Quelle indemnité pour violation du statut protecteur si le salarié est parti à la retraite ?

Jurisprudence
Paie Retraite

Pour chiffrer l’indemnité due au titre de la violation du statut protecteur, la Cour de cassation précise qu’il convient de prendre en considération la situation particulière d’un salarié parti à la retraite avant sa possible réintégration.

Publié le
Télécharger en PDF

Cet article a été publié il y a 4 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Un salarié est engagé le 14 décembre 2005 en qualité d'agent de sécurité.

Il est désigné en qualité de délégué syndical le 28 juin 2010 jusqu'au 15 mars 2012, la période de protection s'achevant le 15 mars 2013.

Le 15 mars 2013, la société lui notifie par lettre une convocation à un entretien préalable au licenciement prévu le 5 avril 2013, reporté par lettre du 27 mars suivant à un autre horaire le même jour.

Par lettre du 3 mai 2013, la société lui notifie un licenciement pour faute.

Le 2 juillet 2013, le salarié saisit la juridiction prud'homale pour une discrimination syndicale et un licenciement nul, et demande que sa réintégration soit ordonnée, faisant par ailleurs valoir ses droits à la retraite en cours d'instance. 

La Cour d'appel d'Aix-en-Provence, à l’occasion de son arrêt du 9 septembre 2016, donne raison au salarié, « négligeant » au passage le fait que le salarié avait fait valoir ses droits à la retraite en cours d'instance. 

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, donnant des précisions importantes à cette occasion comme suit :

  1. Lorsqu’un salarié protégé licencié sans autorisation administrative de licenciement demande sa réintégration pendant la période de protection, il a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à sa réintégration.
  2. Cette indemnité lui est également due lorsque la demande de réintégration est formulée après l'expiration de la période de protection en cours pour des raisons qui ne sont pas imputables au salarié ;
  3. Toutefois, dans cette dernière hypothèse, le salarié qui a fait valoir ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration, a droit au titre de la violation du statut protecteur à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à celle de son départ à la retraite. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que lorsque le salarié protégé licencié sans autorisation administrative de licenciement demande sa réintégration pendant la période de protection, il a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à sa réintégration ; que cette indemnité lui est également due lorsque la demande de réintégration est formulée après l'expiration de la période de protection en cours pour des raisons qui ne sont pas imputables au salarié ; que, toutefois, dans cette dernière hypothèse, le salarié qui a fait valoir ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration, a droit au titre de la violation du statut protecteur à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à celle de son départ à la retraite ;
Attendu que l'arrêt condamne la société à verser au salarié une certaine somme correspondant aux salaires qu'aurait perçus le salarié de la date de son éviction jusqu'au jour de l'arrêt qui aurait, s'il n'avait pas fait valoir ses droits à la retraite, ordonné sa réintégration ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part que la période de protection était expirée avant même que le salarié soit licencié et qu'il soit en mesure de présenter une demande de réintégration, et d'autre part que le salarié avait fait valoir ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Fiducial à verser à M. D... les sommes de 70 909,90 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, de 7 090,99 euros à titre de congés payés afférents, de 20 153,34 euros à titre d'indemnité pour perte de droit à pension de retraite et dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal, l'arrêt rendu le 9 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°16-25764

En cas de licenciement d’un salarié protégé en violation du statut protecteur, le licenciement est alors considéré comme nul, rappelons les conséquences qui en découlent. 

Conséquence 1 : droit à la réintégration

A la différence du licenciement sans cause réelle et sérieuse, le droit à la réintégration du salarié dans l’entreprise est ouvert sans condition d’ancienneté ou d’effectif de l’entreprise.

Cette réintégration s’impose à l’employeur.

Salaires dus en cas de réintégration

Lorsque le salarié est réintégré dans l’entreprise, il doit percevoir l’intégralité des salaires « perdus » entre son licenciement et sa réintégration dans l’entreprise.

Extrait de l’arrêt :

Attendu, cependant, que le salarié dont la rupture du contrat de travail est nulle et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre la rupture et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il lui appartenait d'apprécier l'étendue du préjudice nécessairement subi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en paiement d'une somme au titre des salaires dont elle a été privée depuis le jour de la rupture jusqu'à la date de sa réintégration effective, l'arrêt rendu le 6 novembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée

Cour de cassation du 25/01/2006 pourvoi 03-47517

Salaires dus en cas de réintégration : déduire certaines sommes

Lorsque le salarié est réintégré, il doit il doit percevoir l’intégralité des salaires « perdus » entre son licenciement et sa réintégration dans l’entreprise, sont toutefois à déduire les revenus de remplacement et les rémunérations éventuellement perçues.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour rejeter la demande de la société Y… tendant à obtenir la répétition de la part des indemnités versée correspondant au montant des revenus de remplacement perçus entre le licenciement initial et la réintégration effective de l'intéressée, la cour d'appel retient qu'en l'absence de disposition expresse en ce sens, le juge ne peut opérer aucune réduction sur le montant des sommes que l'employeur doit verser au salarié et qui correspond au montant du salaire de l'emploi occupé avant le licenciement, et que la question relative aux indemnités de chômage servies par l'ASSEDIC relève des seuls rapports entre cet organisme et la salariée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice subi par la salariée devait être évalué en tenant compte des revenus qu'elle avait pu percevoir pendant cette période et que ce qui avait été versé au-delà de ce préjudice ouvrait droit à répétition, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fait remonter au 19 octobre 1998 le point de départ des intérêts dus sur les indemnités réparant un préjudice né à compter du 22 février 2003 et refusé de déduire de l'indemnisation de la salariée le montant des revenus qu'elle avait pu percevoir entre la date du licenciement initial et celle de la réintégration effective, l'arrêt rendu le 14 novembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Cour de cassation du 12/02/2008 pourvoi 07-40413

Salaires dus en cas de réintégration : impossible de déduire certaines sommes

Bien entendu, à toute règle qui existe notre métier prévoit toujours des exceptions, n’est ainsi pas possible la déduction de sommes perçues entre le licenciement et la réintégration, y compris les revenus de remplacement pour les cas suivants :

  • Les salariés grévistes 

Cour de cassation du 2/02/2006 pourvoi 03-47481

  • Les salariés victimes d’une discrimination syndicale 

Cour de cassation du 2/06/2010 pourvois 08-43277 08-43369 

  • Les salariés licenciés en raison de leur état de santé 

Cour de cassation du 11/07/2010 pourvoi 10-15905

Conséquence 2 : paiement indemnités en l’absence de réintégration

Lorsque le salarié ne demande pas sa réintégration, ou si celle-ci n’est pas matériellement possible, doivent alors être versées les indemnités qui suivent. 

Indemnité égale à 6 mois de salaire 

Au regard de l’article L 1134-4 du code du travail, le salarié doit percevoir des dommages et intérêts visant à réparer le préjudice subi.

Le montant des sommes à verser est souverainement apprécié par les juges, sans toutefois que sa valeur ne soit inférieure aux salaires des 6 derniers mois.

Article L1134-4

Modifié par Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 - art. 3

Est nul et de nul effet le licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur, sur le fondement des dispositions du chapitre II, lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de cette action en justice. Dans ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi.

Lorsque le salarié refuse de poursuivre l'exécution du contrat de travail, les dispositions de l'article L. 1235-3-1 sont applicables.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-I de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance. 

Article L1235-3-1

Modifié par LOI n°2018-217 du 29 mars 2018 - art. 11

L'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à : 
1° La violation d'une liberté fondamentale ; 
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ; 
3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ; 
4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ; 
5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ; 
6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des dispositions de l'article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-I de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance. 

Ancienneté et effectif de l’entreprise 

Cette somme est due, quelle que soit l’ancienneté du salarié et effectif de l’entreprise.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour réduire notablement les indemnités qu'un conseil de prud'hommes avait condamné la société Serare Courtepaille à verser à Mme X... en réparation de son préjudice né d'un licenciement nul, la cour d'appel relève la faible ancienneté de la salariée en application de l'article L. 1235-3 du code du travail ;
Attendu cependant que le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait jugé que le licenciement de la salariée était nul pour avoir été prononcé après qu'elle eut dénoncé le harcèlement moral dont elle était victime, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives au licenciement nul, l'arrêt rendu le 28 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;

Cour de cassation du 14/04/2010, pourvoi 09-40486 

Indemnité due dans le cas d’une absence ou nullité d’un PSE 

Selon l’article L 1235-11, modifié par Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 et son article 2 :

  • Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.
  • Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois. 

Article L1235-11

Modifié par Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 - art. 2

Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-I de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance. 

Indemnité due pour un salarié protégé 

Dans ce cas, par exemple en cas de prise d’acte justifiée qui produit les effets d’un licenciement nul pour un salarié protégé, l’indemnité correspond à l’intégralité de la rémunération que le salarié aurait perçue entre le licenciement et la fin de la période de protection (dans la limite de 30 mois, selon la jurisprudence constante sur ce point).

Conséquence 3 : paiement indemnité compensatrice de préavis 

Lorsque le juge prononce la nullité du licenciement, celle-ci entraîne le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis.

Cas particulier 

La Cour de cassation en prononçant la nullité d’une mise à la retraite, confirme que celle-ci n’ouvre pas droit au versement d’une indemnité compensatrice lorsque la rupture du contrat a été précédée d’un délai de préavis au moins égale à celle du préavis de licenciement. 

Extrait de l’arrêt

Attendu que si, en cas de nullité du licenciement, le salarié a droit, en principe, au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, la requalification de la mise à la retraite en licenciement nul n'ouvre toutefois pas droit au paiement d'une telle indemnité lorsque la rupture du contrat a été précédée d'un délai de préavis d'une durée au moins égale à celle du préavis de licenciement ; 

Cour de cassation du 30/06/2010 pourvoi 09-41349

Conséquence 4 : paiement indemnité de licenciement

Même si cela semble évident, le salarié doit percevoir l’indemnité de licenciement légale ou conventionnelle (en retenant la valeur la plus favorable des deux).

Accès à votre contenu même hors ligne

Recevez ce contenu par email

ou
ou

Réagir à cet article

Avez-vous trouvé cet article utile ?

Note actuelle
Etoile pleine - note 1 Etoile pleine - note 2 Etoile pleine - note 3 Etoile pleine - note 4 Etoile vide
(3 votes)
Votre note :

Commentaires

NB
nelly Barbotteau Posté il y a 4 ans
très formateur

Votre commentaire sera publié après connexion.

Une question sur cet article ?

Posez votre votre question sur le forum

Les questions liées sur le forum