Contexte de l'affaire
Une entreprise déclare en 2019 un accident du travail mortel concernant un de ses salariés. Après enquête, la CPAM reconnaît le caractère professionnel de l’accident sans transmettre à l’employeur le rapport d’autopsie. Ce dernier conteste alors la décision pour non-respect du contradictoire. La cour d’appel lui donne raison, estimant que l’absence de ce document médical dans le dossier viole les droits de l’employeur.
Extrait de l'arrêt :
13. La Cour de cassation a jugé qu'il résultait de l'article R. 441-11, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, alors applicable, que la caisse primaire d'assurance maladie, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, devait informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis qui lui sont défavorables et de la possibilité de consulter le dossier avant la date prévue pour sa décision, et que, par l'effet de ces dispositions valant autorisation au sens de l'article 226-14 du code pénal, la caisse était tenue, à peine d'inopposabilité de la décision de prise en charge, de communiquer à l'employeur, sur sa demande, l'entier rapport d'autopsie prévu par l'article L. 442-4 du code de la sécurité sociale (2e Civ., 22 février 2005, pourvoi n° 03-30.308, publié au Bulletin).
14. Cependant, la Cour de cassation vient de juger qu'il résulte de la combinaison des articles L. 1110-4 du code de la santé publique, L. 315-1, V, et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, R. 441-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 016-756 du 7 juin 2016, R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige, et du tableau n° 42 des maladies professionnelles, que l'audiogramme mentionné à ce tableau constitue un élément du diagnostic couvert par le secret médical, de sorte qu'il n'a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale (2e Civ., 13 juin 2024, pourvois n° 22-15.721, n° 22-16.265, n° 22-19.381 et n° 22-22.786, publié au Bulletin).
15. Il convient, en conséquence, de reconsidérer la jurisprudence rappelée au paragraphe 13.
16. En effet, le rapport d'autopsie prévu par l'article L. 442-4 précité, qui comporte des informations sur les causes du décès de la victime, venues à la connaissance des professionnels de santé, est une pièce médicale, couverte comme telle par le secret.
17. Or, il ne peut être dérogé à l'interdiction de communiquer un document ou des données couverts par le secret médical, principe à valeur législative, que par une disposition législative.
18. Cependant, l'article L. 442-4 du code de la sécurité sociale réserve l'initiative de l'autopsie à la caisse et aux ayants droit de la victime et ne prévoit pas que l'autopsie puisse être demandée par l'employeur dans cette phase administrative.
19. En outre, l'employeur ne figure pas au nombre des personnes limitativement énumérées par l'article L. 1110-4, V, alinéa 3, du code de la santé publique, précité, qui peuvent se voir délivrer, par exception au secret médical, les informations concernant la personne décédée contenues dans le rapport d'autopsie.
20. En tout état de cause, aucune autre disposition législative n'autorise l'employeur à obtenir communication de ce rapport au cours de la procédure administrative de prise en charge de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle.
21. Par ailleurs, la sollicitation par les ayants droit de la victime de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ne peut valoir accord implicite à la levée du secret médical.
22. Enfin, l'équilibre entre le droit de la victime au respect du secret médical et le droit de l'employeur à une procédure contradictoire dès le stade de l'instruction de la déclaration de la maladie professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie est préservé par la possibilité pour l'employeur contestant le caractère professionnel de l'accident de solliciter du juge la désignation d'un expert à qui seront remises les pièces composant le dossier médical de la victime (CEDH, décision du 27 mars 2012, Eternit c. France, n° 20041/10).
Commentaire de LégiSocial
Décison de la Cour de cassation
La Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence. Ainsi, elle considère que le rapport d’autopsie constitue une pièce couverte par le secret médical, qui n’a pas à être communiquée à l’employeur dans le cadre de l’instruction par la CPAM. Ce revirement met fin à la jurisprudence de 2005 qui imposait cette transmission sous peine d’inopposabilité. La Cour s’appuie notamment sur un autre arrêt de juin 2024 relatif à la maladie professionnelle et l'équilibre entre le droit de la victime au respect du secret médical et celui de l'employeur dans le cadre de la procédure contradictoire.
Impact pour les employeurs
Cette décision, en continuité de celle de juin 2024, limite les possibilités pour les employeurs de contester la reconnaissance d’un accident du travail. Pour rappel, la reconnaissance d'un accident mortel a des conséquences importantes pour les employeurs et notamment au regard de la tarification accident du travail.