CDD à objet défini : quand la rupture avant réalisation de l’objet devient abusive

Jurisprudence
Paie CDD à objet défini

La rupture d’un CDD à objet défini, avant réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu, hors les cas légalement admis, doit être considérée comme abusive.

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Une salariée est engagée, le 1er février 2009 en qualité de cadre administratif, suivant contrat à durée déterminée à objet défini d'une durée prévisionnelle de 36 mois.

Le 18 mai 2010, l'employeur adresse à la salariée une lettre l'informant de la fin de son contrat de travail en raison de la réalisation de son objet en lui précisant qu'elle était dispensée de préavis et que sa rémunération lui serait versée jusqu'au 31 juillet suivant.

La salariée saisit la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'heures supplémentaires, d'indemnité pour travail dissimulé, de demandes de dommages-intérêts et d'un complément de solde d'indemnité de précarité au titre d'une rupture abusive et, à titre subsidiaire, d'une demande de requalification du contrat en contrat à durée indéterminée et de demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement d'une indemnité de requalification. 

Dans un premier temps, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 25 octobre 2018, déboute la salariée de sa demande, estimant que :

  • L’employeur justifie que le programme foncier nécessaire à la réalisation de la seule liaison Verdon - Saint Cassien" se trouvait pour l'essentiel réalisé au temps de la rupture du contrat de travail ;
  • Que la salariée soutient qu'en application des termes du contrat seule la réalisation de toutes les opérations relatives à l'aspect foncier " était susceptible de constituer le terme du contrat ;
  • La cour retient que compte tenu des droits réels en cause et de la variété des modes d'action ainsi que des délais nécessaires pour passer les actes notariés, une interprétation littérale de ce seul membre de phrase, sorti de son contexte, viderait de sens le contrat lui-même, l'objet du contrat excédant alors sa durée maximale légale de trente-six mois ;
  • En sorte qu'il convient de retenir qu'au temps de la rupture du contrat de travail, son objet était bien achevé dès lors que l'entreprise pouvait sans difficulté faire assurer les suites des opérations foncières par ses services habituels sans surcroît notable de travail.

Extrait de l’arrêt :

Pour débouter la salariée de sa demande tendant à dire que la rupture du contrat de travail est abusive et des demandes formées en conséquence, l'arrêt retient que l'employeur justifie que le programme foncier nécessaire à la réalisation de la seule liaison Verdon - Saint Cassien" se trouvait pour l'essentiel réalisé au temps de la rupture du contrat de travail, que la salariée soutient qu'en application des termes du contrat seule la réalisation de toutes les opérations relatives à l'aspect foncier " était susceptible de constituer le terme du contrat, que la cour retient que compte tenu des droits réels en cause et de la variété des modes d'action ainsi que des délais nécessaires pour passer les actes notariés, une interprétation littérale de ce seul membre de phrase, sorti de son contexte, viderait de sens le contrat lui-même, l'objet du contrat excédant alors sa durée maximale légale de trente-six mois, qu'il convient de retenir qu'au temps de la rupture du contrat de travail, son objet était bien achevé dès lors que l'entreprise pouvait sans difficulté faire assurer les suites des opérations foncières par ses services habituels sans surcroît notable de travail.

Mais tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation, qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel. 

Les juges relèvent que :

  • Le contrat de travail avait été conclu pour l'exécution du programme foncier nécessaire à la réalisation de la liaison Verdon-Saint Cassien ;
  • Et que, selon la lettre de rupture, l'employeur indiquait que les opérations de libération foncière liées à la réalisation de la liaison Verdon-Saint Cassien étaient sur le point de prendre fin ;
  • Ce dont il résultait qu'au moment de la rupture du contrat, l'objet pour lequel il avait été conclu n'était pas réalisé.

Extrait de l’arrêt :

  1. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le contrat de travail avait été conclu pour l'exécution du programme foncier nécessaire à la réalisation de la liaison Verdon-Saint Cassien, que, selon la lettre de rupture, dont elle avait repris les termes, l'employeur indiquait que les opérations de libération foncière liées à la réalisation de la liaison Verdon-Saint Cassien étaient sur le point de prendre fin, ce dont il résultait qu'au moment de la rupture du contrat, l'objet pour lequel il avait été conclu n'était pas réalisé, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme H... de ses demandes tendant à ce qu'il soit dit que la rupture du contrat de travail est abusive et à ce que lui soient alloués des dommages-intérêts et un complément d'indemnité de rupture, l'arrêt rendu le 25 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; 

Cour de cassation du , pourvoi n°19-10130

La présente affaire apporte un éclairage très attendu sur les contrats CDD à objet défini.

Nous noterons au passage, les termes suivants : 

Vu l'article 6 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

  • Un contrat de travail CDD à objet défini, d'une durée minimale de 18 mois et maximale de 36 mois, peut être conclu pour le recrutement d'ingénieurs et de cadres, au sens des conventions collectives.
  • Ce contrat prend fin avec la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu, après un délai de prévenance au moins égal à 2 mois et peut être rompu par l'une ou l'autre partie, pour un motif réel et sérieux, au bout de 18 mois puis à la date anniversaire de sa conclusion. 

Il en résulte, qu'en dehors des cas de rupture anticipée pour un motif réel et sérieux, est abusive la rupture du contrat de travail à durée déterminée pour objet défini lorsqu'elle intervient avant la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu. 

Extrait de l’arrêt :

ALORS QUE le contrat à durée déterminée à objet défini est un contrat à durée déterminée dont l'échéance est la réalisation d'un objet défini ; que l'activité pour laquelle le contrat a été conclu prend nécessairement fin à la réalisation de son objet ; que l'article 1er de l'accord d'entreprise relatif à la mise en place du contrat à durée déterminée à objet défini du 25 juin 2008 stipule que ce type de contrat correspond aux activités de la concession pour lesquelles il n'est pas prévu de pérennisation ultérieure de l'emploi une fois le projet réalisé ; qu'en écartant la pérennisation de l'activité exercée par l'exposante, au motif que le périmètre des fonctions de Madame D..., plus large que le sien, couvrait la réalisation de tous les programmes de l'entreprise, ce dont il résultait que les fonctions de cette dernière comprenait aussi la réalisation du canal Verdon Saint Casien, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article 12b/ de l'accord interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, l'article 6 de la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail et les articles L.1242-1 et s. du code du travail dans leur version alors applicable, ensemble l'article 1134, devenu 1103 du code civil. 

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