Solde des jours RTT : l’indemnité compensatrice n’est pas automatique !

Actualité
RTT

Publié le
Mis à jour le
Télécharger en PDF

Cet article a été publié il y a 8 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Un récent arrêt de la Cour de cassation a retenu toute notre attention, raison pour laquelle nous vous proposons la présente actualité.

Sont concernés dans l’affaire présente, des jours de RTT non utilisés à la rupture du contrat de travail et dont le salarié demande le paiement sous forme d’indemnité compensatrice.

Présentation du contexte

Un salarié est engagé à compter du 18 octobre 2004, en qualité de directeur technique.

Il est licencié le 12 décembre 2008 avec dispense de préavis.

Il saisit la juridiction prud’homale, estimant que les jours de RTT non encore utilisés au départ de l’entreprise devaient lui être réglés sous forme d’indemnité compensatrice, y compris les jours de RTT acquis au titre de la période de préavis dont il a été dispensé par son employeur. 

L’arrêt de la cour d’appel

La Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 19 février 2013, donne raison au salarié.

Elle indique même précisément que « tout salarié a droit à une indemnité compensatrice correspondant aux jours non pris »

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour fixer la créance de M. X... au passif de la société (…) à la somme de 3 167,66 euros à titre de rappel de salaire pour treize jours de RTT, l'arrêt, après avoir relevé que le salarié aurait pu prétendre à trois jours supplémentaires s'il n'avait pas été dispensé de l'exécution du préavis, retient que s'agissant de la demande relative aux congés, tout salarié a droit à une indemnité compensatrice correspondant aux jours non pris ; qu'en l'espèce dans le dernier bulletin de salaire de M. X... la société (…) a reconnu que dix jours de congés lui étaient dus ;

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation ne partage pas le même avis, cassant et annulant l’arrêt de la Cour d'appel de Paris, et renvoyant les deux parties devant une nouvelle cour d’appel autrement composée. 

La Cour de cassation indique en effet qu’à défaut d'un accord collectif prévoyant une indemnisation, l'absence de prise des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail n'ouvre droit à une indemnité que si cette situation est imputable à l'employeur.

Dans l’affaire présente, aucun accord ne prévoyait expressément le paiement des jours de RTT acquis mais non utilisés. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi alors qu'à défaut d'un accord collectif prévoyant une indemnisation, l'absence de prise des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail n'ouvre droit à une indemnité que si cette situation est imputable à l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que tel était le cas, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la créance de M. X... au passif de la société (…) à la somme de 3 167,66 euros à titre de rappel de salaire pour treize jours de RTT, l'arrêt rendu le 19 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Les conséquences

Cet arrêt de la Cour de cassation est très important à nos yeux, car les gestionnaires de paie doivent vérifier à l’établissement du solde de tout compte le sort à réserver au solde des jours de RTT non encore utilisés.

Selon nous, il convient d’envisager les 3 situations suivantes : 

Situation 1 : paiement prévu par accord collectif 

Si l’accord collectif régissant le régime des RTT, en prévoit le paiement sous forme d’indemnité compensatrice si les jours de RTT acquis ne sont pas tous utilisés lors du départ du salarié, l’employeur est alors contraint de verser une indemnité compensatrice correspondante.

Situation 2 : paiement non prévu par accord collectif ET non-prise des RTT imputable à l’employeur 

C’est le cas dans l’affaire présente, raison pour laquelle la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, qui n'a pas constaté si la non-prise des RTT restants était imputable ou non à l'employeur.

Situation 3 : paiement non prévu par accord collectif ET non-prise des RTT non imputable à l’employeur 

Dernière situation envisageable :

  • L’accord collectif ne prévoit pas le paiement des jours de RTT non utilisés ;
  • Et le salarié était libre d’utiliser son solde de RTT avant son départ de l’entreprise. 

Dans cette situation, le salarié n’est pas en droit de prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice au titre des jours de RTT acquis mais non utilisés avant son départ effectif de l’entreprise. 

Et pour les jours de RTT acquis pendant le préavis ?

Rappel des dispositions légales 

Selon les termes de l’article L 1234-5, que nous reproduisons plus bas, en cas de dispense du préavis par l’employeur (NDLR : ce qui était dans l’affaire que nous abordons aujourd’hui), il est précisé que l'inexécution du préavis :

  • N’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.
  • L’employeur doit verser au salarié une indemnité compensatrice de préavis qui se cumule notamment avec l'indemnité de licenciement.

Article L1234-5

Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2.

Sort des RTT acquis au titre du préavis 

Au titre du préavis non exécuté suite à la dispense par l’employeur, les jours de RTT acquis au titre de cette période doivent être obligatoirement payés sous forme d’indemnité compensatrice.

Cette obligation est envisageable selon nous, que l’entreprise se situe dans l’une des 3 situations envisagées précédemment, à savoir :

  • Situation 1 : paiement prévu par accord collectif ;
  • Situation 2 : paiement non prévu par accord collectif ET non-prise des RTT imputable à l’employeur ;
  • Situation 3 : paiement non prévu par accord collectif ET non-prise des RTT non imputable à l’employeur. 

D’ailleurs comme le salarié aurait-il pu utiliser ses jours de RTT acquis pendant une période de préavis dont le dispense son employeur ? 

La Cour de cassation s’est d’ailleurs prononcée sur ce sujet plusieurs fois. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que la dispense de l'exécution du préavis par l'employeur n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis ; qu'il s'en déduit que l'employeur ne peut priver le salarié du bénéfice des jours de RTT auxquels celui-ci aurait pu prétendre s'il avait travaillé durant le préavis ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de RTT pour la période de préavis, ayant retenu qu'aux termes de l'accord 35 heures applicable au sein de la société S…, l'acquisition des jours de repos supplémentaires RTT s'effectuait progressivement au cours de la période de référence en raison d'un jour franc maximum par mois de travail effectif pour un salarié à temps complet, la cour d'appel a considéré que, si certaines absences étaient assimilées à du temps de travail effectif, tel n'était pas le cas, en l'espèce, du préavis payé mais non effectué et a décidé que le salarié n'avait acquis aucun jour de RTT à compter du premier jour de son préavis ;
Qu'en statuant ainsi alors que l'indemnité compensatrice de jours de congé liés à la réduction du temps de travail non pris par le salarié à la date de la rupture de son contrat de travail prévue par l'accord d'entreprise de RTT, correspond à l'acquisition d'heures de travail accomplies entre la 35e et la 39e heure de chaque semaine, en sorte qu'elle présente le caractère d'une rémunération habituelle et normale du salarié et doit être prise en compte pour le calcul de l'indemnité de préavis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse et rejetant les demandes afférentes formées par le salarié ainsi que la demande de rappel d'indemnité compensatrice de jours de RTT, l'arrêt rendu le 21 juin 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ; 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 8 avril 2009
N° de pourvoi: 07-44068

Extrait de l’arrêt :

Attendu que la dispense de l'exécution du préavis par l'employeur n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis ; qu'il s'en déduit que l'employeur ne peut priver le salarié du bénéfice des jours de congé liés à la réduction du temps de travail, auxquels celui-ci aurait pu prétendre s'il avait travaillé durant le préavis ;
Attendu que pour rejeter la demande du salarié en paiement de l'indemnité compensatrice de jours de congé liés à la réduction du temps de travail, non pris par le salarié à la date de la rupture de son contrat correspondant à la période de préavis non exécutée, l'arrêt retient que les jours attribués en contrepartie de la réduction du temps de travail étant accordés au salarié qui effectue des heures de travail au delà de la durée légale de 35 heures, le salarié, qui a été dispensé de l'exécution de son préavis, n'a acquis aucun droit à jours de réduction du temps de travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité compensatrice de jours de congé liés à la réduction du temps de travail non pris par le salarié à la date de la rupture de son contrat de travail, qui présente le caractère d'une rémunération habituelle et normale du salarié, doit être prise en compte pour le calcul de l'indemnité de préavis, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande du salarié en paiement de l'indemnité compensatrice de jours de réduction du temps de travail non pris par le salarié à la date de la rupture de son contrat correspondant à la période de préavis non exécutée, l'arrêt rendu le 2 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 17 avril 2013
N° de pourvoi: 11-29010

Références

Arrêt de la Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 18 mars 2015 N° de pourvoi: 13-16369

Arrêt de la Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 8 avril 2009 N° de pourvoi: 07-44068

Arrêt de la Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 17 avril 2013 N° de pourvoi: 11-29010

Accès à votre contenu même hors ligne

Recevez ce contenu par email

ou
ou

Réagir à cet article

Avez-vous trouvé cet article utile ?

Note actuelle
Etoile pleine - note 1 Etoile pleine - note 2 Etoile pleine - note 3 Etoile pleine - note 4 Etoile vide
(2 votes)
Votre note :

Commentaires

O
Olivier Rondu Posté il y a 8 ans
Article intéressant et énervant où j'ai eu peur d'un manque de logique, pour ne pas dire intelligence, de la part des tribunaux.
En effet, Les RTT sont une période du temps de travail très discutable au vu de leur nature sociale.
La souplesse apportée à leurs prises par les salariés ou leur octroi par l'employeur ne rend pas la chose simple, comme toujours avec le social français.
Les RTT peuvent être imposés par modulation des horaires, par apport de jours de repos sans modification des horaires, par mélange des deux et bien d'autres possibilités trouvés dans le temps.
MAIS, quoi qu'il en soit, elles ne peuvent être considérées comme des heures supplémentaires (même si ils n'en parlent pas, je le dis) et, partons sur un classique hebdomadaire avec attribution d'une demi journée par semaine, par conséquent pour y avoir droit, il faut travailler 39 heures pour récupérer 4 heures.
35 heures payées 39 heures est une notion de taux horaires où à l'époque de Madame Aubry et ses successeurs, un salarié conservait voyait son temps de travail diminué de 10% mais sans perte de salaire (compensé par une indemnité Loi Fillon ex-loi Aubtry).
C'est toujours amusant de voir le temps et l'argent perdu par nos fonctionnaires pour faire appliquer leurs calculs et règles sociales.

Votre commentaire sera publié après connexion.

Une question sur cet article ?

Posez votre votre question sur le forum

Les questions liées sur le forum