Onanisme dans son véhicule professionnel : motif de licenciement ?

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C’est une affaire pour le moins peu banale que vient d’aborder la Cour de cassation : celle du licenciement d’un salarié qui s’était masturbé dans son véhicule professionnel, durant le temps de trajet entre l’entreprise et son domicile…

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Présentation de l’affaire

 Un salarié est engagé en qualité de conducteur livreur, à compter du 21 mai 2019.

Par lettre du 23 septembre 2019, il est licencié pour faute grave, l'employeur lui reprochant notamment le fait de s'être masturbé dans le camion mis à sa disposition dans un lieu public.

L’employeur justifie la rupture pour faute grave, s’appuyant pour cela :

  • Sur un courrier anonyme daté du 26 juin 2019 ;
  • Et l'attestation du coordinateur d'exploitation, établissant la matérialité des faits ;
  • Ainsi que le système de géolocalisation.

Contestant cette rupture, le salarié saisit la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail. 

Il met notamment en avant une atteinte à sa vie privée puisque les faits qui lui étaient reprochés se situaient hors temps de travail.

Arrêt de la cour d’appel

La cour d'appel d'Amiens, par un arrêt du 25 novembre 2021, déboute le salarié de sa demande. 

Elle estime son licenciement fondé sur une faute grave, retenant pour cela que « les pièces produites, à savoir la copie du courrier anonyme daté du 26 juin 2019 et l'attestation du coordinateur d'exploitation, établissent la matérialité des faits et qu'à supposer illicite le moyen de preuve résultant de l'utilisation du système de géolocalisation, l'atteinte au droit à la vie privée du salarié est limitée dans la mesure où ce dernier ne conteste pas qu'il conduisait un véhicule de la société, que les faits se sont déroulés entre le siège de l'entreprise et son domicile, à l'issue de sa journée de travail ».

Le salarié décide de se pourvoir en cassation. 

Arrêt de la Cour de cassation 

La Cour de cassation ne partage pas les arguments de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt renvoyant les parties devant la cour d'appel de Douai.

Dans un premier temps, la Cour de cassation indique que, vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail :

  • Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. 

Elle ajoute que :

  • Il avait été constaté que les faits avaient été commis en dehors du temps de travail ;
  • Et que la seule circonstance que le salarié se trouvait, lors du trajet effectué entre son lieu de travail et son domicile, dans le véhicule professionnel mis à sa disposition ne pouvait suffire à rattacher les faits à sa vie professionnelle ;
  • Ce dont il résultait que les faits, qui ne constituaient pas un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail, ne pouvaient justifier le licenciement prononcé pour motif disciplinaire.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail :

5. Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail (Ass. plén., 22 décembre 2023, pourvoi n° 21-11.330, publié).

6. Pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt retient que les pièces produites, à savoir la copie du courrier anonyme daté du 26 juin 2019 et l'attestation du coordinateur d'exploitation, établissent la matérialité des faits et qu'à supposer illicite le moyen de preuve résultant de l'utilisation du système de géolocalisation, l'atteinte au droit à la vie privée du salarié est limitée dans la mesure où ce dernier ne conteste pas qu'il conduisait un véhicule de la société, que les faits se sont déroulés entre le siège de l'entreprise et son domicile, à l'issue de sa journée de travail.

7. Il en déduit, d'une part, que l'utilisation du système de géolocalisation était indispensable à l'exercice par la société de son droit à la preuve et strictement proportionnée au but poursuivi et ne doit pas être écartée des débats et, d'autre part, que le salarié ne peut légitimement soutenir que l'employeur a violé sa vie privée en ce que les faits reprochés se sont déroulés sur le lieu de trajet entreprise/domicile, au sein du véhicule de la société.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les faits avaient été commis en dehors du temps de travail et que la seule circonstance que le salarié se trouvait, lors du trajet effectué entre son lieu de travail et son domicile, dans le véhicule professionnel mis à sa disposition ne pouvait suffire à rattacher les faits à sa vie professionnelle, ce dont il résultait que les faits, qui ne constituaient pas un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail, ne pouvaient justifier le licenciement prononcé pour motif disciplinaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation des chefs de dispositif disant le licenciement du salarié licite et justifié par une faute grave et le déboutant de ses demandes indemnitaires afférentes, n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt déboutant le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, en l'absence de lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de M. (…) licite et justifié par une faute grave et en ce qu'il le déboute de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement nul et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 25 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Références

Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 22-19.170 ECLI:FR:CCASS:2024:SO00313 Non publié au bulletin

Solution : Cassation partielle Audience publique du mercredi 20 mars 2024 Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, du 25 novembre 2021

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