Quand lever la clause de non-concurrence en cas de démission et de dispense de préavis ?

Jurisprudence
Contrat de travail

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Un salarié est engagé le 29 janvier 2008, en qualité d'ingénieur cadre.

Son contrat de travail stipule une clause de non-concurrence dont il pouvait être libéré par l'employeur  

Extrait de l’arrêt : 

« soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat soit à l'occasion de sa cessation, sous réserve dans ce dernier cas de notifier sa décision par lettre recommandée ». 

Le salarié démissionne le 12 novembre 2008, la fin de son préavis devant intervenir le 12 février 2009.

L'employeur accepte que le salarié quitte l'entreprise le 23 janvier 2009 et a, par courrier du 6 février 2009 adressé le 9 février suivant, libéré celui-ci des obligations de la clause de non-concurrence.

Le salarié saisit  la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment le versement de la compensation financière en raison d’une levée trop tardive de la clause de non-concurrence.

De son côté, l’employeur considérait qu’il avait effectué la levée de la clause de non-concurrence.

Le contrat de travail permettait une renonciation à la cessation du contrat, qui devait s’entendre selon l’employeur à la date d’expiration de la période de préavis initialement applicable, soit le 12 février 2009, nonobstant la dispense qu’il avait accordé à son salarié démissionnaire. 

La cour d’appel puis la Cour de cassation donnent raison au salarié dans cette affaire.

La date de départ effectif de l’entreprise doit s’entendre en l’occurrence au 23 janvier 2009, date à laquelle le salarié avait quitté l’entreprise ayant été dispensé de préavis par son employeur.

C’est à cette date que l’employeur devait éventuellement effectuer la levée de la clause de non-concurrence.

Pour l’avoir effectué après, la contrepartie financière prévue selon la clause de non-concurrence était due au salarié. 

Extrait de l’arrêt : 

Mais attendu qu'en cas de rupture du contrat de travail avec dispense d'exécution du préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l'obligation de non-concurrence, la date d'exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l'entreprise ; qu'il en résulte que l'employeur qui dispense le salarié de l'exécution de son préavis doit, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l'intéressé de l'entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires ;

Attendu que l'arrêt a relevé que, si le préavis s'achevait le 12 février 2009, l'employeur avait accepté que le salarié quitte l'entreprise le 23 janvier 2009 et ne l'avait libéré de son obligation de non-concurrence que par courrier du 6 février 2009 posté le 9 février suivant ;

Qu'il en résulte que la renonciation de l'employeur à l'exécution de l'obligation de non-concurrence était tardive, et que le salarié avait droit au paiement de la contrepartie financière ;

PAR CES MOTIFS :

 REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°11-21150

Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation se penche sur cette clause particulière qu’est la clause de non-concurrence.

L’occasion pour nous de rappeler quelques notions importantes à ce sujet. 

Principe et objectif 

La clause de non-concurrence a pour but d'interdire au salarié, après la rupture de son contrat, l'exercice d'une activité qui porterait préjudice à son ancien employeur. 

Conditions de validité ? 

  • Elle doit être insérée clairement dans le contrat de travail (sauf dispositions conventionnelles contraires) ;
  • Elle doit respecter les dispositions conventionnelles si celles-ci sont plus favorables ;
  • Elle doit nécessairement être justifiée par l'intérêt de l'entreprise et ne pas empêcher le salarié de retrouver un emploi ;
  • Elle doit être limitée dans le temps, dans l’espace et dans l’objet ;
  • Enfin, elle doit comporter une contrepartie financière. 

Quelques précisions concernant la contrepartie financière 

Clause sans contrepartie

Si la clause ne prévoit aucune contrepartie financière pour le salarié, elle est considérée comme nulle.

Petite particularité, une clause ne prévoyant aucune contrepartie financière MAIS renvoyant vers la contrepartie financière prévue par la convention collective est acceptable, le renvoi vers l’article de la convention collective est alors nécessaire. 

Contrepartie dérisoire

Une contrepartie financière jugée « dérisoire » par les juges peut aboutir au même résultat.

Cour de cassation du 15/11/2006 n° 04-46721 

Une récente affaire concernant un salarié qui percevait une compensation financière pendant le contrat et aussi après la rupture du contrat permet de préciser que la valeur éventuellement dérisoire s’évalue uniquement sur la partie versée après la rupture du contrat.

Cour de cassation du 22/06/2011 pourvoi 09-71567 FSPB

Contrepartie versée en cours de contrat

Une contrepartie financière versée en cours de contrat rend la clause totalement nulle et sans effet.

Cour de cassation du 17/11/2010 pourvoi M 09-42.389 

Contrepartie non versée en cas de licenciement pour faute grave ou lourde

La clause prévoyant que la contrepartie financière ne serait pas payée en cas de licenciement pour faute grave ou lourde est nulle

Cour de cassation du 28/06/2006 pourvoi 05-40990

Que se passe-t-il à la rupture du contrat de travail ? 

Cas numéro 1 :

L’employeur peut « lever » la clause de non-concurrence lors du départ de son salarié (en pratique, cela se produit assez souvent).

Aucune contrepartie financière n’est alors réglée et le salarié n’est en aucune façon liée par la clause.

Cette renonciation doit nécessairement être prononcée dans le délai prévu par la Convention collective ou le contrat de travail. 

Cas numéro 2 :

Si l’employeur ne libère pas le salarié de sa clause de non-concurrence, il doit alors régler au salarié les sommes prévues par la clause, au titre de contrepartie financière.

Ces sommes sont considérées comme des salaires, soumises à toutes les cotisations sociales et imposables au titre de l’impôt sur le revenu.

L’employeur doit aussi régler les congés payés correspondant, en pratique beaucoup d’entreprise ajoutent une ligne supplémentaire calculée à 10% de la contrepartie financière en paiement des congés payés dus. 

Date de paiement de l’indemnité 

Elle est versée dés le départ effectif du salarié en cas de dispense de préavis. 

Cour de Cassation du 15/07/1998 arrêt 96-40866 

La présente affaire précise, une fois de plus, que le départ effectif s’entend à la date réelle du salarié et non à la date à laquelle se finissait la période de préavis initialement prévue. 

Nous avions rédigé un article au sujet d’une autre affaire, que vous pouvez retrouver en cliquant ici.

La Cour de cassation avait donné raison aux salariés, estimant que la clause de non-concurrence commence à s’appliquer à la date de notification du licenciement et non à l’expiration du préavis (dont les salariés avaient été dispensés), comme le prétendait l’employeur dans cette affaire. 

Cour de cassation 22/06/2011 Pourvoi 09-68.762 FS-PB

Régime fiscal et social de l’indemnité 

La compensation financière versée au titre de la clause de non concurrence a valeur de salaire.

Elle est donc :

  • Soumise aux cotisations sociales, y compris la CSG et la CRDS ;
  • Imposable au titre de l’impôt sur le revenu. 

Selon la circulaire ARRCO-AGIRC du 7/11/2007 (circulaire 2007-19), l’indemnité doit être considérée comme une « somme isolée ».

Il est conseillé sur le bulletin de salaire de faire apparaître l’indemnité sur une ligne isolée, en incluant l’indemnité de congés payés correspondante ou en prévoyant une autre ligne pour l’indemnité de congés payés correspondante. 

Le droit à l’indemnité de congés payés a été confirmé par un arrêt de la Cour de cassation.

Arrêt de la Cour de cassation, Chambre sociale, rendu le 23/06/2010, pourvoi 08-70233

Enfin, l’indemnité doit apparaître sur l’attestation Pôle emploi dans le cadre 7.1 (salaires des 12 derniers mois) ou 7.2 (primes et indemnités de périodicité différente).

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