Une lettre de licenciement signée par une personne extérieure à l’entreprise n’est pas valable

Jurisprudence

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Une salariée est engagée comme ouvrière agricole à compter du 1er juin 1994 par des contrats saisonniers.

Elle occupe à partir du 1er octobre 2007 le poste de comptable et responsable du personnel.

Licenciée le 3 août 2011, elle saisit la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 1er juin 1994 et la condamnation de son employeur à des indemnités de rupture et des dommages-intérêts.

A l’appui de sa demande, le fait que la lettre de licenciement avait été signée par une personne étrangère à l’entreprise, plus précisément par un expert-comptable extérieur à l’entreprise.

Précision importante dans la présente affaire, un expert-comptable d’un cabinet extérieur à l’entreprise avait été mandaté par le gérant de l’entreprise pour le représenter dans toutes les démarches du licenciement, à savoir :

  • Signature de la lettre de convocation à l’entretien préalable ;
  • Signature de la lettre de licenciement.

Dans les deux cas, sa signature au nom du gérant avait été précédée de la mention « po » (pour ordre).  

De façon surprenante, et nonobstant la jurisprudence constante en la matière, la Cour d’appel de Pau déboute le salarié de sa demande, dans son arrêt du 16 juillet 2015.

Elle estime en effet que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et que la procédure de diligentée à l'encontre de la salariée était parfaitement régulière

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour dire que le licenciement de la salariée reposait sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il est constant que c'est M. Z..., expert-comptable de la société Y...(…), qui a signé la lettre de convocation à l'entretien préalable, a mené l'entretien préalable de la salariée et a signé la lettre de licenciement, tous ces documents étant signés « pour ordre » par ce dernier, sous le nom de M. Y...(…) ou A... (…), gérants, que l'employeur justifie d'un mandat donné le 20 juillet 2011 à M. (…) expert-comptable, par M. (…)..., gérant de la société Y... (…), « pour le représenter dans toutes les démarches de licenciement à l'égard de Mme (…) pour le compte de la (…) », que si la finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour procéder à l'entretien et notifier le licenciement, les documents comportant la mention « po » (pour ordre) ont la valeur de documents rédigés par la personne ayant le pouvoir de signature, qu'ainsi, la lettre de licenciement signée « pour ordre » au nom du gérant est valable, quand bien même l'identité de la personne signataire ne serait pas connue, dès lors que la procédure de licenciement a été menée à son terme, le mandat de signer la lettre de licenciement ayant été ratifié, qu'en l'absence de désapprobation du mandant (personne ayant la signature en temps normal) à l'égard des actes effectués par celui qui s'est comporté comme le titulaire d'un mandat apparent (le signataire), la lettre de licenciement est valable, qu'il en résulte que la procédure de licenciement diligentée à l'encontre de la salariée est parfaitement régulière ; 

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, rappelant le principe selon lequel « la finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour conduire la procédure de licenciement jusqu'à son terme ». 

Il s'ensuit précise la Cour de cassation que la signature « pour ordre » de la lettre de licenciement au nom de l'employeur par une telle personne ne peut être admise, et que le licenciement présente est dépourvu de cause réelle et sérieuse. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que la finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour conduire la procédure de licenciement jusqu'à son terme ; qu'il s'ensuit que la signature pour ordre de la lettre de licenciement au nom de l'employeur par une telle personne ne peut être admise ; (…)

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la procédure de licenciement avait été conduite par l'expert-comptable de l'employeur, personne étrangère à l'entreprise, ce dont il résultait, nonobstant la signature pour ordre de la lettre de licenciement par cette personne à laquelle il était interdit à l'employeur de donner mandat, que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 
Et attendu que la cassation sur le premier moyen du pourvoi principal entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs visés par les deuxième, troisième et quatrième moyens de ce pourvoi ; 
PAR CES MOTIFS : 
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement de Mme X... reposait sur une cause réelle et sérieuse de licenciement, l'arrêt rendu le 16 juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; 

Cour de cassation du

Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation aborde le thème de la signature sur une lettre de licenciement, rappel de quelques jurisprudences à ce sujet…

Signature illisible sur lettre de licenciement : le licenciement est sans cause réelle et sérieuse !

Dans un arrêt du 16 juin 2016, que vous pouvez retrouver en détails en cliquant ici, la Cour de cassation considérait qu’une lettre de licenciement comportant une signature illisible avait pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Dans cette affaire, la lettre de licenciement comportait une signature illisible et la seule mention « le responsable » ne permettant pas d’en identifier l’auteur. 

Cour de cassation du 16 juin 2016, pourvoi n°14-27154

La lettre de licenciement doit être signée par… l'employeur ! 

Dans un autre arrêt cette fois du 7 décembre 2011, que vous pouvez retrouver en détails en cliquant ici, la Cour de cassation considérait qu’une lettre de licenciement signée par le cabinet d’expertise comptable (tout comme dans l’affaire présente, ce qui rend selon nous l’arrêt de la cour d’appel surprenant…) avait pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. 

Cour de cassation du 07 décembre 2011, pourvoi n°10-30222

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