Des mails personnels enregistrés sur un disque dur professionnel peuvent justifier un licenciement

Jurisprudence
Indemnité de licenciement

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Un salarié est engagé le 1er décembre 2000 en qualité de directeur artistique par une société exerçant une activité d'agence de publicité.

Il est licencié pour faute grave par lettre du 20 mars 2008.

En effet, l’employeur a mandaté un expert informatique pour analyser l'ordinateur de son directeur artistique.

Sur le disque dur, sont découverts des mails  échangés entre le salarié et l'un de ses collègues, à partir de leurs adresses électroniques personnelles, révélant des agissements de concurrence déloyale. 

Le salarié saisit la juridiction prud’homale, estimant son licenciement non justifié.

Selon lui, des mails issus de sa messagerie personnelle ne peuvent être retenus contre lui.

Dans un premier temps, la cour d’appel donne raison au salarié, retenant que l’expert mandaté par la société a accédé aux dossiers et aux fichiers personnels du salarié, ainsi qu'aux courriels échangés entre ce dernier et l'un de ses collègues à partir de leurs adresses électroniques personnelles, en dehors de la présence du salarié qui n'a pas été dûment appelé ou de ses représentants.

Pour la cour d’appel, cela constitue une atteinte au respect de sa vie privée et de ce fait un mode de preuve illicite.

Ainsi dans ces conditions, les constatations effectuées par l'expert pour le compte de la société sont inopposables au salarié.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence ;

Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que selon le rapport établi le 20 mars 2008 par l'expert mandaté par l'employeur, des messages, se trouvant sur le disque dur de l'ordinateur professionnel du salarié, ont été envoyés à ce dernier sur sa messagerie personnelle entre le 20 février 2008 et le 4 mars 2008 et que par ailleurs plusieurs dossiers et fichiers expressément nommés « perso » ou « personnels » découverts sur le disque dur, ont été exclus du rapport d'expertise ; qu'en dehors de la présence de l'huissier de justice qui s'est borné à assister au retrait du disque dur et à la prise de copie de son contenu, l'expert mandaté par la seule société Y & R, a accédé aux dossiers et aux fichiers personnels du salarié, ainsi qu'aux courriels échangés entre ce dernier et l'un de ses collègues à partir de leurs adresses électroniques personnelles ; que cet accès effectué par un tiers mandaté par l'employeur, en dehors de la présence du salarié qui n'a pas été dûment appelé ou de ses représentants, constitue une atteinte au respect de sa vie privée et de ce fait un mode de preuve illicite ; que dans ces conditions les constatations effectuées par l'expert pour le compte de la société Y & R sont inopposables au salarié ;

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, estimant qu’à partir du moment où les fichiers sont enregistrés sur le poste de travail du salarié, ils revêtent alors un caractère professionnel.

Les juges cassent et annulent l’arrêt de la cour d’appel et renvoient les deux parties devant une nouvelle cour d’appel, estimant le licenciement pour faute grave justifié en l’espèce. 

Extrait de l’arrêt 

Qu'en statuant ainsi, alors d'une part qu'elle avait constaté que l'expert avait exclu de son rapport les fichiers et dossiers identifiés comme étant personnels au salarié, ce dont il résultait que l'employeur n'y avait pas eu accès, d'autre part que des courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l'ordinateur mis à disposition du salarié par l'employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu'ils émanent initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Cour de cassation du , pourvoi n°12-12138

Comme le démontre la présente affaire, la question du droit d’accès aux fichiers présents sur le poste de travail du salarié génèrent de nombreux contentieux.

Nous rappellerons d’autres affaires à ce sujet. 

Il ne suffit pas donner le titre « personnel » au disque dur de son PC, pour rendre toutes les données « personnelles » ! 

Dans cette affaire, le salarié estimé qu’en « rebaptisant » sont disque dur professionnel en « disque dur personnel », l’ensemble des fichiers devenaient alors inaccessibles.

Rappelons que figuraient dans le présent dossier, un très grand nombre de fichiers à caractère pornographique ainsi que de fausses attestations.

Le licenciement du salarié est confirmé par la cour d’appel puis la Cour de cassation.

Cour de cassation du 4/07/2012 Pourvoi n°   11-12502 

Si vous souhaitez retrouver l’article en détails à ce sujet, vous pouvez cliquer ici. 

Licenciement prononcé sur des fichiers présents sur une clef USB 

Dans une autre affaire, la Cour de cassation considère que le licenciement d’une salariée est justifié, quand il porte sur des fichiers contenus dans une clef USB, et consultés en l’absence de la salariée en question.

Les juges considèrent que le contenu d’une clé USB connectée à un poste de travail est alors professionnel.

Précision importante, la salariée est licenciée pour faute grave, en raison de la présence sur la clé USB d’informations confidentielles concernant l'entreprise ainsi que des documents personnels de collègues et du dirigeant de l'entreprise. 

Cour de cassation du 12/02/2013 pourvoi 11.28649 

Des photos à caractère pornographique dans le fichier « mes documents » 

Un salarié est licencié en raison de la présence de nombreux fichiers pornographiques et de vidéos de salariés prises contre leur volonté.

La dénomination « mes documents » ne suffisant pas à donner un caractère personnel aux présents fichiers.

Son licenciement pour faute grave, dans un premier temps remis en cause par la cour d’appel, est confirmé par la Cour de cassation. 

Cour de cassation du 10/05/2012 pourvoi 11.13884

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