Refuser l’embauche d’un salarié parce qu’il est du sexe masculin n’est pas licite

Jurisprudence
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Une personne présente sa candidature pour occuper un poste de surveillant d'enfants en milieu scolaire auprès d’une association, dont l'objet est de favoriser l'embauche de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières.

Il voit sa candidature rejetée le 19 novembre 2012.

Invoquant une discrimination en raison de son sexe, il décide de saisir la juridiction prud'homale d'une demande indemnitaire. 

Dans un premier temps, le Conseil de prud’hommes déboute ce monsieur de sa demande, mettant en avant les faits suivants : 

  • Son profil n’avait pas été retenu car celui-ci n'avait pas de référence dans le domaine administratif ou en surveillance de cantine ;
  • Qu’il ne souhaitait pas intervenir en manutention ou entretien, offres dont l'association disposait en plus grand nombre ;
  • Et que tous les emplois d'aide à la vie scolaire concernant le ménage ou la surveillance des enfants à la cantine étaient des emplois « qu'on réserve plutôt au personnel féminin parce qu'il n'y a pas assez de propositions ou de missions pour les femmes », l'adverbe « plutôt » employé indiquait une « préférence »  et non pas une « exclusivité » d'un emploi réservé aux femmes. 

Sa candidature n’avait ainsi pas été écartée « au regard de son sexe » mais d’abord parce qu’il  refusait les missions de manutention et autres travaux à caractère plus physique.

Il s’agissait en l’espèce plus d’une pratique que d'une intention malveillante de la part de l'association. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour rejeter cette demande, le jugement retient que lors de la réunion de coordination insertion du 15 novembre 2012, le profil de M. X... n'a pas été retenu car celui-ci n'avait pas de référence dans le domaine administratif ou en surveillance de cantine ; que le représentant de l'association (…), dans son message téléphonique laissé à l'intéressé le 19 novembre 2012, a déclaré que sa candidature avait été rejetée au motif qu'il ne souhaitait pas intervenir en manutention ou entretien, offres dont l'association disposait en plus grand nombre, et que tous les emplois d'aide à la vie scolaire concernant le ménage ou la surveillance des enfants à la cantine étaient des emplois « qu'on réserve plutôt au personnel féminin parce qu'il n'y a pas assez de propositions ou de missions pour les femmes » ; que l'adverbe « plutôt » employé dans ce message téléphonique indique une préférence et non pas une exclusivité d'un emploi réservé aux femmes, que la candidature de M. X... a été écartée d'abord parce qu'il refusait les missions de manutention et autres travaux à caractère plus physique et non au regard de son sexe, qu'il s'agit plus d'une pratique que d'une intention malveillante de la part de l'association ; 

Mais la Cour de cassation ne l’entend pas ainsi, elle casse et annule le jugement du conseil de prud’hommes, renvoyant les deux parties devant le conseil de prud’hommes de Saumur.

Elle rappelle à cette occasion les termes de l’article L 1132-1 du code du travail, indiquant que nul ne peut être écarté d’une procédure de recrutement en raison de son sexe. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu cependant que, selon l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement en raison de son sexe ;

Qu'en statuant comme il l'a fait, alors qu'il avait constaté que l'association Tremplin travail avait écarté la candidature de M. X... au motif que l'emploi sur lequel il postulait était réservé aux femmes, ce dont il résultait que la décision de l'association, fondée sur une discrimination en raison du sexe de l'intéressé, était illicite, peu important que l'association ait invoqué d'autres motifs à l'appui de sa décision, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 5 décembre 2013, entre les parties, par le conseil de prud'hommes d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Saumur ;

Cour de cassation du , pourvoi n°14-25736

Nous rebondissons sur le présent arrêt, pour rappeler les traitements qui pourraient être considérés comme discriminatoires en matière de recrutement.

Les entretiens d’embauche : principes fondamentaux

Lorsque l’entreprise envisage de recruter un nouveau salarié, l’étape incontournable est l’entretien d’embauche.

Qui fait passer l’entretien ? 

  • Cabinet de recrutement

Si l’entreprise souhaite faire appel à des services extérieurs, il est d’usage d’utiliser un cabinet spécialisé dans le recrutement dénommé assez fréquemment « chasseur de têtes ».

L’entretien d’embauche fera donc partie de la mission confiée à ce spécialiste du recrutement.

  • Dans l’entreprise

Dans le cas contraire, ce sera l’employeur ou la personne qui est en charge du recrutement au sein de la société qui se chargera de la procédure. 

Entretien d’embauche : ne pas écarter des personnes pour de mauvaises raisons

Le chef d’entreprise devra veiller à ne pas écarter certaines personnes de l’entretien d’embauche pour des raisons illicites.

Le code du travail à ce sujet indique dans son article L 1132-1 (modifié très récemment par la loi du 21/02/2014 et auquel la Cour de cassation se réfère dans le présent arrêt), que nul ne peut être écarté d’un entretien d’embauche selon :

  • Son origine ;
  • son sexe ;
  • son âge ;
  • ses mœurs ;
  • sa situation de famille ;
  • sa grossesse ;
  • son lieu de résidence (nouveau motif de discrimination introduit par la loi du 21/02/2014) ;
  • etc.

Article L1132-1  

Modifié par LOI n°2014-173 du 21 février 2014 - art. 15

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Les questions pendant la procédure d’embauche

Les limites à respecter 

Le code du travail au travers de son article L 1221-6, fixe des limites sur les informations demandées au salarié pendant l’entretien d’embauche.

Ainsi, l’employeur ne peut demander que ce qui peut lui permettre d’évaluer les capacités du salarié à remplir les fonctions qui lui seraient proposées en cas d’embauche.

De son côté, le salarié est obligé de répondre en toute bonne foi.

Article L1221-6

Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier sa capacité à occuper l'emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles.

Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles.

Le candidat est tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d'informations.

Une circulaire de la DRT 93-10 du 15/03/1993 précise que cela peut correspondre à des questions liées :

  • aux compétences du candidat ;
  •  à ses connaissances techniques ;
  • à ses facultés d'adaptation ou son aptitude à s'intégrer dans une équipe ou à l'animer ;
  • à ses potentialités à évoluer vers d'autres emplois dans l'entreprise. 

Les questions extra-professionnelles 

La même circulaire précise en ce qui concerne les questions « extra-professionnelles » que : 

« Qu’aucune conséquence ne peut être tirée de l’absence de réponse ou du caractère inexact ou erroné de la réponse émanant du candidat ou du salarié, sous réserve naturellement de l’appréciation des tribunaux éventuellement saisis sur l’existence ou non d’un lien direct et nécessaire entre ces informations et l’emploi proposé ou l’évaluation des aptitudes professionnelles ». 

Il est donc tout à fait possible de poser au candidat des questions sur :

  • Son état civil ;
  • Ses titres, diplômes, formations ;
  • Ses emplois précédents ;
  • Une éventuelle clause de non-concurrence le liant avec un autre employeur ;
  • Une clause d’exclusivité éventuelle.

Les questions interdites 

D’une manière générale, toutes les questions relatives à la vie privée ne sont pas autorisées.

Ainsi la personne chargée de l’entretien de recrutement n’est pas en droit d’interroger le candidat sur :

  • Sa situation familiale (êtes vous marié(e) ?, avez-vous des enfants ?, que fait votre mari/femme dans la vie ?) ;
  • Ses convictions religieuses (êtes-vous chrétien, juif, musulman, etc. ?) ;
  • Ses appartenances syndicales (faites-vous partie du syndicat « X » ?) ;
  • L’état de santé du candidat (êtes-vous malade ?) ;

En ce qui concerne la santé du candidat, il peut être admis certaines questions compte tenu du caractère « dangereux » de l’emploi proposé.

  • Sur l’état éventuel de grossesse (êtes-vous actuellement enceinte ?). 

Article L1225-2

La femme candidate à un emploi ou salariée n'est pas tenue de révéler son état de grossesse, sauf lorsqu'elle demande le bénéfice des dispositions légales relatives à la protection de la femme enceinte.

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