cour de cassation du 5/07/2011 N° de pourvoi : 10-14685

Licenciement suite à des absences multiples dont une pour laquelle le motif invoqué est mensonger

OUI

Cour de cassation 5/07/2011 N° de pourvoi : 10-11776

Licenciement pour faits fautifs répétés.

OUI

Cour de cassation 19/01/2011 Pourvoi 09-42387

Licenciement pour avoir passé une bonne partie de son temps de travail sur des sites de charme.

OUI

Cour de cassation 21/09/2011 N° de pourvoi: 10-14869

Licenciement d’une salariée engagée en qualité d’agent de service hospitalier dans une clinique et qui prononce des insultes à des malades.

OUI

Cour de cassation 21/06/2011 Pourvoi 10-30239

Licenciement pour avoir tenté de gifler son patron.

OUI 

Cour de cassation 21/09/2011

 Pourvoi 10-14179

Licenciement pour avoir refusé d’assumer de nouvelles fonctions (le salarié considérant qu’il s’agissait en l’espèce d’une modification unilatérale de son contrat de travail).

OUI 

Cour de cassation 22/06/2011 N° de pourvoi : 10-11718

Licenciement d’un joueur de football professionnel pour avoir tenu des propos insultants vis-à-vis de son entraîneur, qui de son côté en avait fait de même.

NON

Cour de cassation 28/04/2011 Pourvoi 10-30107 F-PB

Licenciement pour imitation de signatures sur des feuilles de présence, la salariée indiquant qu’il s’agissait d’une pratique « habituelle » et qu’elle l’avait fait avec l’accord des personnes présentes.

NON

Cour de cassation 5/07/2011 Pourvoi : 10-15058

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