Le fait d’exercer une activité durant un arrêt de travail ne suffit pas à lui seul à la rupture anticipée du CDD par l’employeur

Jurisprudence
Paie CDD

L’exercice d’une activité pour le compte d'une société non concurrente de celle de l'employeur, pendant un arrêt maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté, justifiant la rupture anticipée du CDD par l’employeur.

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Une salariée est engagée en qualité de chargée de mission activité commerciale et qualité tourisme, le 3 mars 2017, par une association, par contrat de travail à durée déterminée de 18 mois et à temps complet.

Elle est placée en arrêt de travail pour maladie du 10 avril 2017 au 12 mai 2017.

Le 24 avril 2017, elle est convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, fixé au 5 mai 2017, dont elle a demandé le report, le 11 mai 2017, en raison de son état de grossesse.

Le 27 mai 2017, elle se voit notifier la rupture par anticipation du contrat de travail pour faute grave.

Elle saisit la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes. 

La cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, par arrêt du 15 juin 2021, déboute la salariée de sa demande, relevant :

  • Qu’il n’était pas discuté que la salariée avait débuté le 10 avril 2017 une formation auprès d’une société en tant que personnel naviguant commercial ;
  • Alors qu'elle était contractuellement liée à son employeur et n'avait pas reçu l'autorisation de s'absenter pour participer à cette formation ;
  • De sorte que la rupture anticipée pour faute grave était justifiée. 

La salariée décide de se pourvoir en cassation.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, indiquant à cette occasion que : 

Vu les articles L. 1243-1 et L. 1243-4 du code du travail :

  1. Sauf accord des parties, le CDD ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail ;
  2. La rupture anticipée du CDD qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors de ces cas, ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat.
  • L'exercice d'une activité, pour le compte d'une société non concurrente de celle de l'employeur, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ;
  • Ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ;
  • Dans un tel cas, pour fonder un « licenciement », l'acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l'employeur.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1243-1 et L. 1243-4 du code du travail :

  1. Selon le premier de ces textes, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.
  1. Selon le second de ces textes, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors de ces cas, ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8 du même code.
  1. L'exercice d'une activité, pour le compte d'une société non concurrente de celle de l'employeur, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt. Dans un tel cas, pour fonder un licenciement, l'acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l'employeur.
  1. Pour juger la rupture anticipée du contrat de travail fondée sur une faute grave, l'arrêt retient qu'il n'est pas discuté que la salariée a débuté le 10 avril 2017 une formation auprès de la société (…) en tant que personnel naviguant commercial, alors qu'elle était contractuellement liée à son employeur et n'avait pas reçu l'autorisation de s'absenter pour participer à cette formation.
  1. Il en déduit que la signature de ce nouveau contrat de travail rémunéré à temps complet, sans l'autorisation expresse de l'employeur, caractérise un manquement de la salariée à son obligation découlant du contrat de travail en cours d'exécution rendant impossible son maintien dans l'office et que la salariée ne saurait utilement invoquer la possibilité d'effectuer une formation pendant un arrêt de travail pour maladie, alors que l'exécution d'un travail rémunéré à temps complet, auquel l'employeur s'est opposé, pendant un arrêt de travail pour maladie qui emporte l'incapacité totale temporaire de travailler de la salariée, caractérise un acte déloyal de cette dernière, rendant tout autant impossible son maintien dans la structure.
  1. En statuant ainsi, alors qu'aucune clause du contrat de travail n'interdisait à la salariée, sauf accord de l'employeur, l'exercice d'une activité autre que son emploi et sans constater que l'activité exercée pendant son arrêt de travail l'avait été pour le compte d'une entreprise concurrente de l'employeur ni caractériser un préjudice directement causé à ce dernier, lié à l'exercice de cette activité, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

  1. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le fondement des critiques précédentes dont il résultera l'absence de toute faute grave imputable à la salariée aura pour conséquence d'emporter la cassation du dispositif de l'arrêt qui l'a déboutée de sa demande de voir juger nul son licenciement du fait de sa grossesse ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

  1. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant la rupture du contrat de travail fondée sur une faute grave entraîne la cassation des chefs de dispositif qui déboutent la salariée de ses demandes tendant à voir juger que son licenciement est nul du fait de sa grossesse, de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul, d'indemnité de fin de contrat, d'indemnité pour violation du statut protecteur de la femme enceinte et d'indemnité en réparation de son préjudice moral, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [J] de sa demande de paiement d'un rappel de salaire au titre de deux primes, l'arrêt rendu le 15 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°21-24434

La présente affaire aborde la rupture anticipée d’un CDD, à l’initiative de l’employeur.

C’est l’occasion pour nous de rappeler quelques notions fondamentales à ce sujet.

Les informations ci-après proposées sont extraites de notre fiche pratique exclusivement consacrée à cette thématique:

Les 5 cas de ruptures anticipées autorisées

Le contrat CDD peut être rompu dans 5 cas limitatifs, qui correspondent à des ruptures autorisées et qui n’entraînent aucune conséquence fâcheuse pour le salarié ou l’employeur.

En aucun cas, ne peuvent être évoqués les termes de « démission » ou « licenciement » pour un contrat CDD, ces « appellations » sont réservées au contrat de droit commun (le seul), à savoir le contrat CDI (Contrat à Durée Indéterminée).

Les 5 cas sont les suivants :

  1. À la demande du salarié et pour un CDI ;
  2. Accord des deux parties (employeur et salarié) ;
  3. Faute grave (ou lourde) du salarié ;
  4. Force majeure ;
  5. En cas d’inaptitude du salarié et impossibilité de reclassement.

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