Prendre acte de la rupture du contrat de travail, devant les prud’hommes, n’est pas recevable

Jurisprudence
Prise acte rupture contrat travail

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Cet article a été publié il y a 7 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

C’est une affaire assez particulière que nous abordons aujourd’hui, mais tout d’abord (comme nous le faisons régulièrement) rappelons le contexte de celle-ci. 

Une salariée est engagée en septembre 2004 par M. X..., artisan boulanger, en qualité de vendeuse.

Victime d’un accident du travail, le 14 janvier 2009 d'un accident du travail.

Invoquant l'inaction de son employeur après l'envoi d'un certificat médical final le 13 septembre 2010, elle saisit la juridiction prud'homale en référé.

Par ordonnance du 25 novembre 2011, la juridiction prud’homale n’admet pas le bien-fondé de ce référé.

Finalement, la salariée est licenciée le 4 février 2012 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Mais elle décide de saisir à nouveau la juridiction prud'homale le 27 février 2012. 

Elle rappelle avoir saisi en référé le conseil de prud'hommes de Troyes le 19 janvier 2011, déclarant à l'audience, solliciter la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, en présence du représentant de l'employeur (ce qui d’ailleurs a été consigné par le greffier d'audience).

Il en résulte, selon la salariée, qu’elle avait ainsi pris acte de la rupture de son contrat de travail, bien avant son licenciement, et de ce fait la rupture par l’employeur devait être considérée sans cause réelle.

Extrait de l’arrêt :

(…) que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est soumise à aucun formalisme et peut être effectuée oralement, y compris à l'audience en présence de l'employeur ou de son représentant ; qu'en l'espèce, il est acquis aux débats que Mme Y... a saisi en référé le conseil de prud'hommes de Troyes le 19 janvier 2011 et a déclaré, à l'audience, solliciter la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, en présence du représentant de l'employeur, ce qui a été consigné par le greffier d'audience ; qu'il en résultait qu'elle avait, avant le licenciement en date du 4 février 2012, pris acte de la rupture de son contrat de travail pour lui voir produire les effets d'un licenciement sans cause réelle ; (…)

La Cour d’appel de Reims, dans son arrêt du 10 septembre 2014, déboute la salariée de sa demande.

Retenant que la déclaration de la salariée était effectivement dépourvue d'ambiguïté, il n’en restait pas moins qu’elle était privée d'effet au motif qu'elle avait été exprimée à l'audience. 

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel.

Même si la prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est soumise à aucun formalisme, elle doit néanmoins pour être recevable être adressée directement à l'employeur.

Les juges relevant le fait que le seul acte émis en ce sens par la salariée n'avait pas été adressé directement à l'employeur mais avait consisté en une prétention émise devant la formation de référé de la juridiction prud'homale, c’est fort justement que la cour d'appel avait exactement retenu qu'en l'absence de prise d'acte le contrat de travail était toujours en cours à la date du licenciement. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu, d'abord, que si la prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est soumise à aucun formalisme, c'est à la condition qu'elle soit adressée directement à l'employeur ; qu'ayant relevé que le seul acte émis en ce sens par la salariée n'avait pas été adressé directement à l'employeur mais avait consisté en une prétention émise devant la formation de référé de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a exactement retenu qu'en l'absence de prise d'acte le contrat de travail était toujours en cours à la date du licenciement ; 
Attendu, ensuite, qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve, la cour d'appel, qui a relevé que l'envoi à l'employeur d'un certificat médical du 13 septembre 2010 ne manifestait pas la volonté de la salariée de reprendre le travail ou de voir organiser de visite de reprise, a exactement retenu que l'obligation pour l'employeur de procéder à cette visite de reprise n'était née qu'à compter du jour où la salariée avait manifesté sa volonté de reprendre le travail et en avait sollicité l'organisation, ce qu'elle avait fait par lettre du 25 mai 2011 adressée à son employeur ; 
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; 
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°15-18189

Une fois encore, la Cour de cassation apporte des précisions concernant la prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

Nous vous rappelons quelques arrêts comme suit…

Pas de prise d’acte par l’employeur

Un employeur qui estime qu’un salarié ne respecte pas ses obligations, doit prendre l’initiative de la rupture du contrat en engageant la procédure de licenciement.

Il n’est en aucun cas en droit de « prendre acte » de la rupture du contrat de travail. 

Les employeurs qui souhaitent rompre un contrat de travail doivent procéder à un licenciement, car la rupture du contrat sans le respect de la procédure de licenciement s’analysera automatique comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que la cour d'appel a estimé que la rupture s'analysait en un licenciement, lequel procédait d'une cause réelle et sérieuse, dès lors que, le contrat de travail n'avait pas été modifié et que le salarié avait commis une faute en refusant un simple changement de ses conditions de travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de procédure de licenciement, la rupture par l'employeur était constitutive d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans que le juge ait à rechercher si les faits, reprochés aux salariés étaient ou non fondés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu à renvoi du chef du licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour de cassation pouvant donner au litige sur ce point la solution appropriée par application de l'article 627, alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition rejetant la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 14 novembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Cour de cassation du 25/06/2003 pourvoi n° 01-40235

Salarié inapte

Un salarié inapte après un accident du travail peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail et cette prise d’acte a les mêmes effets que pour tout autre salarié.

Extrait de l’arrêt :

Et attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des écritures que la salariée ait soutenu devant les juges du fond que son contrat de travail avait été modifié ; que d'autre part la cour d'appel, qui a retenu que la difficulté technique du mi-temps thérapeutique et de ses conséquences excluait la mauvaise foi de l'employeur, et qu'aucun des autres reproches, à l'exclusion de l'absence de prise en compte du temps d'habillage et de déshabillage, n'était établi, a estimé que les manquements de l'employeur n'étaient pas suffisamment graves pour justifier la rupture aux torts de ce dernier ; qu'elle en a exactement déduit que la rupture produisait les effets d'une démission ; D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, et donc irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du 21/01/2009, pourvoi 07-41822

Salariés protégés 

Un salarié titulaire d’un mandat (représentant du personnel, délégué syndical) peut prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu d'abord, que si la procédure de licenciement du salarié titulaire d'un mandat électif ou de représentation est d'ordre public, ce salarié ne peut être privé de la possibilité de prendre acte de la rupture, en raison de faits qu'il reproche à son employeur ; que lorsqu'il prend acte de la rupture, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement, nul pour violation du statut protecteur lorsque les faits invoqués par le salarié la justifiaient, soit dans le cas contraire, les effets d'une démission ; (…)

Que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du 10/02/2010 pourvoi: 08-43138

Portée du préavis effectué « spontanément »

Le salarié peut accomplir (ou offrir d’accomplir) « spontanément » son préavis, sans que cela puisse remettre en cause la gravité des griefs invoqués envers son employeur.

La Cour de cassation s’est déjà prononcé sur cette circonstance particulière, et avait indiqué que le salarié devait percevoir l’indemnité compensatrice de préavis correspondant au solde du préavis non effectué, la prise d’acte produisant dans le cas présent les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'ayant décidé que la prise d'acte du salarié, fondée sur la modification unilatérale de son contrat de travail, produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui a condamné l'employeur à verser au salarié une indemnité compensatrice correspondant au solde du préavis non exécuté, n'encourt pas les griefs du moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du 2/06/2010 pourvoi 09-40215

Nota :

Lorsque le salarié prend acte de la rupture et si les griefs sont fondés, l’ancienneté prise en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement est celle acquise à la date de prise d’acte.

Si le salarié effectue un préavis et que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’ancienneté doit prendre en compte la période de préavis effectuée, même partiellement.

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