Contexte de l'affaire
Une salariée de la société Fidelia Assistance depuis 2007, a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail le 22 octobre 2018, puis licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 11 janvier 2019.
Deux indemnités lui ont été versées :
- une indemnité compensatrice égale à l’indemnité légale de préavis,
- et une indemnité spéciale de licenciement, égale au double de l’indemnité légale.
Elle a saisi la justice pour obtenir un complément d’indemnité spéciale de licenciement, estimant que son ancienneté devait inclure la durée du préavis théorique, bien qu’il n’ait pas été exécuté. La cour d’appel de Rennes (17 avril 2024) lui a donné raison, jugeant que l’ancienneté devait être prolongée de la durée du préavis, et a condamné l’employeur.
L’employeur a formé un pourvoi, soutenant que l’indemnité compensatrice d’inaptitude n’est pas une véritable indemnité de préavis.
Extrait de l'arrêt de la cour de cassation sociale du 22 octobre 2025 n° 24-17.826
"Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1226-14 du code du travail :
5. Selon ce texte, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.
6. L'indemnité compensatrice prévue par ce texte n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et son paiement par l'employeur n'a pas pour effet de reculer la date de la cessation du contrat de travail. Il en résulte que le préavis ne doit pas être pris en compte pour la détermination de l'ancienneté à retenir pour le calcul de l'indemnité spéciale de licenciement.
7. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée une somme à titre de solde de l'indemnité spéciale de licenciement, l'arrêt retient que pour déterminer le montant de l'indemnité légale de licenciement, le délai de préavis doit être pris en compte, et que c'est à tort que l'employeur ne l'a pas intégré à l'ancienneté de la salariée pour calculer l'indemnité spéciale de licenciement qui lui était due.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé."
Décision de la Cour
Dans son arrêt du 22 octobre 2025, la chambre sociale casse partiellement la décision de la cour d’appel et déboute la salariée de sa demande.
La Cour rappelle que l’indemnité compensatrice prévue à l’article L. 1226-14 du Code du travail :
- n’a pas la nature d’une indemnité de préavis, même si elle en reprend le mode de calcul,
- son versement n’a pas pour effet de reculer la date de rupture du contrat,
- elle ne génère pas de droits à congés payés et ne prolonge pas l’ancienneté.
En conséquence, le préavis ne doit pas être pris en compte pour déterminer l’ancienneté servant au calcul de l’indemnité spéciale de licenciement.
L’ancienneté à retenir est donc celle acquise à la date de notification du licenciement, sans y ajouter la durée du préavis théorique.
La Cour statue sans renvoi, estimant que les faits permettent de trancher le litige.
Si l’indemnité compensatrice n’a pas la nature salariale et ne prolonge pas la relation de travail, elle ne peut pas, par cohérence, accroître artificiellement l’ancienneté pour le calcul d’autres indemnités de rupture.
Impact en paie
L’arrêt du 22 octobre 2025 apporte un rappel important pour le calcul des indemnités liées à l’inaptitude d’origine professionnelle.
Ancienneté à retenir
- L’ancienneté s’arrête à la date de notification du licenciement, sans tenir compte de la durée du préavis légal ou conventionnel.
- En revanche, la période de suspension du contrat due à l’accident du travail ou à la maladie professionnelle compte dans l’ancienneté.
Nature des indemnités et régime social
- L’indemnité spéciale de licenciement est indemnitaire et exonérée de cotisations sociales dans les conditions prévues pour les indemnités de rupture.
- L’indemnité compensatrice d’inaptitude est également indemnitaire : elle n’est pas assimilée à une indemnité de préavis et n’ouvre pas de droits à congés payés.