Salarié agressé par un collègue : la prise d’acte est justifiée

Jurisprudence
Prise acte rupture contrat travail

Publié le
Mis à jour le
Télécharger en PDF

Cet article a été publié il y a 10 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Un salarié est engagé le 26 juillet 2004 en qualité d'agent de production.

A la suite d'une altercation avec un autre salarié il est placé en arrêt de travail pour accident du travail à compter du 11 mars 2010 jusqu'au 28 mai suivant.

Il fait l’objet d'une mise à pied disciplinaire de 3 jours notifiée le 30 mars 2010.

Il décide de prendre acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 30 mai 2010, souhaitant que cette prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

La cour d’appel déboute le salarié de sa demande et considère que la prise d’acte produit les effets d’une démission.

Les juges retiennent pour cela plusieurs faits :

  • L’agression a été soudaine et imprévisible ;
  • Elle a surpris l’ensemble du personnel présent pendant les faits ;
  • Le superviseur n’était pas dans la capacité d’anticiper de tels actes ;
  • Rien ne démontre que l’employeur était au courant, l’obligeant alors à prendre des mesures. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour dire que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'une démission, l'arrêt retient que M. X... ne démontre pas que son employeur était informé de l'existence d'un conflit important entre lui-même et un autre salarié et qu'il l'a sciemment laissé travailler aux côtés de son collègue, le plaçant ainsi dans une situation de danger, qu'il est au contraire établi que l'agression survenue le 11 mars 2010 a été soudaine et imprévisible, qu'elle a surpris l'ensemble des salariés présents et le superviseur et ne pouvait être anticipée, que dès lors le salarié ne rapporte pas la preuve d'un manquement à l'obligation de sécurité de résultat de la part de son employeur ;

Ce n’est pas du tout l’avis de la Cour de cassation, qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel.

Elle considère en effet, que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat, donc responsable en cas d’agression d’un salarié sur son lieu de travail par un collègue.

La prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Extrait de l’arrêt

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié avait été victime de violences physiques exercées sur le lieu de travail par l'un de ses collègues, ce dont il résultait que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. X... produit les effets d'une démission, en ce qu'il déboute ce dernier de ses demandes au titre de la rupture et en ce qu'il le condamne à payer à la société Y… la somme de un euro à titre de dommages-intérêts pour non-respect du préavis, l'arrêt rendu le 13 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz

Cour de cassation du , pourvoi n°12-15133

Le premier commentaire que nous pouvons faire ressortir de la présente affaire est que tout employeur est tenu à son obligation de sécurité de résultat.

L’agression d’un salarié par un collègue sur son lieu de travail caractérise, selon la Haute juridiction, un manquement de l’employeur dans ce domaine, rendant ainsi la prise d’acte de rupture du contrat de travail basée sur des griefs fondés.

La prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Rappelons les conséquences nombreuses qui doivent être envisagées alors :

Indemnité de licenciement 

Lorsque la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié doit alors obtenir le paiement de l’indemnité de licenciement.

Nota : l’ancienneté prise en compte est celle constatée à la prise d’acte. 

Indemnité compensatrice de préavis  

La prise d’acte a pour effet de rompre le contrat de travail immédiatement, privant ainsi le salarié du bénéfice d’une période de préavis.

L’employeur se trouve donc dans l’obligation de verser une indemnité compensatrice correspondant au préavis dont aurait bénéficié le salarié en cas de licenciement. 

Indemnité compensatrice de congés payés au titre du préavis non effectué  

Conséquence directe, l’entreprise se trouve également redevable d’une indemnité compensatrice de congés payés correspondant à la période de préavis non effectuée, généralement cette indemnité est chiffrée selon la méthode du « 1/10ème ». 

Dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Les valeurs varient selon la taille et l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.

On distingue ainsi 2 situations :

  • Le salarié a moins de 2 ans d’ancienneté et/ou se situe dans une entreprise de moins de 11 salariés ;
  • Le salarié justifie d’une ancienneté d’au moins 2 ans et l’entreprise compte 11 salariés et plus. 

Si le salarié a moins de 2 ans d’ancienneté et/ou se situe dans une entreprise de moins de 11 salariés, il peut obtenir le paiement d’une indemnité dont le montant est fixé souverainement par le juge.

Il n’existe pas de valeur minimale ou maximale. 

Si le salarié a au moins 2 ans d’ancienneté et l’entreprise compte 11 salariés et plus, une réintégration est possible, si ce n’est pas le cas (difficile en fait de l’imaginer), le salarié peut alors prétendre au paiement d’une indemnité dont la valeur minimale est fixée 6 mois de salaires (plus précisément, salaires bruts des 6 derniers mois).  

Article L1235-3

Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse,(…)

le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9. 

Remboursement allocations chômage 

Cette conséquence n’est toutefois envisageable que si le salarié justifie de 2 ans d’ancienneté dans une entreprise qui compte 11 salariés et plus.

Ce remboursement s’applique à tout ou partie des allocations chômage versées au salarié depuis le licenciement jusqu’au jugement, dans la limite de 6 mois. 

Article L1235-4

Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Indemnisation au titre du DIF 

Un récent arrêt de la Cour de cassation envisage également une indemnisation, au titre que le salarié s’est alors trouvé privé de l’utilisation des droits au DIF acquis.

Extrait de l’arrêt

Attendu que le salarié, dont la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est justifiée et qui n'est pas tenu d'exécuter un préavis, a droit à être indemnisé de la perte de chance d'utiliser les droits qu'il a acquis au titre du droit individuel à la formation ;
Attendu que pour rejeter la demande du salarié tendant à obtenir le paiement par la société Y… d'une somme au titre du droit individuel à formation l'arrêt retient que le salarié ne peut prétendre à une indemnisation des heures acquises au titre du DIF depuis 2005 alors qu'il n'a jamais formulé de demande à ce titre comme le suppose l'article L. 6323-10 du code du travail, ni à l'occasion de la prise d'acte de la rupture pour une éventuelle demande pendant le préavis ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; 

Cour de cassation du 18/05/2011 pourvoi 09-69175

Accès à votre contenu même hors ligne

Recevez ce contenu par email

ou
ou

Réagir à cet article

Avez-vous trouvé cet article utile ?

Aucune note, soyez le premier à noter cet article

Votre note :

Commentaires

Aucun commentaire, soyez le premier à commenter cet article

Votre commentaire sera publié après connexion.

Une question sur cet article ?

Posez votre votre question sur le forum

Les questions liées sur le forum