Le temps de trajet domicile-client des salariés itinérants, n’est pas rémunéré comme du travail effectif

Jurisprudence
Paie Temps travail effectif

Comment doit-on considérer les temps de déplacements des salariés itinérants ? Voilà la question à laquelle répond présentement la Cour de cassation.

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Cet article a été publié il y a 5 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Un salarié est engagé le 18 janvier 1979 en qualité de technicien SAV itinérant.

Selon un avenant du 26 novembre 1996, le salarié est rémunéré selon un horaire fixe de 42 heures hebdomadaires, auquel s'ajoutait un forfait de 16 heures hebdomadaires au titre des déplacements professionnels.

Le salarié saisit la juridiction prud'homale, faisant valoir que ses temps de trajet devaient être considérés comme du temps de travail effectif en application de l'article 2 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 10 septembre 2015 C-266/14.

De ce fait, le salarié estimait qu’il ouvrait droit au paiement d’heures supplémentaires, ainsi qu’au versement de dommages-intérêts au titre du non-respect des repos compensateurs et de la durée maximale hebdomadaire de travail. 

La Cour d'appel de Lyon, dans son arrêt du 17 mai 2016, déboute le salarié de sa demande. 

La Cour de cassation confirme cet arrêt, rejetant à ce titre le pourvoi formé par le salarié. 

Elle rappelle à cette occasion que :

  • Le temps de déplacement qui dépasse le temps normal de trajet doit faire l’objet d’une contrepartie, soit sous forme de repos, soit sous forme financière ;
  • Le salarié avait bénéficié d’un forfait au titre de ses déplacements professionnels ;
  • De sorte qu’il avait été indemnisé des temps correspondants. 

Extrait de l’arrêt :

Et attendu que la cour d'appel, après avoir exactement retenu par motifs adoptés qu'en application de l'article L. 3121-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le temps de déplacement qui dépasse le temps normal de trajet doit faire l'objet d'une contrepartie, soit sous forme de repos, soit sous forme financière, a estimé que le salarié avait été indemnisé de ses temps de déplacement ; (…)

Attendu, ensuite, qu'aux termes de l'article L. 3121-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas du temps de travail effectif ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a exactement retenu, par motifs propres et adoptés, que le temps de déplacement ne pouvait être additionné au forfait horaire hebdomadaire et, par voie de conséquence, pris en compte pour le calcul des durées quotidiennes et hebdomadaires maximales, a, par ces seuls motifs, et sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation du , pourvoi n°16-20634

Cette affaire est pour nous l’occasion de rappeler les notions de base concernant le temps de déplacement du salarié.

Quelques rappels…

Rappel de la jurisprudence de 2004 

Avant de donner la définition du temps de déplacement, il est bon d’avoir à l’esprit une jurisprudence de la cour de cassation de 2004.

Les juges avaient indiqué alors que :

  • Si le temps de déplacement est supérieur aux temps normal, alors ce dépassement constitue du temps de travail. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu, d'abord, que le temps de trajet pour se rendre d'un lieu de travail à un autre lieu de travail constitue un temps de travail effectif ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que les salariés devaient se rendre pour l'embauche et la débauche à l'entreprise et qu'ils étaient dès lors à la disposition de l'employeur et ne pouvaient vaquer à des occupations personnelles, a exactement décidé que le temps de transport entre l'entreprise et le chantier constituait un temps de travail effectif ;

Attendu, ensuite, que c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que le temps de travail effectif ne peut être rémunéré sous forme de primes et a refusé de déduire de la créance des salariés au titre des heures supplémentaires les sommes payées au titre d'indemnités de transport ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ; 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 16 juin 2004 
N° de pourvoi: 02-43685 02-43690 Publié au bulletin 

La loi du 18 janvier 2005 

La loi de 2005 met fin à cette position afin de donner une définition légale du temps de déplacement.

C’est l’article 69 de la dite de « cohésion sociale » qui donne la définition du temps de déplacement comme suit :

Loi n°2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale

Article 69

Après le troisième alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :


« Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière, déterminée par convention ou accord collectif ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'ils existent. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail ne doit pas entraîner de perte de salaire. » 

Conclusions

  1. Le temps de déplacement professionnel correspond au temps passé par le salarié pour se rendre de son domicile à son travail et vice versa ;
  2. Le temps de déplacement professionnel n’est pas du temps de travail effectif ;
  3. Toutefois, lorsque le temps de déplacement dépasse le « temps normal », il doit faire l’objet d’une contrepartie.

Définition générale

L’article L 3121-4 est modifié, la nouvelle version en vigueur au 10 août 2016 est la suivante :

Article L3121-4

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.

Ne pas confondre avec le temps de mission

La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail ne doit pas entraîner de perte de salaire.

Il s’agit en l’occurrence de temps de déplacement dans le cadre d’une mission, à rémunérer comme temps de travail effectif « La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire. » 

Prise en compte du handicap 

Est également proposé l’article L 3121-5 (auparavant consacré aux astreintes) qui instaure une nouvelle disposition selon laquelle, le temps de trajet majoré du fait d’un handicap peut faire l’objet d’une contrepartie sous forme de repos. 

Article L3121-5

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

Si le temps de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail est majoré du fait d'un handicap, il peut faire l'objet d'une contrepartie sous forme de repos. 

Contreparties 

Dans le cadre du champ de la négociation collective, l’article L 3121-7 (auparavant consacré au régime d’astreinte) confirme qu’une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche prévoit des contreparties lorsque le temps de déplacement professionnel mentionné à l'article L. 3121-4 dépasse le temps normal de trajet.

Article L3121-7

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V) (…)

Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche prévoit des contreparties lorsque le temps de déplacement professionnel mentionné à l'article L. 3121-4 dépasse le temps normal de trajet.

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