Pas de travail à l’expiration du CDD requalifié en CDI : la rupture s’analyse en licenciement nul

Jurisprudence
Paie Indemnité de licenciement

Lorsqu’au terme d’un contrat CDD, requalifié en CDI, l’employeur ne fournit plus travail et ne paie plus les salaires, il est alors à l’origine de la rupture qui s’analyse en un licenciement nul.

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Cet article a été publié il y a 2 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Le présent arrêt de la Cour de cassation a déjà fait l’objet d’une publication sur notre site (Requalification d’un CDD en CDI : pas de rappel de salariés pour les périodes interstitielles), mais c’est un autre aspect de l’affaire que nous abordons ici.

Un salarié est engagé du 9 décembre 2006 au 3 août 2014, dans le cadre de 380 contrats CDD, pour exercer les fonctions de chef opérateur pour le compte d’une société de télévisions.

Le 4 juillet 2014, il saisit la juridiction prud'homale de demandes tenant tant à l'exécution qu'à la rupture de la relation contractuelle.

Il considère que l’employeur ne fournissant plus de travail à l’expiration d’un contrat CDD, requalifié en CID, est responsable de la rupture qui s’analyse en un licenciement nul. 

Par arrêt du 17 février 2021, la cour d'appel de Paris déboute le salarié de sa demande, et considère que :

  • En l’absence de rupture du contrat de travail pour un motif illicite ;
  • Il appartient au salarié de démontrer que la fin de la relation de travail intervenue par le seul effet du terme stipulé dans le contrat à durée déterminée résulte de la volonté de l'employeur de porter atteinte au droit du salarié d'obtenir en justice la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée.

Mais la Cour de cassation ne partage pas cet avis, considérant présentement que la cour d’appel qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles L. 1245-1 et L. 1243-5 du code du travail, l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1315, devenu 1353, du code civil.

Elle indique donc que :

  • L'employeur, qui, à l'expiration d'un contrat de travail à CDD ultérieurement requalifié en contrat CDI ;
  • Ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires;
  • Est responsable de la rupture qui s'analyse en un licenciement ouvrant droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture, sans que le salarié puisse exiger, en l'absence de dispositions le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, sa réintégration dans l'entreprise.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1245-1 et L. 1243-5 du code du travail, l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1315, devenu 1353, du code civil :
9. Il résulte de l'effet combiné des trois premiers de ces textes que l'employeur, qui, à l'expiration d'un contrat de travail à durée déterminée ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s'analyse en un licenciement ouvrant droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture, sans que le salarié puisse exiger, en l'absence de dispositions le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, sa réintégration dans l'entreprise.
10. Pour juger que l'interruption de la relation de travail du fait de l'employeur s'analyse en un licenciement nul, ordonner la réintégration du salarié, et condamner l'employeur au paiement d'une indemnité correspondant aux salaires dus depuis la rupture, l'arrêt retient que s'il incombait au salarié d'établir que la société avait interrompu la relation de travail en rétorsion à sa saisine du juge prud'homal et que, pour ce faire, il invoquait seulement l'absence de reconduction de ses contrats à durée déterminée, de son côté la société ne fournissait aucune explication pour justifier la cessation d'une relation contractuelle, régulière et fréquente, établie entre les parties depuis près de neuf ans. Il en déduit que, dans ces conditions, la concomitance entre la saisine du conseil de prud'hommes et la rupture brutale de cette relation contractuelle est bien significative, et, à défaut d'autre motif, traduit la prise en considération de la saisine prud'homale dans sa décision de ne plus recourir à ses services.
11. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de rupture du contrat de travail pour un motif illicite, il appartient au salarié de démontrer que la fin de la relation de travail intervenue par le seul effet du terme stipulé dans le contrat à durée déterminée résulte de la volonté de l'employeur de porter atteinte au droit du salarié d'obtenir en justice la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation prononcée sur les deux moyens est sans incidence sur la condamnation de l'employeur au paiement d'une indemnité de requalification, justifiée par la requalification non remise en cause des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de procédure, prononcée par les premiers juges et confirmée par la cour d'appel.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le contrat à durée indéterminée liant les parties est un contrat à temps complet, fixe le salaire mensuel à la somme de 2 268,09 euros brut, condamne la société (…)à payer à M. X... les sommes de 97 165,48 euros à titre de rappel de salaire entre le 9 décembre 2006 et le 3 août 2014 et de 9716,54 euros à titre de congés payés afférents, et en ce qu'il dit que la rupture est nulle, qu'il ordonne à la société de réintégrer M. X... en son sein aux conditions de classification et de salaire précisées par l'arrêt, qu'il l'invite à lui remettre un contrat de travail mentionnant notamment, ces conditions, et la condamne à lui payer la somme de 97 278,56 euros à titre d'indemnité pour rupture illicite du contrat de travail, outre la somme de 3 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 2 octobre 2018, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°18-23989

Dans cette affaire, l’employeur ne remplissait pas 2 de ses obligations, à savoir :

  1. Fournir du travail ;
  2. Et payer les salaires.

Rappelons que ces 2 conditions font partie du « package » permettant de reconnaitre l’existence d’une relation contractuelle, que nous rappelons ici de façon synthétique et pragmatique :

Ce qui définit un contrat de travail

On dit parfois que le contrat de travail est un contrat « synallagmatique », c’est à dire que les obligations du salarié doivent être équivalentes à celles de l’employeur. 

La Cour de Cassation s’est prononcée de nombreuses fois afin de savoir si deux personnes étaient liées ou non par un contrat de travail. 

Il faut avoir à l’esprit qu’il y a contrat de travail, à partir du moment où 3 éléments sont cumulativement respectés.

  1. Prestation : le salarié doit réaliser un travail pour lequel a été conclu le contrat de travail ET l’employeur doit lui fournir du travail. 
  1. Subordination : le salarié exerce son activité sous les ordres de son employeur. 
  1. Rémunération : toute personne ayant un contrat de travail doit être rémunérée selon le travail réalisé, sinon il s’agit d’un acte de bénévolat. 

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