Mentir sur son CV : quels sont les risques ?

Actualité

Mentir sur son CV : quels sont les risques ?

Mentir sur son CV : quels sont les risques ?
Publié le
Temps de lecture 5 min.
Télécharger en PDF

D'après les révélations de plusieurs médias, le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu a reconnu ne pas être diplômé d’un master de droit public, ce qu’il indiquait pourtant depuis 2016. Son CV sur les pages officielles du gouvernement a été modifié, passant de « diplômé d’un master de droit public de l’université Panthéon-Assas » à « études de droit à l’université Paris-2 Panthéon Assas ».

En Espagne, ce type de mensonge a, dans le passé, poussé à la démission une députée,Noelia Núñez, qui avait assuré être diplômée en droit, en administration publique et en philologie anglaise avant d’admettre avoir entamé des études sans jamais les avoir finies.

Voici l'occasion de faire le point sur les conséquences juridiques du mensonge d'un salarié sur son CV.

Mentir sur son CV n’est pas en soi une cause de licenciement. En effet, la jurisprudence considère que la mention dans un CV d’une expérience imprécise et susceptible d’une interprétation erronée ou d’une fausse durée d’emploi ou d’intitulé exact du poste occupé ne justifie pas nécessairement un licenciement.

Toutefois, la production d’un CV mensonger peut justifier un licenciement si le mensonge a été un élément déterminant dans la décision d’un employeur de recruter le candidat.

Un employeur peut licencier un salarié qui a menti sur son CV pour faute en raison de ses manœuvres dolosives qui l’ont déterminées à le recruter.

Exemples : 

  • Le fait d'avoir fourni une fausse carte d'identité, une fausse adresse et un faux numéro de sécurité sociale constituent des manœuvres dolosives qui ont faussé le consentement de l'employeur, justifiant que soit prononcée la nullité du contrat de travail (CA Paris, 23 octobre 2024, n° 21/09489).
  • Est validé le licenciement d’un salarié qui s’était faussement prévalu d’un DESS et d’une formation en école de commerce. Ces fausses informations ont été considérées comme déterminantes dans la décision d’embauche (Cass. soc., 17 octobre 1995, n° 94-41.239).
  • Un directeur régional des ventes avait menti sur une expérience dans une société spécialisée. La Cour de cassation a confirmé son licenciement pour faute grave, cette expérience fictive ayant été déterminante lors de son recrutement (Cass. soc., 25 novembre 2015, n° 14-21.521).
  • Le fait d'avoir intentionnellement et faussement indiqué être libre de tout engagement, alors qu'elle se trouvait liée avec son ancien employeur par une clause de non-concurrence constituent des manœuvres dolosives qui ont faussé le consentement de l'employeur, justifiant que soit prononcée la nullité du contrat de travail (CA Paris, 26 septembre 2024, n° 22/00985).

La production de faux diplômes caractérise néanmoins un délit de faux, et peut être puni au titre de l’article 441-1 du Code pénal. L’alinéa 2 de ce même article prévoit une peine d’emprisonnement de 3 ans ainsi qu’une amende de 45 000 euros. Dans cette hypothèse, le salarié s’expose à une condamnation pénale si l’employeur est en mesure de caractériser le préjudice subi.

Attention toutefois ! Tout employeur doit particulièrement être vigilant lors de la procédure d’embauche.

En effet, un employeur est tenu de s’assurer, dès l’embauche, que le candidat au poste a l’expérience, la qualification et les compétences requises. A défaut, il ne peut pas obtenir la nullité du contrat de travail.

Par un arrêt en date du 9 juin 2017 (Cass. soc., 9 juin 2017, n° 16-15.244), la Cour de cassation a réaffirmé ce principe : un employeur, qui ne vérifie pas que le salarié embauché possède le diplôme requis pour occuper le poste à pourvoir, ne peut se prévaloir de sa négligence pour invoquer la nullité du contrat de travail.

En l'espèce, un pharmacien d’officine avait embauché une salariée en CDD en vue d’assurer son remplacement. A posteriori, il avait découvert que la salariée embauchée n’était pas diplômée du titre de pharmacienne, et qu’elle n’était pas inscrite au tableau de l’Ordre. Or, le Code de la santé publique impose l’obtention de ce diplôme afin de remplacer le pharmacien titulaire de l’officine. L’employeur avait donc sollicité la nullité du contrat de travail de la salariée. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi du pharmacien estimant que l'employeur n’avait pas vérifié que la remplaçante était diplômée et inscrite au tableau de l’ordre des pharmaciens, et qu’il ne pouvait donc se prévaloir de sa négligence pour invoquer la nullité du CDD. Il relevait de la responsabilité du pharmacien de procéder à ces vérifications.