Prise d’acte par un salarié protégé : la Cour de cassation limite l’indemnisation au titre de la violation du statut protecteur à 30 mois de salaire

Jurisprudence
Prise acte rupture contrat travail

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Cet article a été publié il y a 8 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Nota :

La présente affaire met en avant 2 points que la Cour de cassation aborde, elle fera donc l’objet de 2 actualités distinctes.

Un salarié est engagé le 20 mars 1981 par une association en qualité d'infirmier de nuit dans un centre médical.

Il est par la suite élu membre du comité d'entreprise en 2004 et délégué du personnel en avril 2007.

Le 7 juin 2005, il saisit la juridiction prud'homale notamment de demandes en paiement d'heures supplémentaires, de repos compensateurs, de primes et d'heures de délégation.

Alors que la procédure était en cours, il prend acte de la rupture de son contrat par lettre du 27 août 2007, mettant en avant le fait qu’il dispose d’un crédit d’heures de délégation depuis 3 ans qui n’ont fait l’objet d’aucun paiement (ainsi que d’heures supplémentaires au passage). 

Dans un premier temps, la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 11 décembre 2013, donne raison au salarié, permettant ainsi à la prise d’acte de produire les effets d’un licenciement nul (salarié protégé).

D’autre part, au titre de la violation du statut protecteur dont bénéficie le salarié en l’espèce (délégué du personnel dont le mandat a été renouvelé en avril 2007), elle condamne l’employeur au paiement de 49 mois de salaire, soit la somme de 160.143,40 €

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une indemnité pour violation du statut protecteur correspondant à 49 mois et trois semaines de salaire mensuel brut, l'arrêt retient que le salarié dont le mandat de délégué du personnel a été renouvelé en avril 2007 pour une durée de quatre ans, est fondé à solliciter une telle indemnité d'un montant correspondant à la période de protection restant à courir à compter de la rupture jusqu'au mois d'octobre 2011, soit six mois après l'expiration de son mandat ;

Sans remettre en cause le fait que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement nul, la Cour de cassation limite toutefois l’indemnité au titre de la violation du statut protecteur à… 30 mois de salaire, et non à 49 mois comme l’avait fait auparavant la cour d’appel.

Elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sur ce point précis. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu cependant que le délégué du personnel qui ne demande pas la poursuite du contrat de travail illégalement rompu a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection, dans la limite de deux ans, durée minimale légale de son mandat, augmentée de six mois ;
Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a alloué au salarié la somme de 160 143,40 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur (…), l'arrêt rendu le 11 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°14-12193

Le présent arrêt de la Cour de cassation se trouve en totale adéquation avec des précédents arrêts rendus en 2015, et que nous avons abordés sur notre site il y a quelques temps, mais d’abord rappelons le principe de l’indemnisation visée par le présent arrêt. 

Indemnisation au titre de la violation du statut protecteur

Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et que les griefs invoqués sont reconnus fondés par les juges, le salarié peut alors prétendre au paiement d’une indemnité au titre de la violation du statut protecteur, égale à la rémunération brute que le salarié aurait perçue entre la date de rupture du contrat de travail et l'expiration de la période de protection.

 Extrait de l’arrêt

Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié protégé licencié sans autorisation et qui ne demande pas sa réintégration a droit, au titre de la violation du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre la date de la rupture et l'expiration de la période de protection

Cour de cassation du 10/05/2006 pourvoi 04-40901

Limitation de l’indemnité à 30 mois de salaire : rappel de jurisprudences 

1er arrêt du 15 avril 2015 

Dans ce premier arrêt du 15 avril 2015, la Cour de cassation avait déjà limité l’indemnité à 30 mois, alors que la cour d’appel avait envisagé le paiement de 40 mois de salaire. 

Cour de cassation du 15 avril 2015, pourvoi n° 13-24182

Retrouver cet arrêt en détails sur notre site, en cliquant ici. 

2ème arrêt du 15 avril 2015 

Dans un autre arrêt, rendu également le 15 avril 2015, la Cour de cassation avait aussi limité l’indemnité à 30 mois, alors que la cour d’appel prévoyait le versement de 52 mois de salaire. 

Extrait de l'arrêt:

Attendu que la cour d'appel, après avoir dit par confirmation de la décision des premiers juges que la prise d'acte était justifiée et produisait les effets d'un licenciement nul, a condamné l'employeur à payer à la salariée une somme à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur correspondant à cinquante deux mois de salaire ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; (…)
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société (…) à payer à Mme X... la somme de 121 940 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur (…) , l'arrêt rendu le 1er octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 15 avril 2015 N° de pourvoi: 13-27211 

Pourquoi 30 mois de salaire ? 

Cette limite de 30 mois correspond à un mandat de 2 ans (24 mois) auquel s’ajoutent 6 mois (protection au-delà du mandat) en référence à la durée minimale légale des mandats des représentants du personnel.

L’article L 2314-26 prévoyant un mandat de 4 ans et l’article L 2314-27 indiquant qu’il est possible de déroger à cette durée dans la limite de 2 ans.

Article L2314-26

Les délégués du personnel sont élus pour quatre ans. Leur mandat est renouvelable.

Leurs fonctions prennent fin par le décès, la démission, la rupture du contrat de travail ou la perte des conditions requises pour l'éligibilité. Ils conservent leur mandat en cas de changement de catégorie professionnelle.

Article L2314-27 

Par dérogation aux dispositions de l'article L. 2314-26, un accord de branche, un accord de groupe ou un accord d'entreprise, selon le cas, peut fixer une durée du mandat des délégués du personnel comprise entre deux et quatre ans.

A notre avis, cette limitation de l’indemnité est également transposable aux :

  • Élus du comité d’entreprise (durée identique à celle des délégués du personnel, selon les articles L 2324-24 et L 2324-25) ;
  • Membres du CHSCT (selon l’article L 4613-1 récemment modifié par la loi Rebsamen). 

Article L2324-24 

Les membres du comité d'entreprise sont élus pour quatre ans. Leur mandat est renouvelable.

Les fonctions de ces membres prennent fin par le décès, la démission, la rupture du contrat de travail, la perte des conditions requises pour être éligible. Ils conservent leur mandat en cas de changement de catégorie professionnelle.

Article L2324-25 

Par dérogation aux dispositions de l'article L. 2324-24, un accord de branche, un accord de groupe ou un accord d'entreprise, selon le cas, peut fixer une durée du mandat des représentants du personnel aux comités d'entreprise comprise entre deux et quatre ans.

Article L4613-1 

Modifié par LOI n°2015-994 du 17 août 2015 - art. 16

Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail comprend l'employeur et une délégation du personnel dont les membres sont désignés, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité d'entreprise les ayant désignés par un collège constitué par les membres élus du comité d'entreprise et les délégués du personnel.

L'employeur transmet à l'inspecteur du travail le procès-verbal de la réunion de ce collège.

Rappelons enfin que cette même limitation s’était également appliquée au titre d’un médecin du travail (salarié protégé), un avis numéro 15013 du 15/12/2014 étant disponible à ce sujet. 

Avis n° 15013 du 15 décembre 2014 (Demande 1470009) - ECLI:FR:CCASS:2014:AV15013

LA COUR DE CASSATION,
Vu les articles L.441-1 et suivants du code de l’organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile ;

Vu la demande d’avis formulée le 18 septembre 2014 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, reçue le 26 septembre 2014, dans une instance opposant M. (…) à la SAS (…) et ainsi libellée :

« Quelle doit être la durée de protection permettant de calculer le montant de l’indemnité pour violation du statut protecteur du médecin du travail licencié sans autorisation administrative ? » (…)

EST D’AVIS QUE :

Le médecin du travail licencié sans autorisation administrative et qui ne demande pas sa réintégration, a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et la fin de la période de protection, dans la limite de trente mois, durée de la protection minimale légale accordée aux représentants du personnel.

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