L’employeur peut indiquer des motifs différents dans la lettre de licenciement

Jurisprudence
Paie Indemnité de licenciement

Un employeur, à condition de respecter les règles applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans les lettres de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, issus de faits distincts.

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Un salarié est engagé le 1er juillet 2009 en qualité d'ingénieur commercial.

Il est licencié le 17 juillet 2014 pour insuffisance professionnelle et faute grave.

Contestant son licenciement, le salarié saisit la juridiction prud'homale.

Par arrêt du 29 janvier 2020, la cour d'appel de Paris, donne raison au salarié. 

Elle considère le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Mais la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée. 

La Cour de cassation estime en effet que : 

Un employeur, à condition de respecter les règles applicables à chaque cause de licenciement, peut :

  • Invoquer dans les lettres de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1232-6 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article L. 1235-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

4. L'employeur, à condition de respecter les règles applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans les lettres de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts.

5. Pour dire que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir rappelé que la lettre de licenciement visait deux cas de licenciement, une insuffisance professionnelle et une faute, et examiné les éléments de fait et de preuve versés au débat, retient que si le grief d'insuffisance professionnelle est établi, celui fondé sur une faute grave n'est pas démontré et fait droit à la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

6. En se déterminant ainsi, après avoir constaté que le motif d'insuffisance professionnelle était établi, sans rechercher si ce motif ne pouvait constituer une cause sérieuse de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquence de la cassation

7. La cassation prononcée n'atteint ni les chefs de dispositif confirmant le jugement rendu le 5 juin 2018 en ce qu'il dit que le licenciement ne repose pas sur une faute grave, condamne l'employeur à payer au salarié diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité compensatrice de congés payés, ni les chefs de dispositif condamnant l'employeur à payer au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaires et de congés payés afférents, rejetant la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour préjudice financier et condamnant l'employeur à lui remettre, sans astreinte, un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la décision et ceux relatifs aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile qui ne sont pas dans un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de M. [J] sans cause réelle et sérieuse et condamne la société (…) à payer à M. [J] la somme de 38 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 29 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°20-14408

Plusieurs cas peuvent conduire à considérer le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Voici un extrait de notre fiche pratique exclusivement consacré à cette thématique. 

Les raisons d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Il existe plusieurs raisons pour lesquelles le licenciement peut être considéré sans cause réelle et sérieuse :

  • Lorsque le motif énoncé dans la lettre de licenciement n’est pas valable ;
  • Le motif du licenciement repose sur des faits dont l’existence reste douteuse pour les juges ;
  • Le motif du licenciement n’est pas suffisamment grave pour rompre le contrat de travail ;
  • L’absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement.

Les raisons d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse : cas particuliers

Selon la Cour de cassation, certaines règles de procédure s’apparentent à des « règles de fond ».

C’est ainsi que des licenciements qui semblent être « irréguliers », et pour lesquels les règles de procédure non respectées sont de très grande importance, deviennent réellement des licenciements sans cause réelle et sérieuse.

Les exemples qui peuvent être proposés sont les suivants :

Le licenciement pour motif disciplinaire est prononcé plus d’un mois après l’entretien préalable 

Dans ce cas, c’est l’article L 1332-2 du code du travail qui n’est pas respecté.

Article L1332-2

Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 48

Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé. 

La Cour de cassation s’est également prononcée sur cette situation particulière.  

Cour de cassation du 16/03/1995, pourvoi 90-41213

Cour de cassation du 21/03/2000 pourvoi 98-40345

Notification imprécise du licenciement

Cour de cassation du 29/11/1990 pourvoi 88-44308

Cour de cassation du 17/01/2001, pourvoi 98-46447

Licenciement « verbal » 

Cour de cassation du 30/09/1992 pourvoi 88-44080

Licenciement notifié à la mauvaise adresse 

Précisons dans ce cas, que l’erreur commise est du fait de l’employeur. 

Cour de cassation du 7/07/2004 pourvoi 02-43100

Le non-respect de certaines procédures conventionnelles 

Concrètement, sont visées certaines procédures prévues par la convention collective applicable dans l’entreprise.

La Cour de cassation considère alors qu’il ne s’agit pas d’une irrégularité de procédure (dans ce cas, le licenciement serait considéré comme irrégulier) mais bel et bien d’un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse.

Les exemples sont nombreux, nous vous proposons les références suivantes :

Cour de cassation du 5/03/2010, pourvoi 08-42844 ;

Cour de cassation du 21/10/2008, pourvoi 07-42170 ;

Cour de cassation du 18/05/2011, pourvoi 09-72787 ;

Cour de cassation du 27/03/2013, pourvoi 11-20737.

Le non-respect de l’engagement de l’employeur lors d’un licenciement économique 

La Cour de cassation vient de se prononcer à ce sujet, très récemment.

L’affaire concernait un salarié qui avait adhéré à une convention de congé de reconversion après avoir signé un protocole d’accord stipulant qu’un cabinet de reclassement devait proposer au minimum 3 offres d’emploi valables par salarié.

Licencié au terme du congé de conversion, sans avoir eu d’offres d’emploi, le salarié saisit la juridiction prud’homale.

La Cour de cassation considère que le licenciement est alors dépourvu de cause réelle et sérieuse. 

Cour de cassation du 30/09/2013 pourvoi 12-13439 

Nota : depuis les ordonnances Macron, l’irrégularité de procédure (sauf exceptions) ne conduit plus à la reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais à un licenciement irrégulier. 

Lettre de licenciement signée par une personne étrangère à l’entreprise 

Prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, celui pour lequel la lettre de licenciement est signée par une personne étrangère à l’entreprise.

Cour de cassation du 26/04/2006, pourvoi 04-42860

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