La loi n° 2023-479 du 21 juin 2023, visant à faciliter le passage et l’obtention de l’examen du permis de conduire, a introduit une avancée significative en matière de formation professionnelle. Elle prévoit expressément que le Compte Personnel de Formation (CPF) peut être mobilisé pour financer la préparation aux épreuves théoriques et pratiques de toutes les catégories de permis de conduire, y compris les permis moto A1 et A2.
Un amendement gouvernemental à l’article 3 de cette loi précise que les conditions et modalités d’éligibilité au financement par le CPF seront définies par décret, après consultation des partenaires sociaux. Ce décret d’application est en cours d’élaboration.
Dans ce contexte, Mme Christelle D’Intorni, députée, a attiré l’attention de la ministre du Travail sur l’importance de maintenir l’éligibilité du permis moto au financement par le CPF.
Elle souligne que toute restriction en ce sens serait contreproductive, notamment pour les secteurs professionnels où la mobilité urbaine est essentielle. Le permis moto constitue une condition sine qua non pour l’exercice de nombreuses professions, telles que :
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Les livreurs (notamment dans le secteur de la logistique urbaine),
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Les intervenants à domicile (soins, services à la personne),
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Les commerciaux itinérants.
Ces métiers reposent sur une capacité de déplacement rapide et flexible, souvent rendue possible uniquement par l’usage d’un deux-roues motorisé.
Les organisations professionnelles représentant les services de l’automobile et de la mobilité, soit près de 180 000 entreprises de proximité et 500 000 emplois, ainsi que les 12 500 écoles de conduite et 40 000 professionnels, ont également exprimé leur inquiétude quant à l’orientation que pourrait prendre le décret d’application.
Ils craignent que ce dernier exclut le permis moto du champ de financement du CPF, ce qui aurait des conséquences négatives sur :
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La formation professionnelle,
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La mobilité des travailleurs,
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Et plus largement, sur la dynamisation du tissu économique local.
Sur le plan budgétaire, les chiffres avancés montrent que le financement du permis moto par le CPF est marginal :
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Le taux d’utilisation global du CPF est inférieur à 6 %.
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Le permis moto représente moins de 1 % du budget total du CPF, qui s’élève à 2,35 milliards d’euros.
Ainsi, il n’existe aucun effet d’aubaine susceptible de détourner le CPF de ses objectifs initiaux.
D’un point de vue juridique, l’article D.6326-8 du Code du travail dispose que les formations financées par le CPF doivent contribuer à « la réalisation d’un projet professionnel ou à favoriser la sécurisation du parcours professionnel du titulaire du compte ».
Le permis moto répond pleinement à cette finalité, en permettant à de nombreux actifs d’accéder à l’emploi ou de sécuriser leur activité professionnelle, selon la députée.
Mme D’Intorni a donc sollicité des éclaircissements sur l’orientation que le Gouvernement entend donner au décret d’application de la loi n° 2023-479. Elle plaide pour une inclusion explicite du permis moto dans les formations éligibles au financement par le CPF, afin de garantir :
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L’égalité d’accès à la mobilité professionnelle,
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Le soutien aux secteurs économiques concernés,
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Et la cohérence avec les objectifs du CPF.
Face à une augmentation exponentielle des demandes de financement pour le permis moto, les services de la Caisse des dépôts et consignations ont alerté les autorités. En réponse, le ministère du Travail a saisi la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle, après consultation des partenaires sociaux.
Elle a indiqué que le décret n° 2024-444, pris en application de l’article 3 de la loi du 21 juin 2023, est entré en vigueur le 18 mai 2024. Il conserve la condition préexistante selon laquelle la formation financée par le CPF doit avoir un objet professionnel, conformément à l’article D.6326-8 du Code du travail.
Il introduit une distinction entre les titulaires et non-titulaires d’un permis du groupe léger (voiture, moto, quadricycles lourds à moteur) :
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Les droits CPF issus de la contribution des employeurs ne peuvent être mobilisés que par les personnes ne disposant pas déjà d’un permis du groupe léger.
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Les titulaires d’un permis du groupe léger peuvent toujours mobiliser leur CPF pour une autre catégorie de ce groupe, mais uniquement avec des droits issus de financeurs tiers (ex. : Pôle emploi, OPCO).
Cette mesure vise à cibler les publics pour lesquels le permis constitue un véritable levier d’accès à l’emploi, tout en préservant l’équilibre budgétaire du dispositif.
Les permis du groupe lourd (transport routier, bus, remorques) restent pleinement éligibles au CPF, sans restriction, car ils répondent de manière évidente à un objectif professionnel.
Le décret renforce également les modalités de contrôle, notamment par le partage des données issues du fichier national des permis de conduire, afin de garantir la bonne utilisation des fonds du CPF.