Le retrait du permis de conduire, hors temps de travail, ne justifie pas un licenciement disciplinaire

Jurisprudence
Indemnité de licenciement

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Cet article a été publié il y a 10 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Un salarié est engagé le 29 décembre 1975 en qualité d'inséminateur par une société coopérative agricole d'élevage et d'insémination artificielle.

Il est licencié pour faute grave, le 6 février 2009, pour avoir connu un retrait de permis de conduire.

Ce retrait s’est produit alors qu’il était au volant de son véhicule personnel, l’employeur argumentant et justifiant le licenciement au motif que le salarié n’était alors plus en mesure d’exécuter les fonctions pour lesquelles il l’avait engagé.

Le salarié licencié décide de saisir la juridiction prud’homale.

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande, relevant que le salarié avait fait l’objet d'un contrôle d'alcoolémie à la suite d'un accident de la circulation et que son permis de conduire lui avait été immédiatement retiré.

Le licenciement prononcé était justifié, la faute grave n’étant pas retenue mais la cause réelle et sérieuse. 

Extrait de l’arrêt : 

Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, après avoir constaté que le salarié avait fait l'objet d'un contrôle d'alcoolémie à la suite d'un accident de la circulation et que son permis de conduire lui avait été immédiatement retiré, retient que le motif énoncé dans la lettre de licenciement portait bien sur le comportement du salarié dont l'intempérance grave avait conduit à la suspension de son permis de conduire pendant une longue durée, l'empêchant de poursuivre normalement son activité, ce qui ne rendait pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise mais constituait assurément une cause réelle et sérieuse de licenciement, dès lors que l'attribution principale de l'intéressé impliquait des déplacements habituels à l'aide d'un véhicule ; 

La Cour de cassation n’est pas du tout du même avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel et renvoie les 2 parties devant une nouvelle cour d’appel.

Les juges rappellent qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut en principe justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail, ce qui n’est pas le cas, considèrent les juges, dans l’affaire présente.

Le licenciement était donc prononcé sans cause réelle et sérieuse. 

Extrait de l’arrêt : 

Attendu cependant qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l'exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension de son permis de conduire ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait relevé que le salarié s'était vu retirer son permis de conduire à la suite d'une infraction au code de la route commise en dehors de l'exécution de son contrat de travail, de sorte que son licenciement, dès lors qu'il avait été prononcé pour motif disciplinaire, était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Cour de cassation du , pourvoi n°12-16878

Profitons de l’affaire présente pour nous « pencher » sur le licenciement disciplinaire.

L’employeur qui souhaite procéder à un licenciement disciplinaire, doit être en mesure de prouver qu’il y a eu faute du salarié. 

La faute : définition générale 

Il n’existe pas de définition légale de la faute, la jurisprudence a permis de dégager de nombreux principes, parmi lesquels on peut citer :

  • Une faute est en principe constituée par un acte ou une abstention volontaire ;
  • Constitue une faute tout agissement du salarié considéré comme fautif par l’employeur. 

Faits et agissements qui ne peuvent être considérés comme des fautes : 

A ce sujet, le code du travail dans son article L 1132-1 évoque de nombreuses situations pour lesquelles aucun licenciement ne peut être prononcé à savoir :

  • En raison de l’origine, du sexe, des mœurs du salarié ;
  • De son âge ;
  • De son état de santé ;
  • De son handicap ;
  • De sa grossesse ;
  • De ses opinions politiques, religieuses ou philosophiques ;
  • De son orientation sexuelle ;
  • Etc. 

Article L1132-1

Modifié par LOI n°2008-496 du 27 mai 2008 - art. 6 

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. 

Exemples de fautes disciplinaires : 

  • Le non respect des horaires ;
  • Des absences non autorisées par l’employeur ;
  • Le non respect des consignes d’hygiène et de sécurité ;
  • Des actes d’indiscipline ;
  • Une tenue vestimentaire ;
  • L’alcoolisme au travail ;
  • Le tabagisme au travail ;
  • La négligence, c'est-à-dire l’exécution du travail sans y avoir apporté le soin nécessaire ;
  • La baisse volontaire du rendement dans la réalisation du travail ;
  • L’abandon de poste ;
  • La mauvaise réalisation du travail. 

La faute grave 

Lorsque l’on évoque le licenciement disciplinaire, la notion de « faute grave » est régulièrement abordée.

Pas de définition légale à ce sujet, mais la jurisprudence retient à ce niveau quelques notions fondamentales :

  • La faute grave correspond à des faits imputables au salarié qui constitue une violation du contrat de travail ;
  • La faute grave ne permet pas le maintien du salarié sur son lieu de travail (le licenciement est alors prononcé sans préavis). 

La faute lourde  

  • Une faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à son employeur ou à l’entreprise ;
  • La faute lourde ne permet pas le maintien du salarié sur son lieu de travail (le licenciement est alors prononcé sans préavis). 

Hiérarchie des fautes : 

Si l’on devait faire « un classement » des fautes, des moins importantes aux plus lourdes de conséquences, on pourrait alors proposer la hiérarchie suivante :

  1. Faute légère : qui ne permet pas de motiver un licenciement ;
  2. Faute réelle et sérieuse permettant de procéder à un licenciement ;
  3. Faute grave motivant un licenciement sans préavis et sans versement d’indemnité de licenciement ;
  4. Faute lourde motivant un licenciement sans préavis, sans versement d’indemnité de licenciement et privant le salarié d’une partie de son indemnité compensatrice de congés payés. 

Délai pour sanctionner des faits fautifs

Le code du travail donne une règle très précise concernant le délai pendant lequel l’employeur pourra prononcer une sanction vis-à-vis de son salarié.

Ainsi, un délai de 2 mois au maximum est possible, à partir du moment où l’employeur a connaissance des faits pour prononcer une sanction (blâme, avertissement ou licenciement éventuellement). 

Article L1332-4  

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Prescription des sanctions 

De la même façon, un employeur ne peut prononcer une nouvelle sanction en rappelant des sanctions antérieures au-delà d’un délai de 3 ans. 

Article L1332-5  

Aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction.

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