La Cour de cassation assouplit le régime social des indemnités de rupture

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Paie Indemnité de licenciement

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Cet article a été publié il y a 5 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Deux arrêts de la Cour de cassation, qualifiés par certains de « coup de tonnerre » sont venus apporter une précision et un éclaircissement du régime social des indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail.

Selon cet arrêt, certaines indemnités bénéficient d’une exonération sociale nonobstant le fait qu’elles ne soient pas visées par l’article 80 duodecies du CGI.

La présente actualité vous en dit plus.

La règle habituelle

Selon l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale, bénéficient d’une exonération sociale (dans la limite de 2 PASS), la part des indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail qui n'est pas imposable en application de l'article 80 duodecies du CGI. 

En d’autres termes:

  • Les indemnités non visées par l’article 80 duodecies sont soumises à cotisations sociales ;
  • Il existe un alignement du régime social sur le régime fiscal (dans la limite de 2 PASS). 

Exemples d’indemnités visées par l’article 80 duodecies du CGI 

Rappelons que se retrouvent notamment les indemnités suivantes :

  • L’indemnité de licenciement,
  • L’indemnité versée dans le cadre d’une mise à la retraite ;
  • L’indemnité de rupture conventionnelle conclue avec un salarié qui n’est pas en droit de bénéficier d’une pension de retraite ;
  • Les dommages et intérêts versés en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Article L242-1 

Modifié par LOI n°2017-1836 du 30 décembre 2017 - art. 8 (V)

Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dues pour les périodes au titre desquelles les revenus d'activité sont attribués, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d'une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu'elle prenne la forme, notamment, d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire.

L'avantage correspondant à la différence définie au II de l'article 80 bis du code général des impôts est considéré comme une rémunération lors de la levée de l'option. En revanche, sont exclus de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa du présent article les avantages mentionnés au I des articles 80 bis et 80 quaterdecies du même code si l'employeur notifie à son organisme de recouvrement l'identité de ses salariés ou mandataires sociaux auxquels des actions ont été attribuées au cours de l'année civile précédente, ainsi que le nombre et la valeur des actions attribuées à chacun d'entre eux. A défaut, l'employeur est tenu au paiement de la totalité des cotisations sociales, y compris pour leur part salariale. Il en est de même lorsque l'attribution est effectuée par une société dont le siège est situé à l'étranger et qui est mère ou filiale de l'entreprise dans laquelle l'attributaire exerce son activité.

Il ne peut être opéré sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul des cotisations de sécurité sociale, de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel. Il ne pourra également être procédé à des déductions au titre de frais d'atelier que dans les conditions et limites fixées par arrêté ministériel.

Ne seront pas comprises dans la rémunération les prestations de sécurité sociale versées au bénéfice de leurs salariés, anciens salariés et de leurs ayants droit par l'entremise de l'employeur.

Sont exclues de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa les contributions mises à la charge des employeurs en application d'une disposition législative ou réglementaire ou d'un accord national interprofessionnel mentionné à l'article L. 921-4, destinées au financement des régimes de retraite complémentaire mentionnés au chapitre Ier du titre II du livre IX ou versées en couverture d'engagements de retraite complémentaire souscrits antérieurement à l'adhésion des employeurs aux institutions mettant en oeuvre les régimes institués en application de l'article L. 921-4 et dues au titre de la part patronale en application des textes régissant ces couvertures d'engagements de retraite complémentaire.

Sont exclues de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance versées au bénéfice de leurs salariés, anciens salariés et de leurs ayants droit par les organismes régis par les titres III et IV du livre IX du présent code ou le livre II du code de la mutualité, par des entreprises régies par le code des assurances ainsi que par les institutions mentionnées à l'article L. 370-1 du code des assurances et proposant des contrats mentionnés à l'article L. 143-1 dudit code, à la section 9 du chapitre II du titre III du livre IX du code de la sécurité sociale ou au chapitre II bis du titre II du livre II du code de la mutualité lorsque ces garanties entrent dans le champ des articles L. 911-1 et L. 911-2 du présent code, revêtent un caractère obligatoire et bénéficient à titre collectif à l'ensemble des salariés ou à une partie d'entre eux sous réserve qu'ils appartiennent à une catégorie établie à partir de critères objectifs déterminés par décret en Conseil d'Etat :

1° Dans des limites fixées par décret, pour les contributions au financement d'opérations de retraite déterminées par décret ; l'abondement de l'employeur à un plan d'épargne pour la retraite collectif exonéré aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 443-8 du code du travail est pris en compte pour l'application de ces limites ;

2° Dans des limites fixées par décret, pour les contributions au financement de prestations complémentaires de prévoyance, à condition, lorsque ces contributions financent des garanties portant sur le remboursement ou l'indemnisation de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, que ces garanties soient conformes aux dispositions de l'article L. 871-1. Le sixième et le présent alinéas sont applicables aux versements de l'employeur mentionnés à l'article L. 911-7-1.

Toutefois, les dispositions des trois alinéas précédents ne sont pas applicables lorsque lesdites contributions se substituent à d'autres éléments de rémunération au sens du présent article, à moins qu'un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l'élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement desdites contributions.

Les personnes visées au 20° de l'article L. 311-3 qui procèdent par achat et revente de produits ou de services sont tenues de communiquer le pourcentage de leur marge bénéficiaire à l'entreprise avec laquelle elles sont liées.

Sont également pris en compte, dans les conditions prévues à l'article L. 613-1, les revenus tirés de la location de tout ou partie d'un fonds de commerce, d'un établissement artisanal, ou d'un établissement commercial ou industriel muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation, que la location, dans ce dernier cas, comprenne ou non tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d'industrie, lorsque ces revenus sont perçus par une personne qui réalise des actes de commerce au titre de l'entreprise louée ou y exerce une activité.

Est exclue de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa, dans la limite d'un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond mentionné à l'article L. 241-3, la part des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail ou de la cessation forcée des fonctions de mandataires sociaux, dirigeants et personnes visées à l'article 80 ter du code général des impôts qui n'est pas imposable en application de l'article 80 duodecies du même code. Toutefois, les indemnités versées à l'occasion de la cessation forcée des fonctions de mandataires sociaux, dirigeants et personnes mentionnées à l'article 80 ter du code général des impôts d'un montant supérieur à cinq fois le plafond annuel défini par l'article L. 241-3 du présent code et celles, versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail, d'un montant supérieur à dix fois ce même plafond sont intégralement assimilées à des rémunérations pour le calcul des cotisations visées au premier alinéa du présent article. Lorsque les mandataires sociaux, dirigeants et personnes mentionnés à l'article 80 ter du code général des impôts perçoivent à la fois des indemnités à l'occasion de la cessation forcée de leurs fonctions et des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail, il est fait masse de l'ensemble de ces indemnités ; la somme de ces indemnités est intégralement assimilée à des rémunérations pour le calcul des cotisations mentionnées au premier alinéa du présent article dès lors que le montant de ces indemnités est supérieur à cinq fois le plafond annuel défini au même article L. 241-3.

NOTA : 

Conformément au III de l'article 13 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017, ces dispositions s'appliquent aux périodes courant à compter du 1er janvier 2018.

Article 80 duodecies

Modifié par LOI n°2016-1918 du 29 décembre 2016 - art. 116

  1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes.

Ne constituent pas une rémunération imposable :

1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-1, L. 1235-2, L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail ;

2° Les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail ; (…) 

Quelques exemples 

Quelques arrêts ont été ainsi rendus en application de cette règle dite « habituelle » :

  • En cas de rupture anticipée d’un contrat CDD avec versement d’une indemnité transactionnelle ;

Cour de cassation chambre civile 2 Audience publique du jeudi 6 juillet 2017

N° de pourvoi: 16-17959 Publié au bulletin

  • Au titre du versement de l’indemnité pour violation du statut protecteur d’un salarié protégé. 

Cour de cassation du 21 décembre 2017, pourvoi n° 16-26912

Une nouvelle règle désormais assouplie 

Au travers de 2 arrêts, la Cour de cassation rompt avec sa jurisprudence habituelle et indique que :

  1. La soumission aux cotisations sociales des indemnités non visées par l’article 80 duodecies du CGI n’est désormais plus automatique;
  2. Ces indemnités peuvent bénéficier d’un régime d’exonération sociale, sous réserve que l’employeur apporte la preuve que la somme en question vise à indemniser un préjudice.

2 arrêts qui illustrent cette nouvelle règle 

Nous disposons désormais de 2 arrêts qui viennent illustrer cette nouvelle règle d’assujettissement aux cotisations sociales.

Arrêt de la Cour de cassation du 15 mars 2018, pourvoi 17-11336 

Dans cette affaire, étaient concernés plusieurs salariés qui avaient informé la direction de faire valoir leurs droit à la retraite.

Comme l’indique d’ailleurs l’arrêt, à chaque fois la société se déclarait « surprise », et considérait que les sommes versées aux salariés visaient à réparer un préjudice subi, les salariés contestaient présentement le caractère volontaire de leur départ à la retraite.

Faute pour l’employeur de prouver que les indemnités de rupture compensaient un préjudice pour les salariés, elles devaient en conséquence entrer dans l’assiette des cotisations sociales

Extrait de l’arrêt :

Et attendu que l'arrêt retient que les courriers adressés par les salariés concernés, prenant acte de leur départ en retraite, commencent par les termes : "Dans les conditions actuelles d'exercice de ma collaboration, je vous informe par la présente de ma décision de faire valoir mes droits à la retraite", chaque salarié précisant qu'il fera valoir ses droits à la retraite au terme de son préavis ; que certains salariés demandent rapidement, en fait, à ne pas effectuer l'intégralité de leur préavis ; qu'en réponse à ces lettres, la société va toujours se déclarer surprise ; qu'en réplique, chacun des salariés va saisir l'occasion pour contester le caractère volontaire du départ et la situation pécuniaire difficile dans laquelle ils se retrouvent placés ; que la plupart des courriers par lesquels la société, tout en se disant surprise de la demande du salarié, accepte la décision de celui-ci, sont signés par M. Y... (ou en son nom), alors que lui-même a utilisé exactement les mêmes termes dans la lettre qu'il a adressée à la société pour l'informer de sa décision de faire valoir ses droits à la retraite, le 14 septembre 2007 ; que les protocoles ont prévu que les indemnités seront soumises à cotisations sociales et qu'il est impossible dès lors de considérer qu'elles ont le caractère de dommages-intérêts ;
Que de ces constatations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, faisant ressortir que la société ne rapportait pas la preuve que les indemnités litigieuses compensaient un préjudice pour les salariés, la cour d'appel en a exactement déduit que les sommes en cause devaient entrer dans l'assiette de cotisations sociales ;  

Cour de cassation chambre civile 2 Audience publique du jeudi 15 mars 2018 
N° de pourvoi: 17-11336 Publié au bulletin 

Arrêt de la Cour de cassation du 15 mars 2018, pourvoi 17-10325 

Dans cette seconde affaire, étaient concernés plusieurs salariés qui avaient bénéficié d’une indemnité transactionnelle faisant suite à un licenciement pour faute grave.

Tout comme l’avait fait avant elle la Cour d'appel d'Aix-en-Provence dans son arrêt du 2 novembre 2016, la Cour de cassation considérait présentement que :

  • La preuve était rapportée par la société que l'indemnité transactionnelle litigieuse avait un fondement exclusivement indemnitaire;
  • Et qu’elle ne devait donc pas entrer dans l'assiette des cotisations sociales

Extrait de l’arrêt :

Et attendu que l'arrêt retient que les termes des protocoles sont clairs, précis, sans ambiguïté et que la volonté des parties y est clairement exprimée ; que la rupture du contrat de travail reste un licenciement pour faute grave et l'indemnité transactionnelle ne comporte aucune indemnité de préavis et de licenciement ; que le salarié n'exécutera aucun préavis et s'engage à ne demander aucune autre indemnité et à ne poursuivre aucun contentieux ; qu'il relève qu'il importe peu que la phrase "le salarié renonce à demander une indemnité de préavis" ne figure pas en toutes lettres dans chaque document alors que ce dernier "renonce expressément à toute demande tendant au paiement de toute indemnité et/ou somme de toute nature résultant de la conclusion, de l'exécution et/ou de la rupture de son contrat" ;
Que de ces constatations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, faisant ressortir que la preuve était rapportée par la société que l'indemnité transactionnelle litigieuse avait un fondement exclusivement indemnitaire, la cour d'appel en a exactement déduit que celle-ci n'entrait pas dans l'assiette des cotisations sociales ;
D'où il suit que manquant en fait en sa première branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation chambre civile 2 Audience publique du jeudi 15 mars 2018 
N° de pourvoi: 17-10325 Publié au bulletin  

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Commentaires

JR
jack RICA Posté il y a 5 ans
oui j'ai trouvé cette article très utile

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