Ne pas indiquer sur le bulletin de paie la majoration pour travail de nuit, vaut présomption de non-paiement

Jurisprudence
Paie Prud'hommes

Ne pas mentionner sur les bulletins de paie la majoration pour heures de travail de nuit, vaut présomption de non-paiement. A l'employeur de faire la preuve du paiement qui ne peut résulter d’un salaire supérieur au minimum conventionnel.

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Un salarié est engagé, en qualité de pâtissier « extra » à compter du 6 juin 2011.

Le 1er janvier 2015, un contrat CDI est conclu avec reprise d'ancienneté.
Le 15 juillet 2015, le salarié saisit la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir le paiement d'un rappel de salaire, outre congés payés afférents, et des dommages-intérêts pour différents motifs.

Il réclame notamment le paiement de la majoration pour heures de travail de nuit, qui ne sont pas indiquées sur le bulletin de salaire. 

La cour d'appel de Paris, à l’occasion de son arrêt du 02 octobre 2018, déboute le salarié de sa demande.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les deux parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, et indique à cette occasion que :

  • Le défaut de mention sur les bulletins de paie du versement de la majoration pour heures de travail de nuit;
  • Vaut présomption de non-paiement de cet élément de rémunération ;
  • A l'employeur de faire la preuve d'un tel paiement ;
  • Et cette preuve ne saurait résulter du seul fait que le salaire effectif du salarié avait été supérieur au salaire minimum conventionnel.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

Vu l'article R. 3243-1 5° du code du travail et l'article 455 du code de procédure civile :

  1. Il résulte du premier texte que le bulletin de paie comporte la période et

le nombre d'heures de travail auxquels se rapporte le salaire en distinguant,

s'il y a lieu, les heures payées au taux normal et celles qui comportent une

majoration pour heures supplémentaires ou pour toute autre cause et en mentionnant le ou les taux appliqués aux heures correspondantes.

  1. Selon le second texte, les décisions de justice doivent être motivées.
  2. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour travail de nuit, l'arrêt retient que l'embauche du salarié s'est effectuée via la société (…), que la prestation offerte par cette société consistait à sélectionner du personnel, à le proposer à l'entreprise recrutant, cette dernière ayant la charge d'organiser la prestation de travail

pour le personnel sélectionné et de le rémunérer « selon les tarifs (…),», que dans le cadre de la tarification pratiquée entre les deux sociétés, il était convenu que le taux horaire attribué au salarié comprenait :

« les congés payés, la prime de précarité, les frais de déplacement, les heures supplémentaires, les heures de dimanche et les heures de nuit et la

journée de solidarité », que le taux horaire pour un salarié recruté comme boulanger pâtissier tourier est fixé à 14 euros nets pour les jours ouvrés, majorés à 15 euros le samedi et dimanche et à 19 euros les jours fériés, qu'à la lecture des bulletins de salaire, il apparaît que la rémunération obtenue par le salarié était bien supérieure à ce minimum, que c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes a relevé que la majoration du salaire par rapport au taux conventionnel prévu dans la convention collective permettait de considérer que les heures de nuit étaient bien incluses dans le salaire figurant sur les fiches de paie.

  1. En statuant ainsi, alors, d'abord, que le défaut de mention sur les bulletins de paie du versement de la majoration pour heures de travail de nuit vaut présomption de non-paiement de cet élément de rémunération, qu'ensuite, l'employeur doit faire la preuve d'un tel paiement, qu'enfin, cette

preuve ne résulte pas du seul fait que le salaire effectif du salarié avait été supérieur au salaire minimum conventionnel, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs inopérants, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

  1. La cassation prononcée sur le deuxième moyen entraîne, en application

de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué par le troisième moyen déboutant

le salarié de sa demande au titre des repos compensateurs, qui s'y rattache

par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la

Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. M... de

ses demandes de rappel de salaire pour le travail de nuit et d'indemnité compensatrice de repos compensateur, l'arrêt rendu le 2 octobre 2018, entre

les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient

avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°19-14247

Profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions concernant le travail de nuit comme suit : 

Les dispositions en vigueur 

Thème

Référence article code du travail

Contenu

Recours au travail de nuit

L 3122-1 (ordre public)

·       Le recours au travail de nuit est exceptionnel ;

·       Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale.

Mise en place

L 3122-15 (champ négociation collective)

Un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche peut mettre en place, dans une entreprise ou un établissement, le travail de nuit, ou l'étendre à de nouvelles catégories de salariés.

Cette convention ou cet accord collectif prévoit :

·       Les justifications du recours au travail de nuit mentionnées à l'article L. 3122-1 ;

·       La définition de la période de travail de nuit, dans les limites mentionnées aux articles L. 3122-2 et L. 3122-3 ;

·       Une contrepartie sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale ;

·       Des mesures destinées à améliorer les conditions de travail des salariés ;

·       Des mesures destinées à faciliter, pour ces mêmes salariés, l'articulation de leur activité professionnelle nocturne avec leur vie personnelle et avec l'exercice de responsabilités familiales et sociales, concernant notamment les moyens de transport ;

·       Des mesures destinées à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment par l'accès à la formation ;

·       L'organisation des temps de pause. 

Consultation médecine du travail

L 3122-10 (ordre public)

Le médecin du travail est consulté, selon des modalités précisées par décret en Conseil d'État, avant toute décision importante relative à la mise en place ou à la modification de l'organisation du travail de nuit.

Mise en place à défaut d’accord

L 3122-20 (dispositions supplétives)

L 3122-21 (dispositions supplétives)

À défaut de convention ou d'accord collectif, tout travail accompli entre 21 heures et 6 heures est considéré comme du travail de nuit et, pour les activités mentionnées à l'article L. 3122-3 (activités particulières), tout travail accompli entre minuit et 7 heures est considéré comme du travail de nuit.

Selon l’article L 3122-21, à défaut de convention ou d'accord collectif et à condition que l'employeur ait engagé sérieusement et loyalement des négociations en vue de la conclusion d'un tel accord, les travailleurs peuvent être affectés à des postes de nuit sur autorisation de l'inspecteur du travail accordée notamment après vérification des contreparties qui leur sont accordées au titre de l'obligation définie à l'article L. 3122-8 et de l'existence de temps de pause, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État.

L'engagement de négociations loyales et sérieuses implique pour l'employeur d'avoir :

·       Convoqué à la négociation les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et fixé le lieu et le calendrier des réunions ;

·       Communiqué les informations nécessaires leur permettant de négocier en toute connaissance de cause ;

·       Répondu aux éventuelles propositions des organisations syndicales. 

Tranches horaires

L 3122-2 (ordre public)

L 3122-22 (dispositions supplétives)

·       Tout travail effectué au cours d'une période d'au moins 9 heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et 5 heures est considéré comme du travail de nuit ;

·       La période de travail de nuit commence au plus tôt à 21 heures et s'achève au plus tard à 7 heures.

Selon l’article L 3122-22, à défaut de stipulation conventionnelle définissant la période de travail de nuit, l'inspecteur du travail peut autoriser la définition d'une période différente de celle prévue à l'article L. 3122-20, dans le respect de l'article L. 3122-2, après consultation des délégués syndicaux et avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent, lorsque les caractéristiques particulières de l'activité de l'entreprise le justifient.

Tranches horaires pour certaines activités

L 3122-3 (ordre public)

L 3122-9 (ordre public)

Par dérogation, pour les activités de production rédactionnelle et industrielle de presse, de radio, de télévision, de production et d'exploitation cinématographiques, de spectacles vivants et de discothèque, la période de travail de nuit est d'au moins 7 heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et 5 heures.

Pour les activités mentionnées à l'article L. 3122-3, lorsque la durée effective du travail de nuit est inférieure à la durée légale, les contreparties mentionnées à l'article L. 3122-8 ne sont pas obligatoirement données sous forme de repos compensateur.

Définition du travailleur de nuit

L 3122-5 (ordre public)

L 3122-16 (champ de la négociation collective)

L 3122-23 (dispositions supplétives)

Le salarié est considéré comme travailleur de nuit dès lors que :

Soit il accomplit, au moins 2 fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins 3 heures de travail de nuit quotidiennes ;

Soit il accomplit, au cours d'une période de référence, un nombre minimal d'heures de travail de nuit au sens de l'article L. 3122-2, dans les conditions prévues aux articles L. 3122-16 et L. 3122-23.

L’article L 3122-16 (champ de la négociation collective) indique qu’une convention ou un accord collectif de travail étendu peut fixer le nombre minimal d'heures entraînant la qualification de travailleur de nuit sur une période de référence.

L’article L 3122-23 (dispositions supplétives) confirme qu’à défaut de stipulation conventionnelle, le nombre minimal d'heures entraînant la qualification de travailleur de nuit est fixé à 270 heures sur une période de référence de 12 mois consécutifs.

Durées maximales

L 3122-6 (ordre public)

L 3122-7 (ordre public)

L 3122-17 (champ de la négociation collective)

L 3122-18 (dispositions supplétives)

L 3122-24 (dispositions supplétives)

·       Durée maximum quotidienne : 8 h (sauf dans les cas prévus à l'article L. 3122-17 ou lorsqu'il est fait application des articles L. 3132-16 à L. 3132-19 (équipe de suppléance)) ;

·       En outre, en cas de circonstances exceptionnelles, l'inspecteur du travail peut autoriser le dépassement de la durée quotidienne de travail, après consultation des délégués syndicaux et après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat (décret à venir).

L’article L 3122-7 précise que la durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit, calculée sur une période de 12 semaines consécutives, ne peut dépasser 40 heures, sauf dans les cas prévus à l'article L. 3122-18 (dispositions supplétives).

L’article L 3122-17 (champ de la négociation collective) prévoit qu’un  accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche peut prévoir le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail prévue à l'article L. 3122-6, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat (décret à venir).

Selon l’article L3122-18 (dispositions supplétives), un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut, lorsque les caractéristiques propres à l'activité d'un secteur le justifient, prévoir le dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail prévue à l'article L. 3122-7, à condition que ce dépassement n'ait pas pour effet de porter cette durée à plus de 44 heures sur 12 semaines consécutives.

Enfin, selon l’article L 3122-24 (dispositions supplétives), à défaut d'accord, un décret peut fixer la liste des secteurs pour lesquels la durée maximale hebdomadaire de travail est fixée entre 40 et 44 heures. 

Contreparties

L 3122-8 (ordre public)

Selon l’article L3122-8, le travailleur de nuit bénéficie de contreparties au titre des périodes de travail de nuit pendant lesquelles il est employé, sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale.

Autres mesures

L 3122-11 (ordre public)

Selon l’article L 3122-11, tout travailleur de nuit bénéficie d'un suivi individuel régulier de son état de santé dans les conditions fixées à l'article L. 4624-1.

Passage horaire de jour à nuit

L 3122-12 (ordre public)

L 3122-13 (ordre public)

L 3122-14 (ordre public)

L’article L 3122-12 précise que lorsque le travail de nuit est incompatible avec des obligations familiales impérieuses, notamment avec la garde d'un enfant ou la prise en charge d'une personne dépendante, le refus du travail de nuit ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement et le travailleur de nuit peut demander son affectation sur un poste de jour.

L’article L 3122-13 précise que le travailleur de nuit qui souhaite occuper ou reprendre un poste de jour et le salarié occupant un poste de jour qui souhaite occuper ou reprendre un poste de nuit dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise ont priorité pour l'attribution d'un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent.

L'employeur porte à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants.

L’article L 3122-14 indique que le travailleur de nuit, lorsque son état de santé, constaté par le médecin du travail, l'exige, est transféré à titre définitif ou temporaire sur un poste de jour correspondant à sa qualification et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé.

L'employeur ne peut prononcer la rupture du contrat de travail du travailleur de nuit du fait de son inaptitude au poste comportant le travail de nuit, au sens des articles L. 3122-1 à L. 3122-5, à moins qu'il ne justifie par écrit soit de l'impossibilité dans laquelle il se trouve de proposer un poste dans les conditions fixées au premier alinéa du présent article, soit du refus du salarié d'accepter le poste proposé dans ces mêmes conditions.

Travail de nuit des salariées enceintes

L 1225-9

L’article L 1225-9 ne connait qu’un seul changement, la référence à l’article L 3122-5 remplaçant la référence précédente à l’article L 3122-31.

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