Un employeur peut lever la clause de non-concurrence en notifiant le licenciement

Jurisprudence
Contrat de travail

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Une salariée est engagée en 1980 dans une société relevant de la Convention collective nationale du personnel des agents immobiliers, en qualité de secrétaire commerciale.

Le 31 mars 1986, son contrat de travail est modifié, elle exerce les fonctions de  "représentant négociateur" salarié puis devient "négociatrice immobilier d'entreprise et revente département syndic" à partir du 1er  janvier 1997.

Son contrat de travail comporte une clause de non-concurrence.

Elle est licenciée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 5 janvier 2009,  contenant renonciation de l'employeur au bénéfice de cette clause.

La salariée saisit la juridiction prud’homale, estimant que la levée de la clause de non-concurrence n’est pas valable.

 Elle se réfère pour cela aux dispositions conventionnelles, prévoyant que la levée de la clause de non-concurrence fasse l’objet d’un courrier séparé.

Extrait de l’arrêt : 

(…) que, cependant, les stipulations de la convention collective nationale de l'immobilier n'ont pas été respectées à la lettre, que la salariée aurait dû être déliée de cette clause par un courrier recommandé adressé dans les 15 jours suivant l'envoi de la lettre de licenciement ;

Extrait de l’Avenant n 31 du 15 juin 2006 relatif au nouveau statut du négociateur immobilier 

Article 9 (1) - Clause de non-concurrence

En vigueur étendu

Le contrat de travail du négociateur immobilier peut contenir une clause de non-concurrence, après la cessation d'activité du négociateur. Cette clause devra être limitée dans le temps et dans l'espace.

En contrepartie de cette clause de non-concurrence le négociateur percevra, chaque mois, à compter de la cessation effective de son activité, et pendant toute la durée de l'interdiction, dans la mesure où celle-ci est respectée, une indemnité spéciale forfaitaire égale à 15 % de la moyenne mensuelle du salaire brut perçu par lui au cours des 3 derniers mois d'activité passés dans l'entreprise, étant entendu que les primes exceptionnelles de toute nature, de même que les frais professionnels en sont exclus.

Dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la rupture du contrat par l'employeur ou le salarié, l'employeur peut néanmoins par lettre recommandée avec accusé de réception :

- renoncer à l'application de la clause de non-concurrence, en portant sa décision par écrit à la connaissance du salarié. Ce dernier, dans ce cas, ne peut prétendre à aucune contrepartie pécuniaire ;

- ou décider de réduire la durée de l'interdiction. L'indemnité due au salarié sera alors réduite dans les mêmes proportions.

La lettre recommandée avec accusé de réception notifiant la décision de l'employeur de renoncer à la clause de non-concurrence ou de la réduire doit être présentée au salarié avant l'expiration du délai de 15 jours susmentionnés. 

Extrait de la Convention collective Immobilier : administrateurs de biens, sociétés immobilières,

IDCC n° 1527 n° de brochure : 3090

La Cour de cassation, dans son arrêt du 24 avril 2013, déboute la salariée de sa demande.

Les juges considèrent que la levée de la clause de non-concurrence dans le corps même de la lettre de licenciement, n’avait que pour objectif de permettre à la salariée de connaitre immédiatement sa liberté de travailler. 

La démarche de l’employeur, pourtant contraire aux dispositions conventionnelles, a ainsi été validée par la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel et renvoie les parties devant une nouvelle cour d’appel. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour condamner la société à payer à la salariée une certaine somme au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l'arrêt retient que l'employeur soutient qu'il a délié la salariée de la clause de non-concurrence dans le dernier paragraphe de la lettre de licenciement en date du 5 janvier 2009, que, cependant, les stipulations de la convention collective nationale de l'immobilier n'ont pas été respectées à la lettre, que la salariée aurait dû être déliée de cette clause par un courrier recommandé adressé dans les 15 jours suivant l'envoi de la lettre de licenciement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la renonciation de l'employeur à la clause de non-concurrence dans la lettre de rupture permettait à la salariée de connaître immédiatement l'étendue de sa liberté de travailler et répondait ainsi à la finalité de la clause autorisant l'employeur à libérer le salarié de son obligation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Y… à payer à Mme X... la somme de 8 000 euros à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 8 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux

Cour de cassation du , pourvoi n°11-26007

Les contentieux concernant la clause de non-concurrence sont assez nombreux, raison pour laquelle nous rappelons ci après quelques notions importantes concernant cette clause particulière du contrat de travail. 

Principe et objectif 

La clause de non-concurrence a pour but d'interdire au salarié, après la rupture de son contrat, l'exercice d'une activité qui porterait préjudice à son ancien employeur.

Conditions de validité ?

Dans le contrat de travail 

Elle doit être insérée clairement dans le contrat de travail (sauf dispositions conventionnelles contraires). 

Respect de la convention collective 

Elle doit respecter les dispositions conventionnelles si celles-ci sont plus favorables. 

La clause de non-concurrence doit respecter très exactement les conditions de fond et de forme éventuellement prévues par la convention collective.  Une clause de non-concurrence non conforme aux dispositions de la convention collective n'est pas nulle pour autant : elle doit être rapportée aux conditions conventionnelles prévues.

Cour de cassation du 2/12/1998.

Lorsqu'une convention collective stipule que l'employeur à la possibilité de convenir d'une clause de non-concurrence avec certains salariés, il lui est alors impossible de conclure une telle clause avec d'autres salariés que ceux visés par la convention collective.

 Cour de cassation du 12/11/1997.

Dans l’intérêt de l’entreprise 

Elle doit nécessairement être justifiée par l'intérêt de l'entreprise et ne pas empêcher le salarié de retrouver un emploi

Cour de cassation du 2/12/1997

 Clause limitée 

La clause de non-concurrence doit être limitée : 

  • Dans le temps

Une clause comportant une durée illimitée n’est pas valable.

Les conventions collectives peuvent parfois encadrer la durée pendant laquelle peut s’exercer la clause.

Si ce n’est pas le cas, les juges apprécieront la durée insérée avec les intérêts de l’entreprise. 

  • Dans l'espace

La limitation de la zone de non-concurrence varie selon que la clientèle est « locale » ou « mondialisée ».

Dans tous les cas de figure, cette délimitation géographique doit être précise et ne pas empêcher encore une fois le salarié de retrouver un emploi. 

  • Dans l'objet (nature des activités interdites)

La clause doit préciser la nature des activités concernées

Signalons que la jurisprudence n'exige pas que la clause obéisse cumulativement à ces trois conditions (temps, espace et objet), l'une ou l'autre de ces limitations, temps ou espace, peut suffire si le salarié conserve la possibilité de poursuivre " son " activité professionnelle. 

Contrepartie financière 

Si la clause ne prévoit aucune contrepartie financière pour le salarié, elle est considérée comme nulle.

Petite particularité, une clause ne prévoyant aucune contrepartie financière MAIS renvoyant vers la contrepartie financière prévue par la convention collective est acceptable, le renvoi vers l’article de la convention collective est alors nécessaire. 

Une contrepartie financière jugée « dérisoire » par les juges peut aboutir au même résultat.

Cour de cassation du 15/11/2006 n° 04-46721

Une contrepartie financière versée en cours de contrat rend la clause totalement nulle et sans effet.

Cour de cassation du 17/11/2010 pourvoi M 09-42.389

La clause prévoyant que la contrepartie financière ne serait pas payée en cas de licenciement pour faute grave ou lourde est nulle

Cour de cassation du 28/06/2006 pourvoi 05-40990

Une récente affaire concernant un salarié qui percevait une compensation financière pendant le contrat et aussi après la rupture du contrat permet de préciser que la valeur éventuellement dérisoire s’évalue uniquement sur la partie versée après la rupture du contrat.

Cour de cassation du 22/06/2011 pourvoi 09-71567 FSPB

Que se passe-t-il à la rupture du contrat de travail ?

Cas numéro 1 : 

L’employeur peut « lever » la clause de non-concurrence lors du départ de son salarié (en pratique, cela se produit assez souvent).

Aucune contrepartie financière n’est alors réglée et le salarié n’est en aucune façon liée par la clause.

Cette renonciation doit nécessairement être prononcée dans le délai prévu par la Convention collective ou le contrat de travail. 

Cas numéro 2 : 

Si l’employeur ne libère pas le salarié de sa clause de non-concurrence, il doit alors régler au salarié les sommes prévues par la clause, au titre de contrepartie financière.

Ces sommes sont considérées comme des salaires, soumises à toutes les cotisations sociales et imposables au titre de l’impôt sur le revenu.

L’employeur doit aussi régler les congés payés correspondant, en pratique beaucoup d’entreprise ajoutent une ligne supplémentaire calculée à 10% de la contrepartie financière en paiement des congés payés dus.

Et si le salarié ne respecte pas la clause de non-concurrence ?

Dans ce cas, l’employeur pourra : 

  • S’adresser au Conseil de prud’hommes afin d’obtenir le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
  • Cesser le paiement de la contrepartie financière bien entendu ;
  • Demander le remboursement de la contrepartie financière versée pour la période de « non respect » de la clause. 

Un petit cas particulier, affaire récemment jugée par la Cour de cassation. 

Lorsqu’une clause de non-concurrence est jugée nulle par la Cour de cassation et que le salarié ne l’a pas respecté, l’employeur doit verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Cour de cassation du 12/01/2011n° 08-45.280

Clause de non-concurrence respectée : indemnité à verser même si elle n’est pas respectée jusqu’au terme

  • Un salarié est engagé le 9/12/2002 en qualité d’ingénieur recherche et développement ;
  • Son contrat de travail contient une clause de non-concurrence ;
  • Le contrat de travail est rompu le 11/08/2005 ;
  • Le 14/11/2005, le salarié est engagé par une société concurrente. 

Le salarié saisit le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir le paiement de la contrepartie financière en rapport avec la clause de non-concurrence pour la période : [11/08/2005 au 13/11/2005] 

La Cour de cassation donne raison au salarié, précisant au passage qu’au-delà de la période de respect de la clause de non-concurrence aucune indemnité n’est due. 

Cour de cassation 6/04/2011 Pourvoi 09-67.498 Arrêt 844 F-D 

Versement de l’indemnité

L’indemnité est due sans que le salarié ait besoin de prouver l’existence d’un quelconque préjudice.

Cour de cassation 31/03/1998 arrêt 96-43016

Elle ne dépend pas de l’ancienneté du salarié, même si cette dernière peut avoir une certaine influence combinée avec d’autres éléments. 

Le montant de l’indemnité ne peut pas être diminué en cas de licenciement pour faute lourde du salarié. 

Date de paiement de l’indemnité

Elle est versée dés le départ effectif du salarié en cas de dispense de préavis.

Cour de Cassation du 15/07/1998 arrêt 96-40866

Il n’est pas possible de prévoir le versement d’une indemnité au-delà de la période concernée par la clause de non concurrence.

Si cela était le cas, la clause de non concurrence serait nulle.

Régime fiscal et social de l’indemnité

Comme nous l’avons indiqué précédemment, la compensation financière versée au titre de la clause de non concurrence a valeur de salaire. 

Elle est donc :

  • Soumise aux cotisations sociales, y compris la CSG et la CRDS ;
  • Imposable au titre de l’impôt sur le revenu. 

Selon la circulaire ARRCO-AGIRC du 7/11/2007 (circulaire 2007-19), l’indemnité doit être considérée comme une « somme isolée ». 

Il est conseillé sur le bulletin de salaire de faire apparaître l’indemnité sur une ligne isolée, en incluant l’indemnité de congés payés correspondante ou en prévoyant une autre ligne pour l’indemnité de congés payés correspondante. 

Sur le calcul de l’indemnité de congés payés : arrêt de la Cour de cassation

Arrêt de la Cour de cassation, Chambre sociale, rendu le 23/06/2010, pourvoi 08-70233

Enfin, l’indemnité doit apparaître sur l’attestation Pôle emploi dans le cadre 7.1 (salaires des 12 derniers mois) ou 7.2 (primes et indemnités de périodicité différente).

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